Les établissements privés non conventionnés réagissent aux propos du premier ministre Legault du 11 avril 2020
Par Rédaction
Lettre ouverte de l’Association des établissements privés non-conventionnées du Québec s’adressant à la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, au sujet des propos de Monsieur Legault.
Madame la Ministre,
Quelle façon irrespectueuse de remercier ses partenaires CHSLD privés non-conventionnés alors que le ministère achète des places à profusion et à moindres coûts depuis fort longtemps. Malgré ces propres aveux publics l’an dernier, suite aux multiples apparitions de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants lors desquels elle mentionnait que c’était terrible, que cela n’avait aucun sens et qu’on était pour arranger la situation afin de régler les petits salaires, etc., rien ne s’est fait. C’était il y a déjà 16 mois. Où donc était l’urgence à ses yeux, à vos yeux ?
Sachez que nous attendons toujours la mise à niveau qui nous rapprocherait du financement des CHSLD privés conventionnés afin de pouvoir mettre en place la même offre de service globale et, surtout, enfin régulariser les petits salaires qui causent l’instabilité dans les équipes.
Suite à l’annonce du premier ministre Legault, le samedi 11 avril dernier lors de son point de presse quotidien, plusieurs de nos membres ont été secoués et outrés de certains propos, des propos méprisants et démobilisants envers les établissements privés et leurs employés. De mentionner que nous n’étions pas prêts, nous les CHSLD privés non conventionnés, en nous pointant spécifiquement du doigt, quand on connaît la situation dans les autres CHSLD publics ou conventionnés à Laval, à Montréal, en Montérégie, en Mauricie. Pourquoi nous avoir pointés spécifiquement ?
Ça n’aide aucunement la situation face à une population qui s’inquiète déjà beaucoup dans les circonstances. Et maintenant, avec ces propos, elle le sera beaucoup plus et plus spécifiquement,
à notre endroit. Ses propos n’ont fait que mettre de l’huile sur un feu déjà bien allumé.
Au lieu de rassurer la population comme il l’a si bien fait depuis le début de la crise, il l’a apeuré et monté contre nous. Il aurait dû utiliser cette situation ISOLÉE afin de rassurer cette même population en lui disant qu’il règlerait personnellement la situation du financement dans nos établissements une fois pour toute, et ce, dans les jours suivants.
Pointer publiquement l’ensemble des CHSLD privés non conventionnés pour les agissements d’un seul n’est pourtant pas la façon de faire de monsieur Legault. Pour la première fois depuis le début de cette crise, monsieur Legault a été malhabile. Si un homme braque une banque, est-ce que tous les hommes de la province iront devant le juge ?
Nos CHSLD privés aident le système de la santé depuis longtemps, très longtemps même : un système, un gouvernement qui a su profiter du privé en lui offrant un petit financement. C’est connu de tous maintenant. Et malgré la volonté et l’admission de ces faits par monsieur Legault et madame Blais depuis leur arrivée en poste, la situation perdure toujours. Pourtant, 30M $ ont été budgétés et promis en mars 2019 : nous n’en avons jamais vu la couleur.
Monsieur Legault, sur le coup de l’émotion, ne réalisait pas qu’il pointait du doigt beaucoup plus que les CHSLD privés non conventionnés. En effet, il pointait du doigt tous les PDG et les directeurs SAPA de tous les territoires de la province où se trouvent des CHSLD privés non conventionnés. Il pointait aussi du doigt toutes les équipes de visiteurs qui font les visites ministérielles dans ces mêmes CHSLD ainsi que sa directrice responsable de ces visites.
Il pointait également du doigt, du même coup, l’équipe complète de madame Blais et ultimement, il pointait madame Blais elle-même, une femme qui a visité tous les CHSLD privés non conventionnés ou presque, et qui nous a promis de l’aide et de l’assistance afin de régler notre financement.
Mais, personne au ministère ne l’a aidée jusqu’à présent ; certains lui ont d’ailleurs mis des bâtons dans les roues, comme le dit si bien l’expression. Nous attendons toujours ces sommes promises.
Alors, je demande à monsieur Legault ceci : tous ces gens que je viens de mentionner, ces gens qui travaillent fort pour les aînés dans le but commun de les protéger et d’améliorer leur qualité de vie, est-ce dire qu’ils ont manqué à l’appel, qu’ils ont tous failli à la tâche ? Bien sûr que non !
Au lieu de dépêcher des visites d’urgence comme si nous étions les pires CHSLD du système actuel, des gens cachetiers et malhonnêtes, il aurait pu tout simplement demander aux PDG ou encore aux directeurs SAPA ou même à sa directrice responsable de la qualité au ministère leurs commentaires sur nos établissements, car ils font un excellent travail et ils nous connaissent très bien et nous appuient au besoin. Mais, sur le coup de l’émotion, son message a dérapé.
