Le lapin rose

Par Mimi Legault

La chronique à Mimi par Mimi legault

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La personnalité du chanteur Hubert «La Voix» Lenoir m’émeut. Son côté androgyne me rassure sur le fait qu’il existe encore des gens qui se démarquent volontairement des autres. Ceux-là sont beaux à voir et à entendre. Laissons-le parler : «Je voudrais un monde plus coloré, rempli de beaux immeubles et de belles œuvres d’art, où les gens seraient plus différents les uns des autres, où les garçons porteraient du maquillage pour aller à l’école s’ils le veulent.»

Je suis quelque peu allergique à toute forme d’imitation de l’autre, à celui ou à celle qui devient le caméléon de l’autre dans le couple, aux propos empruntés du «tout l’monde le fait, ben fais-le!» Notre société rejette facilement les gens différents, que ce soit dans leurs idées, leurs actions, leur habillement.

Être soi-même demande beaucoup de courage et, en même temps, rien n’est plus stressant que de chercher à être différent de ce qu’on est. Les gens deviennent «petits» en se ressemblant et en se rassemblant. L’exemple de Mike Ward envers le jeune Jérémy Gabriel atteint du syndrome de Treacher Collins (malformation du visage) est venu me chercher dans ce sens que l’humoriste a donné le même spectacle des centaines de fois. Ce qui signifie que des milliers de personnes ont ri de cette supposée blague. C’est ce genre de chose qui ralentit le groupe, côté humain. Il n’y a rien que l’homme fuit autant qu’un rendez-vous avec lui-même, c’est d’ailleurs ce qui rend l’industrie du spectacle si florissante! Le public? Il est toujours comme un troupeau, bê bê oui. Pourvu que tu ne te démarques pas, que tu fais fondre ta graisse intellectuelle dans la masse, t’es heureux.

Qu’aurait l’air un jeune garçon du secondaire avec des ongles rouges, maquillé, poudré, avec des talons hauts et qui préférerait la danse classique au hockey viril de chez nous? Intimidation assurée. Mais l’instinct d’imitation et surtout, l’absence de courage sont roi et maître dans notre belle société où chacun «cannibalise» son voisin par le biais des réseaux sociaux.

Toute petite, on m’appelait le garçon manqué parce que je préférais, et de loin, jouer au cowboy, grimper dans les arbres. Je détestais porter des robes et prendre le thé avec ma jeune sœur qui aimait la présence de ses mille et une poupées. Heureuse-ment, j’ai eu des parents qui ont compris ma personnalité différente. Je n’ai jamais oublié ce jour où ma mère est arrivée avec une immense boîte qu’elle m’a ordonné d’ouvrir sur-le-champ. J’avais sept ou huitans. Dedans se trouvait un jeans délavé bleu pâle. Sur les poches était brodé un jeune qui faisait du rodéo. Le t-shirt blanc qui m’allait comme un gant accompagnait une veste sans manches en denim. Pour finir, une belle paire de bottes de cowboy avec lesquelles j’ai voyagé des milles et des milles à travers les prés d’une enfance heureuse. Avec leur clin d’œil complice, je venais de comprendre que mes parents avaient décidé de m’accepter telle que j’étais. Du bonbon!

Je rêve du moment où les gens prendront plus de soin à être eux-mêmes qu’à tromper les autres en se déguisant avec la dernière mode ou en empruntant la parole de l’autre.

Une femme de grande valeur m’a déjà dit un jour: sois toi-même, mais ne t’ouvre pas les flancs pour chercher l’approbation parce que certaines gens n’attendent que ça pour t’achever. Être différent ou ce qui nous distingue des autres est un atout, ce n’est pas un handicap à ce que je sache!

Un jour, à l’école, j’écris au tableau: « il était une fois un petit lapin rose qui vivait avec des dizaines de lapins gris». Je demande à mes élèves de 5e année de poursuivre le récit. (J’invite les enseignantes à faire le test et à m’envoyer le résultat.) Sur les 28 présents, 27 avaient écrit des choses comme: pauvre lui, il faisait pitié ou il pleurait toute la journée, il devait se sentir rejeté ou pire, il devait avoir honte de lui. Un seul a applaudi le lapin rose et a écrit qu’il était chanceux dans sa différence.

C’était mon beau Sammy qui justement se démarquait et qui ne pensait jamais comme les autres. Était-il populaire? Pas toujours.

N’empêche que je rêve de voir de plus en plus de Sammy pousser dans le champ universel de la liberté d’être vrai!

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