La traite de personnes dans les Laurentides – Un phénomène peu connu

Par Marie-Catherine Goudreau

Édith de la Sablonnière est enseignante en psychologie au Cégep de Saint-Jérôme. Elle est aussi la chercheuse principale du rapport de recherche sur l’exploitation et la traite de personnes dans les Laurentides qui a été lancée le 1er décembre.

Ce projet de recherche a débuté il y a un an. C’est le Phare des AffranchiEs, un organisme des Laurentides qui se spécialise dans la lutte contre la traite de personnes, qui a approché le cégep pour amorcer cette recherche. Mme de la Sablonnière s’est tout de suite intéressée au projet, elle qui était familière avec cette problématique.

La traite de personnes, c’est quoi ?

La traite de personnes désigne « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité […] d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. »

Ce phénomène peut prendre différentes formes, telles que l’exploitation sexuelle, l’exploitation à des fins de travail, la mendicité forcée, la servitude domestique et le prélèvement d’organes.

Source : Organisation des Nations Unies

Pourquoi ce phénomène est si peu connu dans les Laurentides ? La chercheuse explique que c’est la première recherche sur la traite des personnes en région à sa connaissance.

Édith de la Sablonnière est enseignante en psychologie au Cégep de Saint-Jérôme. Photo : Courtoisie

« Actuellement les recherches portent surtout sur les grandes métropoles comme Toronto, Montréal, Vancouver. Aussi, les recherches existantes ont été basées sur des données essentiellement policières. Ça représente donc seulement les cas qui ont été déclarés à la police. Dans notre recherche avec le Phare, c’est la première fois que nous sommes allés questionner des gens sur le terrain et c’est ce qui fait l’importance au niveau de la méthodologie. Ce n’est pas toutes les personnes qui vont déclarer être victimes de traite. »

Deux volets

Cette recherche qui s’étend sur deux ans prendra deux volets. La première partie de l’étude, qui a été dévoilée cette semaine, visait principalement à questionner les personnes qui sont susceptibles d’être en contact avec une victime de traite dans le cadre de leur travail. « On parle ici des intervenants psychosociaux ou en santé, mais aussi les services policiers et judiciaires. Nous avons couvert très large, dans tous les milieux de proximité et communautaires, allant du CISSS des Laurentides, aux centres jeunesse, aux soupes populaires, etc. » Le but était également de questionner les participants sur leur connaissance de la traite et savoir si les services actuels répondaient aux besoins de ces personnes.

La deuxième étape de la recherche vise à approfondir les données récoltées. « La méthodologie sera différente : nous allons questionner les victimes elles-mêmes et aller à leur rencontre », souligne Édith de la Sablonnière. Dans ce volet, d’autres enjeux seront également explorés, comme les facteurs personnels, sociaux et de vulnérabilité. Il sera donc davantage question de la trajectoire de ces personnes, ce qui fait qu’elles entrent dans ce problème et comment elles s’en sortent.

Les apprentissages

Même si Mme de la Sablonnière travaille dans ce domaine depuis longtemps, il y a eu beaucoup de surprises quant aux résultats obtenus. « S’il y a 53 participants qui ont été capables d’identifier 315 per-sonnes victimes de traite et d’en suspecter 80, il y en a combien dans la réalité? », se questionne-t-elle.

Selon elle, un des gros problèmes se situe au niveau de la connaissance du phénomène et de la capacité à reconnaitre une victime. « 42 % des participants considèrent avoir un niveau de connaissance du problème faible ou très faible. Cette donnée me dit qu’il faut offrir des formations qui pourront s’étendre à toutes les personnes susceptibles d’être en contact avec des victimes. Les formations sont un moyen d’agir concrètement. »

De plus, près de 50 % des personnes se disent peu ou pas en confiance de reconnaitre une victime et la moitié de ceux-ci sont des intervenants psychosociaux et de la santé. « Lorsqu’une victime va cogner à une ressource, c’est un premier pas. Mais si l’intervenant ne reconnait pas qu’elle est une victime de traite et qu’elle ne la réfère pas aux bons organismes, elles passeront à côté du filet de sécurité. » Ainsi, la recherche a démontré que le système de référence est à développer pour que le trajet d’aide pour la victime soit plus clair, fluide et organisé.

Quelques faits saillants de la recherche

  • 53 personnes participantes indiquent avoir été en contact avec une ou des victimes ayant été exploitées ou résidant sur le territoire des Laurentides.
  • 315 victimes de traite ont été identifiées et 80 cas de traite sont suspectés.
  • La traite de personnes dans les Laurentides vise principalement des femmes (64,8 %) et des filles mineures (30,8 %).
  • La forme de traite de personnes la plus signalée est l’exploitation sexuelle.
  • Les victimes sont essentiellement des citoyennes canadiennes qui habitent la région et 62,2 % d’entre elles ont été exploitées sur le territoire des Laurentides.

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