Malgré tout, je suis confiant que les visites ciblées dans tous les CHSLD privés non conventionnés démontreront que nous ne sommes pas différents de tous les autres CHSLD publics et privés conventionnés et que dans la situation que nous vivons actuellement, nous avons tous agi selon les consignes établies avec les moyens dont nous disposions, car certains sont touchés par la COVID-19 plus que d’autres.
Il ne faut pas oublier que la santé publique retire systématiquement les employés infectés ou en attente d’un résultat et ne les remplace pas, bien entendu. Avec, comme résultat, un manque d’effectifs que nous ne sommes pas toujours en mesure de combler. L’aide promise et annoncée par le ministre avec l’ajout d’effectifs nous est arrivée 2 semaines plus tard et, dans certains établissements, ils sont toujours en entente de support. En ce temps de crise, la situation est hors de notre contrôle.
Nous pourrions ajouter à ceci qu’initialement les fournitures d’équipements de protection individuelle avaient été suspendus chez nos fournisseurs afin de fournir et couvrir les hôpitaux, mais que durant cette période, les CHSLD en étaient dépourvus. Pour ce qui est de l’argent annoncé, l’argent promis, nous n’avons toujours pas reçu les sommes à ce jour et avons dû avancer les montants.
Par contre, nous sommes d’accord pour dire que la situation au CHSLD Herron est déplorable et inacceptable et surtout, qu’elle n’aurait jamais dû avoir lieu. Je vous assure personnellement qu’en aucun temps cette situation reflète ce qui se passe ou encore ce qui a été mis en place dans les autres CHSLD privés non conventionnés de la province. D’ailleurs, les visites pourront le confirmer.
Les CHSLD qui ont été épargnés par la COVID-19 dans les premières semaines, ont pu mieux se préparer que ceux touchés dès le début de cette pandémie. En effet, il y avait plus d’informations disponibles après les deux premières semaines. Ceci est aussi vrai pour vous, monsieur Legault et monsieur Arruda : vous vous êtes adaptés au fur et à mesure que la situation a évolué. Certains CHSLD continuaient même à recevoir des transferts d’hôpital malgré le fait qu’il y avait des cas de COVID-19 dans leurs murs, ce qui fut cessé le jeudi 9 avril.
De plus, au tout début de la crise, on laissait les employés travailler malgré les symptômes et on attendait que le résultat du test soit positif avant de les retirer du CHSLD où ils travaillaient : telles étaient les consignes des premiers jours. Toutes ces situations ont été révisées et corrigées au cours des jours et des semaines qui ont suivis, avec le résultat qu’on connaît maintenant.
Bien que l’association déplore la situation au CHSLD Herron, si les propriétaires et la direction ont caché de l’information, l’investigation demandée dévoilera les circonstances des évènements qui se sont déroulés. L’intervention aurait dû être ciblée et non généralisée comme ce fut le cas lors de la conférence de presse du samedi 11 avril.
Les visites demandées dans les CHSLD privés non conventionnés sauront rassurer le premier ministre et vous-même, madame McCann, et je vous demande que ces résultats soient dévoilés au public afin de rassurer, mais surtout d’éliminer les différences perçues entre les CHSLD publics, conventionnés et non conventionnés, car nous avons tous la même clientèle donc, la même mission et les mêmes objectifs, et ce, malgré le sous-financement.
La situation que nous vivons actuellement n’a jamais autant mise en évidence le fait que nous travaillons dans le même but. Par contre, il est vrai que nous n’avons pas toujours les mêmes moyens et les mêmes outils qu’aux établissements publics, et cela est en partie la faute du gouvernement actuel. Il ne peut plus, dorénavant blâmer les gouvernements passés.
Depuis que le gouvernement actuel est en place, il a reconnu le sous-financement dans nos établissements. Je crois que nous devons nous servir des leçons actuelles afin de régulariser la situation et ne pas attendre après la crise : c’est trop important et, pour certains, trop urgent. Si la pire crise de notre histoire ne réussit pas à le faire bouger, qu’est-ce que ça prendra ? Il faut absolument régler la situation une fois pour toute.
Au nom de tous les membres de l’Association des Établissements Privés Non Conventionnés du Québec, nous vous demandons des excuses publiques, et ce, au nom de tous nos employés, tous les professionnels, tout le personnel de soutien et tous les bénévoles qui travaillent d’arrache-pied pour venir à bout de cette crise dans nos CHSLD PRIVÉS NON CONVENTIONNÉS !
Pour terminer, vous devriez peut-être considérer offrir des excuses à tous vos employés du réseau qui travaillent pour vous et pour nous. Mais ceci est l’opinion d’un simple président d’une association d’établissements privés non conventionnés.
Solidairement,
Michel Nardella
Président – AELDPQ
Association des établissements
privés non-conventionnées du Québec