Le panier des valeurs
Au moment d’aller sous presse, il y avait 261 commerces des Laurentides (sur 4658 au total) inscrits sur le site du « Panier Bleu », une initiative gouvernementale, mise sur pied afin de dynamiser le commerce local. Et vous, croyez-vous aux retombées de ce site ?
Plusieurs saluent l’initiative, et j’en suis, mais je me demande encore dans quelle mesure, un (autre) répertoire en ligne va se traduire en ventes directes, dans les poches de nos commerçants et dans l’économie d’ici. Certes, ceux qui font des affaires en ligne vont probablement voir leur achalandage légèrement augmenter, mais au moment où l’on se parle, il est encore trop tôt pour crier victoire, surtout qu’il ne s’agit que d’une vitrine sans possibilité de transactions.
Des initiatives
« Trop, c’est comme pas assez », risque d’être l’expression populaire pour un bout, alors que les initiatives en ligne explosent de toutes parts. Chambres de commerces et municipalités, consortium d’entrepreneurs, et j’en passe, tout le monde s’est lancé dans les initiatives d’achat local et a développé sa propre plateforme, si bien que dans cette marée de nouvelles opportunités, c’est le consommateur qui risque d’être mêlé.
La situation du Panier Bleu est non sans rappeler le chaos que l’on a déjà connu avec les 1001 sites d’offres de places en garderies, tantôt subventionnées et tantôt privées, et le bordel que ça a créé lorsque le gouvernement, bien intentionné, s’est imposé avec un site dit « centralisé ». ll faudra souhaiter que les dirigeants et le conseil d’administration du Panier Bleu tiennent compte des erreurs passées et évitent les dédoublements d’efforts.
Conseil d’administration crédible et approprié ?
Commençons par les bonnes nouvelles : je me réjouis de voir (enfin) une représentation féminine proportionnelle sur ce conseil d’administration – il était essentiel de donner le ton, bravo. J’ai aussi été emballé par le fait que les membres siègent de manière bénévole, un geste symbolique en ces temps difficiles. Ce C.A., chargé de veiller sur les intérêts, et d’assurer la gouvernance de cette initiative gouvernementale doit être en phase avec les consommateurs, et surtout envers le public, largement constitué de petites entre-prises qu’il doit servir – c’est là où le bât commence à blesser.
D’une part, il est constitué en bonne partie de fonctionnaires politiques, et de dirigeants… de grandes entreprises, qui, malgré leur expérience, sont souvent déconnectés de la réalité des petits commerçants – on a manqué, pour le moment, une belle opportunité d’inclure des gens « de la base ». Qui plus est, la nomination de certains membres, dont Sylvain Prud’homme (Achat de RONA par LOWE’S et contre-performances historiques) et d’Alexandre Taillefer (Président de campagne Libérale et déboires de Taxelco) me laisse perplexe. En ces temps émotifs, où le but ultime du gouvernement est de donner confiance au peuple, en donnant l’exemple, disons que je me serais gardé une petite gêne avant de nom-mer ces deux hommes au conseil d’administration, nonobstant leurs vastes connaissances des affaires.
Est-ce que ça veut dire que messieurs Prud’homme et Taillefer n’ont pas de compétences ? Absolument pas, et en fait, ils ont assurément effectué plus de bons que de mauvais coups. Mais dans ce cas-ci, parcours probant et réputation plus « blanc que blanc » sont directement liés avec crédibilité et adhésion – c’est pourtant le premier chapitre dans le manuel des relations publiques 101.
On devra se poser des questions
Ce n’est pas réaliste ni économiquement viable de tout fabriquer et d’acheter ici. Plusieurs s’inquiètent, à juste titre, de cette forme de protectionnisme, vertueux, certes, mais illusoire dans un marché tourné vers l’international. On peut se fermer collectivement les yeux et penser que « ça va bien aller », mais ce ne sera pas aussi simple. Il est souhaitable que l’initiative du Panier bleu contribue à aiguiser le réflexe du consom-mateur d’aller vérifier sur le site en premier, avant d’aller magasiner ailleurs. Mais malheureusement, la réalité c’est que beaucoup de clients continueront de regarder Amazon et chercheront d’abord un prix, au détriment de la provenance.
On devra aussi se demander ce qu’est un produit québécois, et choisir ce que je veux prioriser comme consommateur, entre mon portefeuille, ma conscience et mes valeurs. En tant qu’entrepreneur, j’aurai aussi des questions à me poser. Est-ce que je suis moins québécois comme commerçant parce que je produis ici, mais que je vends essentiellement mes pâtés chez Costco ? Ou si je suis « plus québécois » parce que j’assemble et vends ici mes produits dont les composantes viennent toutes d’Asie ? Si je suis un détaillant qui ne produit rien, mais que je vends juste des importations, est-ce que je suis digne d’un Panier Bleu ?
À suivre.