L’Architecture des Laurentides
J’ai toujours défendu le lien organique qu’il devait y avoir entre une construction, et la terre sur laquelle elle devait être édifiée, notamment en matière d’habitat.
On retrouve aujourd’hui cette filiation dans bien des domaines, notamment l’alimentation, où des courants légitimes, qui semblent tellement évidents, essayent de faire comprendre aux consommateurs qu’il vaut mieux vivre avec les produits de saison que de faire venir des fruits de Nouvelle Zélande ou des légumes d’Argentine. Il en va de même avec l’architecture de nos maisons. Vous paraît-il normal de construire une maison espagnole dans les Laurentides? Bien sur que non. Mais je vais développer un peu.
D’abord, y a-t-il un style particulier dans les Laurentides? Oui, je le pense, mais il est noyé dans les milliers de maisons construites depuis plusieurs décennies. Le style des Laurentides pourrait être le pièce-sur-pièce, méthode de construction des pionniers qui n’avaient pas encore les installations industrielles pour couper le bois en composants basiques, monter les murs en quatre par quatre, et disposer de planches pour les parements. Le pièce sur pièce le plus caractéristique de la région pourrait être celui qui a été introduit dans la région vers la fin des années vingt par Victor Nymark, bâtisseur d’origine finlandaise, à partir du cèdre rouge de l’Ouest.
Après avoir construit l’Hôtel Montebello et l’Alpine Inn à Sainte-Adèle, le même bois a été utilisé pour édifier plusieurs maisons unifamiliales à Saint-Sauveur, Sainte-Adèle et Morin-Heights, ainsi qu’une Eglise à Saint- Sauveur. Ce style de construction est vraiment typique, brun foncé, pouvant donner des longueurs de murs assez inhabituelles pour cette technique de construction; et aurait pu inspirer d’autres types de bâtiments dans les Laurentides. Aujourd’hui, ce bâtisseur est reconnu comme ayant laissé des symboles puissants de ce que l’on peut faire avec des madriers à peine travaillés, et empilés sur des fondations de pierre.
Toutefois, alors que la poussée de l’urbanisation a quelque peu dégradé l’environnement bâti, des usagers en provenance de Montréal, ou de Laval se sont laissés aller à répliquer dans les villes et villages des Laurentides des maisons complètement urbaines et banlieusardes. Se disant qu’un toit en valait un autre, nous avons vu pousser ici des maisons qui ressemblaient trait pour trait à des bungalows ou des condos comme ceux que l’on trouve indéfiniment à chaque coin de rue en ville. Il est clair que l’on ne peut pas éternellement reproduire des chalets à la «Nymark».
Mais à partir du bois et de la pierre, du verre et pourquoi pas de l’acier, je reste convaincu que l’on pouvait décliner à partir de ces matériaux un habitat typique des Laurentides, très adapté au climat plus rude de la région.
Nous avons vu lors de chroniques précédentes, qu’il convenait de bien se protéger des influences nocives du Nord, et aller chercher l’ensoleillement. Cela, ajouté aux matériaux de base mentionnés pourrait donner désormais une image plus «Laurentienne» de notre architecture, et pourrait vraiment, je l’affirme, se moderniser, sans utiliser des références complètement anonymes, urbaines ou industrielles.
Sans vouloir instaurer des contrôles supplémentaires, ou encore des mesures coercitives, les municipalités ou bien les MRC pourraient créer un catalogue de recommandations, à ajouter dans les plans d‘urbanisme par exemple. On pourrait au passage ainsi résoudre cette équation toujours difficile du lien entre l’urbanisme et l’architecture. Les architectes et autres acteurs de la construction pourraient naturellement travailler avec leur clientèle pour coller davantage au terrain.
Enfin, les constructeurs, y compris les fabricants de maisons usinées ou industrialisées devraient tenter de faire comprendre à leurs acheteurs qu’une maison n’est pas un objet passe-partout. Qu’elle doit être lue dans le paysage comme étant un élément de celui-ci, et pas un objet importé comme une potiche.
Alors, au fil du temps, pourrait-on voir émerger un style laurentien, qui collerait bien avec la région, qui serait indépendant des modes, et surtout parfaitement adapté au climat, aux mœurs, et à l’histoire des Pays-d’en-Haut.