Le plan de lutte aux cyanobactéries serait le fait de l’improvisation!

Par nathalie-deraspe

Un consultant en espaces verts fait l’apologie du gazon

Bernard Morin ne se fera pas d’amis avec ses déclarations chocs. Mais il se rebiffe quand il lit les commentaires de la ministre Line Beauchamp. D’autant plus que l’on s’apprêterait à faire passer la bande riveraine de 10 à 30 mètres. Une aberration selon lui.
«Je sais avec les références scientifiques dont je dispose, que le gazon n’en est pas une source de phosphore lorsque l’entretien est fait correctement et qu’une bande riveraine de 3 mètres sert de zone tampon», lance le spécialiste. Avec une quantité impressionnante de données à l’appui et une conviction sans bornes, l’entomologiste et arboriculteur Bernard Morin sait convaincre.
À ses yeux, arracher ou laisser pousser le gazon en bordure des lacs amplifie le problème au lieu de le résoudre. «La ministre dit de ne pas fertiliser mais où sont ses références? Moi, je l’ai demandé et je n’ai jamais obtenu de réponses», lance M. Morin. Toutes les études le confirme : fertilisé ou non, le gazon laisse échapper la même quantité d’azote et de phosphore. Et plus il est long, plus le gazon fera de racines qui serviront justement, à capter les excès de phosphore échappés entre autres des fosses septiques. Celles-ci en lessiverait de 30 à 70%, selon le cas.

Quand le gazon est plus vert…

Et voilà Bernard Morin décliner en boucle tous les aspects positifs de cette herbe mal aimée, drue et uniforme ou échevelée et rebelle. Après tout, ça fait 30 ans qu’il est dans le métier. «La littérature scientifique contredit la réglementation actuelle, mais cette réglementation demeure la référence dans le contrôle des cyanobactéries. Don’t let the facts interfere a good story, ironisent les journalistes anglais.»

Au départ, il ne faut pas juger le gazon comme seul produit esthétique. Celui-ci apporte une contribution importante à l’environnement, explique M. Morin.

La pelouse aide à atténuer les effets du réchauffement de la planète. Les plantes qui la composent retiennent 12 millions de tonnes de fumée et de poussières provenant de l’atmosphère (Daniel et Freeborg, 1979). Une pelouse de 2 500 pieds carrés de bonne qualité libérera suffisamment d’oxygène pour subvenir aux besoins d’une famille de quatre personnes en utilisant le CO2 de l’atmosphère (Shoulers, 1987). Schery affirme qu’un acre de pelouse absorbe probablement des centaines de livres de bioxyde de souffre (SO2) annuellement. Le pelouse absorbe également de l’ozone, du fluorure d’hydrogène et du nitrate de peroxyacétyl, qui appartiennent au groupe des pires polluants atmosphériques et tout cela en redonnant de l’oxygène au milieu ambiant (Roberts et Roberts, 1989). Le taux d’infiltration des surfaces en pelouses contribue à réduire la quantité de sédiments qui parvient aux égouts, aux rivières et aux lacs car l’agent principal de l’érosion du sol est l’eau. Et plus la pelouse est dense, plus elle sera efficace pour lutter contre l’érosion (Watscke, 1986). Sans oublier que lorsque la température est de 100 degrés Fahrenheit à la surface d’un trottoir, elle n’est que de 75 à la surface d’une pelouse.

Finalement, peu importe la diversité végétale d’une pelouse, plus d’une soixantaine d’espèces d’arthropodes (millipèdes, araignées, insectes) s’y retrouvent, desquels plus de 90% sont bénéfiques (prédateurs, décomposeurs).

La pelouse est un aménagement paysager peu dispendieux qui permet un premier geste vert environnemental. Et c’est beaucoup moins dur sur les petits genoux fragiles et délicats. Mais ce qu’on ne dit pas, c’est qu’il faudrait 10 à 15 centimètres de terre arable avant chaque pose. Une façon simple et efficace de réduire de beaucoup l’utilisation de pesticides ou d’engrais.

Un bouc émissaire
«On culpabilise le pauvre citoyen. L’État se décharge de ses responsabilités. On s’apprête à exiger 30 mètres de bande riveraine pour cautionner tout le développement à l’aveugle qui se fait alentour sans aucune étude d’impact, dénonce le consultant. Il fallait dire de planter au travers du gazon. Mais les villes ont improvisé. Et la première chose qu’elles auraient à faire, c’est de revégétaliser les fossés. Bien des gens contournent les règlements d’interdiction de pesticides et s’approvisionnent sur Internet. Ils utilisent des produits beaucoup plus polluants et souvent interdits et traitent leurs espaces verts sans toujours vérifier les quantités à appliquer.»

Quant aux engrais organiques, ils seraient plus nuisibles que ceux dits «chimiques» parce qu’ils se libèrent plus rapidement dans l’environnement. Un réaménagement de bord de lac avec de tels engrais et à la première pluie, tout se dirige vers le plan d’eau qu’on veut protéger.

Ceux qui se conforment sont souvent découragés. Les villes recevraient fréquemment des plaintes au sujet de terrains dévastés par des indésirables. Un citoyen a même menacé de faire payer sa municipalité pour son aménagement sans pesticides.

Après trois tentatives infructueuses, l’homme laissait filtrer sa frustration. Une infestation de vers blancs a d’ailleurs été constatée depuis 2007 à Saint-Jérôme et le phénomène tend à se diriger plus au nord. Et que dire de l’herbe à poux, qui se répand comme une traînée de poudre si laissée à elle-même?

Des solutions
«Rétablissons la crédibilité du gazon, lance Bernard Morin. Attaquons-nous aux vrais problème : les constructions à flanc de montagne, les barrages de castors, la lumière diffuse (la présence accrue de la lumière autour des plans d’eau aurait un effet sur le zooplancton) et les fosses septiques non conformes.

Le reste, c’est de la pure improvisation. On veut laisser la nature faire, mais ça fait longtemps qu’elle n’est plus dans notre cour.»

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