«Les soins palliatifs sont là pour rester», soutient la direction de l’Hôpital Laurentien

Par nathalie-deraspe

Dossier Soins palliatifs de l’hôpital de Ste-Agathe

À Sainte-Agathe, on retrouve l’unité des soins palliatifs grâce à une indication vitement signée sur une feuille de papier accolée à un mur du deuxième étage. Désormais, ce département portera le nom d’unité d’évaluation-convalescence-récupération/soins palliatifs.

Après plusieurs reportages peu éloquents diffusés à la télévision, où médecins et proches de malades dénonçaient largement les récentes décisions de l’Hôpital laurentien, la direction a tenu à faire le point pour tenter de rassurer la population.
«Ça m’étonne que le dossier prenne autant d’ampleur, confie le porte-parole de l’établissement Alain Paquette. C’est une décision qui a été annoncée en septembre.» Si l’annonce de la réorganisation des soins est passée sous silence, son application elle, suscite beaucoup de réactions.

Le porte-parole soutient que le département a toujours eu une double vocation, soit celui de dispenser des soins d’oncologie et d’offrir traitements et soutien aux personnes en fin de vie.
«il y a toujours eu quatre lits en soins palliatifs et il n’est pas question de les fermer», poursuit Alain Paquette. Une lettre a d’ailleurs été distribuée à cet effet aux malades le 26 novembre dernier. Le lendemain, la Fondation de l’hôpital était appelée en renfort et signait une autre missive du genre. Pour l’établissement, cet appui est crucial puisque l’organisme y est pour beaucoup dans la création de cet unité.
«Le virage effectué par tous les établissements de la province prévoit de transférer les ressources de l’hôpital vers les soins à domicile, explique M. Paquette. Ce qu’on souhaite, c’est que les gens qui viennent se faire soigner en oncologie puissent retourner à la maison le soir. La façon de faire est différente, concède le porte-parole, et je peux comprendre qu’il y ait de l’inconfort mais ce qu’on vise, c’est la qualité de vie des personnes. Et tout le monde souhaite davantage mourir à la maison qu’à l’hôpital.»

Décision administrative

Pour le personnel, cette décision n’est pas étrangère au fait que l’hôpital a évité la tutelle. Pendant six mois, la firme Grant Thornton a fouillé les livres de l’établissement. «La moyenne nationale de déficit pour un hôpital du genre est de 10 à 12 M$, souligne le député Claude Cousineau. Il s’est passé des choses questionnables pour qu’à Sainte-Agathe, on se retrouve avec un trou de 25 M$.»

Mais les lits aux soins palliatifs ne sont pas comptabilisés au niveau de l’établissement et ne peuvent donc pas être éligibles à des subventions. La direction de Sainte-Agathe argue qu’elle se fit aux chiffres du gouvernement qui sont de 1 lit pour 10 000 patients. Quatre lits seraient donc suffisants selon la norme pour desservir la clientèle de la région, évaluée à 44 000. «Il y a deux mois, l’hôpital voulait fermer les 8 lits disponibles pour les redistribuer partout dans l’hôpital. Mais quand le personnel de l’hôpital est venu me rencontrer, j’ai réussi à obtenir une demie-victoire. Qu’on arrête de parler de cibles à atteindre, rétorque Claude Cousineau. Les employés se donnent corps et âme pour leurs patients et c’est là-dessus qu’il faut miser.»

Mourir à la maison. C’était le souhait de la mère d’Élaine Valiquette en 2003. Le problème, c’est qu’elle a été faussement condamnée. Après trois mois d’injections et de médicaments de tout acabit, elle reste 18 jours sans boire ni manger. «Votre mère n’est pas en fin de vie, se fait répondre la famille, elle est juste droguée!»
«Je ne comprends pas comment elle n’est pas morte. Avec tout ce qu’elle a pris de morphine, c’aurait tué un cheval», rapporte Élaine Valiquette en citant les propos d’un médecin de l’urgence. «On nous disait de faire ça, mais en réalité, on était en train de tuer notre mère au bout d’une seringue!»

Des problèmes cardiaques à répétition aurait vraisemblablement conduit au mauvais diagnostic. «On nous disait, si le patient le souhaite, il peut mourir à domicile, il aura de l’aide du CLSC. Bullshit! Au bout de deux semaines, il fallait faire les injections intra-musculaires, sous-cutanées et intra-veineuses.

