Les juifs hassidiques s’étonnent de l’intérêt qu’on leur porte
Par nathalie-deraspe
Accès ouvre le dialogue
Accès est allé à la rencontre de quelques familles juives hassidiques, pour tenter de mieux comprendre les us et coutumes de cette communauté qui fréquente les Laurentides depuis maintenant plus d’un demi-siècle. Voici le premier d’une série d’articles portant sur le sujet.
Chaque été c’est pareil. Au lendemain de la Fête Nationale, ils sont des centaines à débarquer à Val-Morin, Val-David ou Sainte-Agathe, une ribambelle d’enfants sous les bras (certaines femmes en ont jusqu’à 17 ou même 20!). Ils s’installent dans des chalets précaires, la plupart rafistolés à la va-vite. Dès lors, ces localités prennent une autre couleur. Les villageois tentent tant bien que mal de «s’accommoder» de leur seule présence. Mais les voir déambuler à pied souvent sur plus d’un kilomètre est déjà un spectacle en soi. Si les enfants apparaissent joyeux, les femmes mariées affichent un teint pâle. Question de modestie (et de loi hassidique), leurs cheveux sont cachés sous un foulard uniforme. Quand elles sortent, elles peuvent toutefois porter la perruque. L’important, c’est de réserver sa chevelure à son époux. Les hommes et les adolescents, tout de noir vêtus, paraissent encore plus austères et s’efforcent de ne jamais croiser nos regards. Ceux-ci se méfient davantage du regard des femmes. La plupart du temps, ils embrassent le sol de leurs yeux pour éviter tout contact. Nos enfants rient des boucles qui pendent de leur coiffe immense, des apparats qu’ils arborent dès l’âge de trois ans. Religion oblige. «Je ne sais pas pourquoi les gens s’intéressent tant à nous, dit une femme. On respecte les nouvelles lois, on paie nos taxes, on recycle, et je ne sais si vous savez, mais recycler avec le nombre d’enfants qu’on a, ce n’est pas toujours évident. Ce serait pas mal plus facile de tout jeter à la poubelle.»
Nous l’avons surprise, la robe enfarinée, à préparer le pain pour le jour sacré du sabbat. La dame se fait volubile. Impossible de connaître son nom. Elle craint la publicité négative. D’ailleurs, avant de nous ouvrir sa porte, elle a demandé avec méfiance quel genre de reportage nous entendions faire. Après l’approbation de son mari, celle-ci se met plus à son aise. Lui épie la conversation du coin de l’œil et ajoute des éléments pour nourrir le propos. Il souligne à sa femme qu’en tant qu’enseignant, il apprend aux enfants à respecter le voisinage et la propriété d’autrui. Une autre avait lancé plutôt: «Vous savez, on tente d’apprendre la propreté aux jeunes, mais sur six, y’en a peut-être deux qui ne font pas les choses comme on veut.»
Incompréhension mutuelle
Il n’empêche, pour quelques familles du coin, la rue du Rêve devient chaque été un cauchemar. La bataille s’est intensifiée depuis que la municipalité tente de faire observer à la lettre son règlement de zonage. C’est que depuis près de 30 ans, une école illégale et une synagogue sont construits à quelques pas des résidences. Durant deux mois, une cinquantaine d’enfants fréquentent le site. Le soir, les adolescents étudient jusqu’à 22 heures. Le jour du sabbat, c’est la synagogue et les prières qui semblent déranger la quiétude des voisins. La communauté hassidique a subi deux revers et tente cette fois-ci d’amener la cause en Cour suprême. Celle-ci sera défendue par nul autre que Julius Grey. «C’est un argument de droit très intéressant, souligne le juriste. L’incompréhension est mutuelle et la méfiance est des deux côtés. Le fait de ne pas avoir joué franc jeu (la Cour d’appel a souligné la mauvaise foi de la communauté) soulève une question sérieuse du droit. Si la peur de l’employeur fait que des employés se réunissent à son insu, le syndicat formé est-il illégal? Le droit n’est pas l’application aveugle des règles.» Le refus d’accommodements fait multiplier les hôpitaux et les écoles privées et n’aide en rien l’intégration, soutient l’avocat. Cela dit, Julius Grey reconnaît que la communauté hassidique est «difficile à fondre». De son côté, la municipalité est d’avis que la cause pourrait faire jurisprudence. «On a négocié une entente à l’amiable avant d’entamer les procédures judiciaires, affirme le directeur général de Val-Morin, Pierre Delage. La communauté avait reconnu verbalement l’illégalité de la situation. Mais on a fait face à d’autres membres plus radicaux appuyés par le Congrès juif canadien qui opèrent comme à Outremont, où des bâtiments résidentiels ont été convertis en dortoir et des immeubles résidentiels en synagogue.»
Jeudi, la ville de Saint-Adolphe-d’Howard était elle aussi confrontée dans l’affaire Miramont. Une autre communauté hassidique demandait une injonction interlocutoire provisoire pour installer une clôture autour de l’ancien hôtel.