L’autre versant des falaises
Par nathalie-deraspe
Le projet de préservation tel que présenté par la Corporation régionale de protection des falaises (CRPF) n’a pas que des sympathisants. Plusieurs propriétaires terriens se sentent exclus des discussions et estiment avoir droit au chapitre.
«À Piedmont, il ne reste que 70 terrains à développer, déclare Gilles Pilon, un Prévostois directement concerné par le projet des falaises. Pendant que Prévost bloque le développement dans le parc, les promoteurs du Clos-Prévostois et de la Terrasse des Pins (plus au sud) ont les coudées franches. Pourquoi est-ce qu’on permet la militance des gens de Prévost dans le dossier alors que la majeure partie du territoire à protéger est du côté de Piedmont? La ville de Prévost a-t-elle l’intention d’annexer sa voisine?», questionne Clément Cardin.
Le maire de Piedmont admet sans ambages que son patelin n’a plus que 70 terrains en milieu urbanisé et que s’il veut continuer à développer, «il faudra le faire ailleurs». Cela dit, le maire affirme que le comité consultatif de Piedmont ne souhaite pas de construction à haute densité dans le secteur des falaises et ce, même si cet immense territoire représente 42% de la superficie totale de la municipalité. «Advenant un développement, nous désirons obtenir le tiers du territoire pour en faire un parc inter-municipal avec Prévost», explique Clément Cardin. Pour confirmer ses dires, le maire ajoute qu’il y a encore un mois à peine, la Corporation pour le développement de la jeunesse ERS était prête à céder gratuitement 30,7% de ses terres à des fins de parc. «Il y a des promoteurs qui sont favorables à ce genre d’arrangements, affirme à nouveau le maire. Récemment, un développeur a cédé 43% de terrain à la ville. Mais je ne suis pas enclin à m’asseoir avec des intégristes qui ne sont pas imputables à Piedmont», prévient M. Cardin, qui estime que la CRPF fait des revendications à l’emporte-pièce et que jamais la Corporation n’a pu documenter le fait que ERS aurait bénéficié de grasses subventions qui la rendrait redevable envers les contribuables. «Et quand je vois un conseiller de Prévost (Jean-Pierre Joubert) venir faire du piquetage devant l’hôtel de ville pendant une consultation populaire, je trouve ça tout à fait inacceptable», ajoute le maire.
Des propriétaires inquiets
Plusieurs propriétaires Piedmontais auraient signifié leurs inquiétudes quant aux intentions de la CRPF. Tout comme leurs voisins, ceux-ci craignent l’expropriation et imaginent déjà leurs projets de retraite s’envoler en fumée. «C’est une aberration au départ que de vouloir faire un parc avec 18 km carrés de terres privées», ajoute Gilles Pilon, qui possède une cinquantaine d’acres du côté de Prévost. Malgré ses 85 sans, sa voisine Margot Cardin ne mâche pas ses mots: «Ils ne veulent pas d’un parc, ils veulent des pistes de ski.» L’octogénaire affirme subir régulièrement les affronts des skieurs. Selon les dires des familles fondatrices de Prévost, c’est le culturiste Émile Maupas qui aurait développé des pistes de ski de fond et ce, bien avant l’arrivée de «Jack Rabbit». «Dans ce temps-là, soutient Mme Cardin (aucun lien de parenté avec le maire), ce n’était pas la même mentalité, pas la même effronterie. Jack Rabbit lui, était arrogant et coupait les clôtures sans respecter ni rien, ni personne. Et aujourd’hui, on est pris avec ces skieurs qui m’achalent pour avoir ma terre, ajoute la dame. Il y a deux semaines, le maire est venu avec son évaluateur et deux de ses conseillers. Ils voulaient m’offrir 3 sous le pied carré pendant que ça se vend 1,50 $ pas loin d’ici. C’est des voleurs!»
Mme Cardin, qui possède 225 arpents des terres convoitées, prétend en outre que deux acres de plantation de chêne blanc et de noyer noir ont été détruits par des véhicules tout-terrain et que son potager a été saccagé par des marcheurs. «Cces gens-là se sont emparés de nos terres pour faire du ski mais je ne me laisserai pas faire», se défend-t-elle.
ENCADRÉ
Titre : Une loi qui paralyse
En août 2003, la ville de Piedmont a accepté d’annexer plusieurs lots prévostois appartenant à ERS. À la même époque, la ville a modifié son schéma d’aménagement en vue de permettre le développement domiciliaire dans ce secteur. Tout était en place pour favoriser un projet d’envergure. Mais l’article 19 de la loi sur l’Environnement, qui venait renforcer la conservation du patrimoine naturel des falaises, est venu court-circuiter les projets immobiliers qui auraient pu voir le jour sur ces terres. Depuis, un recours a été déposé contre l’ex-ministre Thomas Mulcair et le ministère du Développement durable, de l’environnement et des parcs (MDDEP). Peter Clement d’ERS, affirme qu’il a bien hâte de livrer sa version des faits. «Tant que le dossier est entre les mains des avocats, je suis tenu à garder la confidentialité dans l’affaire», a-t-il précisé.