Le nombre de saisies de maisons a presque quadruplé en 3 ans
Par nathalie-deraspe
Péril en la demeure dans les Laurentides
En 6 mois, 300 résidences ont été saisies dans Laval-Laurentides. C’est le double qu’à Montréal. Et ce n’est pas fini, prévient Daniel Langlois, de la firme GDL Crédit ressource.
La spirale de l’endettement semble avoir particulièrement touché les propriétaires du nord de Montréal. Le territoire de Laval-Laurentides obtient la palme des reprises de finance au Québec. En un an, les saisies de maisons ont bondi de 34,5%. En concentrant les données de Saint-Jérôme à Tremblant, on apprend que 10% des reprises de finances de la province sont effectuées dans cette petite portion des Laurentides. Pour l’année en cours, on en compte déjà 24 à Saint-Jérôme, 10 à Sainte-Adèle, 8 à Saint-Sauveur et 6 à Tremblant.
En juin, 900 préavis ont été enregistrés dans l’un ou l’autre des bureaux de la publicité des droits du Québec, seule façon pour le créancier d’exercer un droit hypothécaire en défaut. C’est 44% de plus qu’à pareille date l’an dernier. Près des trois quarts des propriétaires auront assez de 60 jours pour s’entendre avec leur prêteur. Mais les statistiques indiquent que bon an mal an, 25 à 30% d’entre eux n’arriveront pas à redresser leurs dettes avant cette période limite et n’auront d’autre choix que de se résigner à délaisser leur maison.
Le règne de l’argent virtuel
«La situation a commencé il y a un an et demi et n’ira pas en s’améliorant», confie Daniel Langlois de la firme GDL Crédit service inc. Selon les données compilées, les 4 dernières années affichent des records inquiétants. Dans les Laurentides, on parlait de 46 saisies en 2006. Il y en avait 121 deux ans plus tard. Et voilà qu’à l’intérieur de 6 mois seulement, on atteint le chiffre faramineux de 145 pour le seul bureau de Terrebonne, qui ne compile ni les données de Laval, ni celles de Mirabel et de Saint-Colomban. Qui plus est, la moyenne des hypothèques dues était de 114 000$ comparé à 191 340$ en 2009. A-t-on les yeux plus grands que la panse?
«Les gens sont très endettés, concède l’avocat et syndic de faillite Gilles Rivard, de la firme Jean Fortin & associés. Au moindre soubresaut, c’est la débandade.» Il ne faut surtout pas croire que ses clients sont issus d’une seule couche de la société, prévient-il. «Chacun a ses propres problèmes.» Gilles Rivard admet toutefois que le marché a beaucoup évolué. «Autrefois, explique l’économiste, les institutions gelait les cartes de crédit le temps que leurs clients se refassent une santé financière. Quand on voulait un vêtement, on allait porter un acompte jusqu’à ce qu’on l’acquitte au complet et qu’on reparte avec. Aujourd’hui, c’est «consommez maintenant et payez tout le temps». Les transactions s’additionnent jusqu’au jour où un imprévu arrive et qu’on ne puisse plus jongler avec nos cartes. Vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de maisons qui n’ont pas de meubles. Un jour pourtant, ça va prendre une paire de bas.»
À qui la faute?
En analysant la situation, il est facile d’accuser le consommateur qui n’a pas daigné faire un budget avant de s’offrir la maison de ses rêves. Mais la responsabilité est partagée entre les institutions et leurs clients. Après l’explosion de la bulle technologique, il restait deux secteurs profitables: l’immobilier et le crédit, explique à nouveau Gilles Rivard. Comme par hasard, durant la même période, les taux hypothécaires ont drastiquement chuté et l’offre de crédit s’est multipliée d’une façon exponentielle. Beaucoup de gens ont profité de cette «offre en or» pour plonger. Mais la piscine qu’ils venaient de faire creuser grâce à un énième prêt n’avait peut-être pas suffisamment d’eau pour les voir flotter à l’aise…«Les gens ont magasiné un paiement, pas une maison.»
La conseillère budgétaire de l’ACEF des Basses-Laurentides, Jacinthe Nantel, est d’avis que trop de gens se fient sur leurs institutions financières pour connaître leur capacité à rembourser. Alors que toutes les dépenses reliées à l’habitation devraient tourner autour de 30% (cela comprend tous les frais de chauffage, d’entretien, de communications et de taxes), on constate que les ménages dépassent souvent ce seuil stratégique de 15%. Difficile d’établir un lien direct avec les problèmes financiers et les ennuis de santé, mais depuis 5 ans, l’organisme enregistre chez sa clientèle une hausse de burn-out, d’invalidité, de troubles mentaux et autres facteurs qui s’ajoutent au nombre de divorces et séparations à l’origine des saisies de résidences. Les conséquences d’un faillite sont pourtant graves. Le crédit d’une personne est entaché entre 6 et 14 ans pour les premières faillites. Au delà de ça, impossible d’emprunter à nouveau auprès des institutions reconnues. «Les gens ont l’impression que le crédit c’est une augmentation du pouvoir d’achat, affirme le syndic Gilles Rivard. Mais au fond, c’est juste un nœud de plus pour se pendre.»