Les Laurentides se mobilisent autour du phénomène de l’hypersexualisation
Par nathalie-deraspe
Plus de 300 personnes étaient réunies jeudi dernier à Sainte-Adèle, pour mesurer les conséquences de l’hypersexualisation et dégager un consensus en vue de contrer le phénomène. Dans les faits, on attendait 100 participants de moins. Ce record démontre bien l’intérêt de la population quant à la menace, souligne l’Agence de santé et des services sociaux des Laurentides.
Selon Pierrette Bouchard, venue présenter les grandes lignes d’une recherche à paraître intitulée Consentante? Hypersexualisation et violences sexuelles, le terme d’hypersexualisation signifie «donner un caractère sexuel à une chose qui n’en possède pas nécessairement». Le professeur de sociologie Richard Poulin, spécialiste des industries du sexe depuis 25 ans, va jusqu’à parler de «pédophilisation», tant le phénomène touche les jeunes personnes. Au Québec, les infractions sexuelles seraient en constante progression et les deux tiers des victimes sont désormais âgées de moins de 18 ans. En avant-midi, les participants ont assisté à la projection de Sexy inc, nos enfants sous influence, de la cinéaste Sophie Bissonnette. Le documentaire démontre à quel point le marketing et les médias ont sexualisé tous les secteurs de la société. Lilia Goldfarb, du Y des femmes de Montréal, a ensuite expliqué comment l’hypersexualisation pouvait entraîner des violences importantes au niveau du corps, qu’il s’agisse de troubles de l’alimentation, de chirurgies plastiques, de grossesses non désirées, d’infections transmises sexuellement ou d’exploitation sexuelle proprement dite. À cela s’ajoutent les phénomènes de délinquance, d’abus d’alcool et de drogues.
Élément de vente
«Les enfants sont réduits à un simple rôle de consommateurs, soulignait en conférence de presse Élyse Laurin, répondante au dossier de violence conjugale et d’agressions sexuelles à l’Agence de santé des Laurentides. Cette culture malsaine envahit toute notre société. On perpétue le mythe de la femme fatale et pour certains, cela devient son unique rôle, tandis que les hommes sont confinés à celui de chasseurs.» Pour Michèle Roy, du Regroupement des Centre d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel (CALACS), le simple fait de vivre dans une société hypersexualisée va jusqu’à remettre en question l’aspect de consentement chez les jeunes filles. Pour certaines, ce geste serait de moins en moins libre et éclairé. Une première recherche effectuée sur la consommation de la pornographie chez les jeunes établit entre autres que l’épilation totale (phénomène qui touche 85 % des jeunes filles et 57 % des garçons) et le piercing découlent en bonne partie de la pornographie. «Les trois quarts des garçons et plus de la moitié des filles ont consommé de la pornographie avant l’âge de 13 ans, soutient Richard Poulin. Mais ce qu’ils consomment n’a rien à voir avec les Playboy et les Penthouse de l’époque de leurs parents. Depuis 1985, on a arrêté la lutte contre le sexisme, poursuit le spécialiste.. Le rapport de la Commission Fraser sur la prostitution et la pornographie avait été décevant. On ne parlait pas des effets sur la population. Après, le néo-libéralisme a triomphé. On parlait de liberté d’expression alors qu’il s’agissait tout au plus de liberté de communication. Il aura fallu une génération pour reprendre le bâton du pèlerin, constate-t-il. Mais il y a un domaine où le gouvernement devrait intervenir, c’est Internet. La pédopornographie est un crime, pourquoi ne pas l’interdire?» Cette journée régionale de réflexion coïncidait avec le dépôt du deuxième plan d’action en matière d’agressions sexuelles . Les organisateurs de l’événement espèrent que le gouvernement songera à établir un lien direct entre l’hypersexualisation et les agressions sexuelles, comme les intervenants ont si bien su le faire jeudi. En attendant, le comité régional de concertation intersectorielle recueillera tous les commentaires et suggestions en vue d’une série d’actions de prévention à venir.