Quand le médecin passait, il regardait sa montre en disant: faut se dépêcher, j’ai une partie de golf! Ça nous a pris deux ans à nous en remettre de cette histoire.» Quatre ans plus tard, sa mère est toujours en vie. Mais en août de cette année, on décèle un cancer au père d’Élaine.

Après des mois d’interventions, il se retrouve aux soins palliatifs de Sainte-Agathe. «Tout le monde venait pour l’évaluer et déterminer où ils allaient le transférer. La troisième semaine, j’ai dû me battre jour après jour pour qu’on le garde là, raconte Mme Valiquettte. Fallait qu’ils mettent son nom n’importe où. Chaque fois qu’il avait un répit, il avait une nouvelle évaluation pour le changer de colonne. Lui s’est mis à douter. S’ils veulent me transférer, peut-être que je n’ai pas le cancer, raconte-t-elle. Alors au lieu de cheminer avec lui, je devais me battre pour le garder là où il était.

Finalement, à force de pleurs et de cris de ma part, on a dit: on va mettre ton père sur la glace, on a d’autres cas à évaluer.» Son père est finalement décédé le 30 octobre dernier, soit 21 jours après sont hospitalisation. La semaine avant son décès, on l’évaluait toujours.
«Avec la réorganisation des soins, c’est évident qu’il y a des patients qui vont se retrouver aux soins palliatifs un peu plus longtemps et d’autres qui vont mourir au deuxième étage dans une chambre à quatre, laisse tomber Mme Valiquette, ça ne peut pas faire autrement.»

Gilbert Quevillon a perdu son père en septembre dernier d’un cancer des os qui l’a foudroyé en l’espace deux semaines. Cette année, c’est au tour de sa mère de se mourir d’un cancer du côlon qui se généralise de jour en jour. L’hôpital a tout de même cru bon de procéder à des évaluations pour le moins étonnantes, dont l’une consistait à préparer un repas.
«J’étais furieux quand j’ai appris que le département allait fermer, lance l’homme d’affaires Gilbert Quevillon. Quand la maladie est apparue chez mon père, il s’est retrouvé dans un endroit paisible, avec des bénévoles extraordinaires qui distribuaient des biscuits chauds et mettaient de petites musiques douces.» Quand sa mère est tombée malade, lui et sa femme en ont pris soin autant que faire se peut, en se disant qu’au moins, elle allait finir ses jours dans un décor agréable, grâce à l’unité de soins palliatifs de Sainte-Agathe, confie-t-il.
«Est venu un temps où on était plus capables. On avait droit à une infirmière, une demie-heure, une fois par semaine. Le reste du temps, on devait faire toutes les injections, changer ses sacs et lui donner tous les médicaments dont elle avait besoin. Ma mère commençait à avoir des hallucinations. Avec les trois enfants, ce n’était plus possible de la soigner convenablement. D’autant plus qu’on était restés sans nouvelles des services de soins à domicile pendant deux semaines.»

Le 3 novembre, Mme Quevillon est admise aux soins palliatifs, une unité que l’on appelle désormais soins palliatifs / fin de vie et où, depuis plus de deux semaines, l’établissement applique le fait que les patients doivent y séjourner un maximum de 30 jours. «Ça faisait 19 jours que ma mère était hospitalisée quand ils ont commencé à me harceler, confie Gilbert Quevillon. Pourtant, tout le monde sait qu’elle avait besoin d’une présence 24h sur 24. Je leur ai demandé: avez-vous des services à m’offrir? Ils m’ont répondut non.»

Sa mère évaluée

Mme Quevillon a échoué sa première évaluation: elle se croyait en 1987. On réévalue son cas en lui proposant de cuisiner une sauce à spaghetti. «Au départ, ma mère n’était pas capable de mettre ses pantoufles, raconte son fils. Selon moi, elle échouait déjà son test, mais non. On lui met ses pantoufles. On se rend compte qu’elle ne peut pas marcher, on fait appel au fauteuil roulant. Ils l’ont finalement forcée à faire la cuisine et elle en a eu pour deux jours à s’en remettre! Et on lui a donné 9 sur 10, ironise-t-il. Ces évaluations-là, ça n’existait pas avant. On traitait pour le mieux, un point c’est tout. Et là, on arrive à l’échéance de 30 jours. Qui décide à quelle heure on meurt?»

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