Lâcheté ou discernement?

Par Mimi Legault

Mon amie Marie m’appelle et me demande de la rencontrer le plus tôt possible. Comme hier…, me dit-elle. Ça pressait. Je l’invite à venir s’asseoir dans ma cour. Masquées et distanciées, cela va de soi. Je la sens fort contrariée. Mon meilleur ami Marc, me dit-elle, est venu m’aider à peinturer l’un des murs du salon et par la même occasion, il m’a joyeusement annoncé que la veille, sa conjointe et lui avaient reçu leur famille.

Et là, Marie se met à gesticuler, à sacrer, à sauter du coq à l’âne. Non, mais j’ai même échappé mon pinceau! Tu te rends compte? Ils ont trois enfants (deux jumeaux de 18 ans et le dernier 16 ans) qui étaient accompagnés de leurs amoureuses. Et comme la soirée se faisait fraîche, ils ont soupé tous ensemble dans leur petite cuisine qui est grande comme ma gueule, m’assure Marie. Je ne parlais plus, elle a sans doute ressenti mon malaise.

Je suis une pleutre, Mimi. Une lâche qui est incapable de dire les vraies affaires.

Elle poursuit son monologue.

J’ai choisi le discernement, m’avoue-t-elle parce que si j’avais dit à Marc tout le mal que je pensais de sa niaiserie, les liens auraient peut-être été coupés. N’empêche… Moi qui n’ai pas vu mes deux filles depuis des mois sinon que sur Zoom; ma petite Romy est née il y a quelques semaines et je ne l’ai pas encore prise dans mes bras.

La voilà qui coule… ses larmes roulent sur ses joues en feu. J’ai beau ouvrir toutes grandes mes oreilles et mon cœur, j’ai la bouche bée. Heureusement, mon masque cache mon désarroi. Car moi aussi, je suis fâchée contre ce Marc qui se fout de ce maudit virus et de tous ceux qui l’entourent. C’est ce qu’on appelle de la transmission communautaire.

Ce fait me tracasse depuis. Dans ce sens de la voie de l’omerta. Si je désire demeurer vraie, dois-je toujours dire la vérité? Ou choisir de me taire? Sommes-nous con-damnés à jouer la comédie pour garder la paix avec ceux et celles que l’on aime? Doit-on trafiquer nos idées dans le seul but de ne pas déplaire quand on sait pertinemment que seule l’authenticité a un prix?

Il y a des moments où il est raisonnable d’être déraisonnable. Je parle de mon côté, pas de la décision de Marc. Être soi peut vous faire facilement dérailler et pourtant, c’est le chemin que je choisis au prix de perdre quelques plumes et amis. Je veux être celle que je suis. J’accepte de me montrer sans fard (il y a bien assez du masque…). Ça ne me tente pas de vivre à côté de mes bottines. Pour le moment, le seul courage que j’ai c’est de parler à la première personne. Tout ce que je peux faire dans ma vie c’est d’être moi-même. Certains m’aimeront pour ce que je suis; d’autres pour les services que je leur rends et les autres ne m’aimeront pas. C’est aussi simple que ça.

Même que je préfère ne pas être appréciée par de fausses gens. Je me connais, ça m’énerverait… Je tente seulement de me respecter. Pas facile. Parce que ce sont les promesses que l’on se fait à soi-même qui sont les plus difficiles à tenir. Pas de témoins pour s’assurer qu’on les respecte.

Des fois on dit peut-être quand au fond c’est non ou nous verrons quand c’est oui. Ce que l’on est dans la tête de son prochain n’est pas forcément ce que l’on est vraiment. Vous me suivez? Parce que ce n’est pas toujours évident, nous sommes prêts à croire n’importe quoi plutôt que d’affronter la réalité.

Un jour, j’avais entendu une femme snobinarde dire à une autre : « Je comprends parfaitement qu’il faille des gens de toutes sortes pour faire un monde, mais je me réjouis de ne pas être de ceux-là ». Comme quoi il n’y a pas d’obscurité, seulement une incapacité de voir. Pensée d’André Rousseau : il n’y a que deux circonstances où l’on est soi-même, quand on dort et quand on est ivre. Tout le reste c’est du chiqué. Vous croyez vraiment qu’il exagère… ?

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