L’écocentre de la Rivière-du-Nord les refuse faute d’espace
Par nathalie-deraspe
Avec le Plan de gestion des matières résiduelles, Québec allait exiger le recyclage de 65% des déchets de la province en décembre 2008 au plus tard. Merveilleux, ont applaudi les écologistes. Irréalisable, ont clamé en chœur les municipalités.
Après avoir accumulé des montagnes de matériaux secs sans trouver preneur, l’écocentre de la Rivière-du-Nord a décidé de tout balancer à l’enfouissement. Mais ce n’est que partie remise, promet le président de Développement durable Rivière-du-Nord (DDRN), Yvon Brière.
Les mauvais langues pointeront du doigt le fait que M. Brière préside d’une main un organisme qui prône la récupération et le recyclage, tandis que de l’autre, il gère une municipalité qui tolère depuis 50 ans un des plus gros site d’enfouissement de la province. Quand on sait que Waste Management offre l’enfouissement au tarif hautement avantageux de 17$ la tonne, on peut s’imaginer pourquoi le dossier semble piétiner. Mais ce raisonnement est simpliste aux yeux du principal intéressé.
Mercredi, les municipalités membres de DDRN se sont réunies afin de dresser un bilan de mi-saison. «On a eu une montée fulgurante, de dire Yvon Brière. On réussit à recycler de 18 à 20% de nos déchets. C’est tout un pas, quand on sait qu’il n’y a pas si longtemps, on voyait encore des gens jeter des matelas et de la peinture dans le fossé.» Ce loup de la politique en sait quelque chose. Il a déjà tenté de faire fermer le site d’enfouissement à titre de conseiller il y a une trentaine d’années, en vain. «Au moins aujourd’hui, le site est sécuritaire.» If you can beat them…
Volonté politique
Le directeur général de DDRDN, Alain Bellay, confirme l’engouement récent de la population de la couronne jérômienne vis-à-vis de leur écocentre. Plus de 200 000 kilos de matières ont été récupérés cette année. En août 2008, le site a reçu 2 500 visiteurs. Cette année, leur nombre s’élève à 16 500. Une explosion de 580%. Imaginez s’il fallait qu’on y recycle les matériaux secs, plus communément appelés déchets de construction.
«Il y a encore beaucoup de travail à faire, confie le gestionnaire. On reçoit plusieurs appels par jour pour ce type de matériaux. Mais les coûts d’enfouissement offerts aux municipalités viennent compliquer le travail. Mais d’un autre côté, les gens paient déjà cher de taxes pour qu’on s’occupe de leurs déchets. Quand ils apprennent qu’il leur faut encore déverser un minimum de 100$ pour des matériaux secs qui pourraient être récupérés, ça les choque. Mais ça va prendre de la pression pour changer les choses.»
Alain Bellay ne s’en cache pas. L’achalandage phénoménal des derniers mois portera les élus à réfléchir. Pour l’heure, le manque d’espace oblige DDRDN à refuser systématiquement ce type de matériaux. Yvon Brière affirme pour sa part que les homologues songent déjà à relocaliser le site pour satisfaire tous les besoins en matière de recyclage. «Il faut y aller par étapes. On est 5 villes assises autour de la table et il faut y aller avec la capacité de payer des gens.»
Question de gros sous
Fondé en 2006, l’organisme a déjà fait affaire avec certaines entreprises notamment intéressées par la récupération de bois. Une serre située à 10 minutes de l’écocentre se chauffe presqu’exclusivement de cette manière. Un autre se dit prêt à réutiliser l’asphalte et le béton. Mais encore faut-il s’assurer d’un approvisionnement régulier pour répondre à la demande de ces nouveaux clients potentiels.
À l’écocentre de Sainte-Adèle comme à celui qui vient d’ouvrir ses portes dans les Pays-d’en-Haut, on accepte les matériaux secs moyennant un paiement de 50 cents le pied cube. Il n’empêche. Quand Monsieur et Madame Tout-le-monde remplit sa petite Toyota pour faire un geste environnemental, ça coûte au bas mot 20$, soit 3$ de plus que ce que charge Waste Management pour une tonne. Voyant cela, Monsieur Tout-le-monde s’empresse d’aller quérir de gros sacs résistants et les engloutit un à un, au fil des semaines, dans son gros bac à déchets. Pourquoi payer deux fois?
«Les matériaux secs, c’est notre talon d’Achille», admet candidement Alain Bellay. Mais tout n’est pas noir au pays des déchets. Sur les trois grandes familles que forment le réemploi, le recyclage et l’enfouissement, seulement 5 à 10% a pris le chemin de Sainte-Sophie en 2009.