L’été des extrêmes pour les maraîchers
Canicules, smog, pluies abondantes, gels tardifs : la saison 2023 n’a pas été reposante pour les maraîchers de la région. Les climats extrêmes ont beaucoup affecté leur rendement et une canicule tardive donne maintenant des récoltes abondantes. Bref, les températures n’ont pas rendu la vie facile aux maraîchers.
Pour Léandre Raymond-Desjardins, propriétaire des Jardins de la Fourchette à Mirabel, ce sont surtout les problèmes d’irrigation et de pluies abondantes qui ont nui aux récoltes. « On a eu beaucoup de pertes, notamment les courges et les choux. L’eau a vraiment compliqué le travail », souligne-t-il. Les pluies et l’eau qui restaient dans les champs empêchaient lui et son équipe de travailler le sol et de désherber. Cela leur a causé du retard. « Certains aliments ont mieux performé, comme les navets japonais. Mais on a plus de choses qui ont mal été ! »
Des variétés non-adaptées au climat extrême
Plus au nord à Mont-Tremblant, la Coopérative Aux Petits Oignons n’a pas connu de difficulté en temps de fortes pluies, mais plutôt en temps de sécheresse. « On a un sol léger, alors quand il y a trop d’eau, on est moins affectés, mais le temps sec nous affecte plus », explique Véronique Bouchard, cofondatrice de la ferme. Elle souligne tout de même avoir été moins touchée par les grandes pertes que d’autres fermes ont connues. C’est notamment grâce à leur modèle basé sur la biodiversité, la santé des sols, les cultures diversifiées et la relation humaine avec les consommateurs.
« Nos variétés botaniques sont faites pour un climat stable. Elles ne sont pas adaptées pour un climat aussi extrême », soutient Véronique, également autrice du livre Cuisiner sans recettes. Le climat de cet été a favorisé le développement de maladies ou encore engendré la pourriture de certains aliments. La culture des choux-fleurs et des brocolis, très sensibles aux variations de température, a été « désastreuse » dans les dernières années, rapporte Véronique. « Ça nous fait questionner : est-ce qu’on va continuer à s’acharner sur une culture qui n’est pas avantageuse financièrement ? »
« Ce qui nous aide à faire face aux changements climatiques, c’est la solidarité et l’entraide entre les mangeurs et les fermiers, mais aussi entre les fermiers eux-mêmes. »
-Véronique Bouchard, cofondatrice de la Ferme Aux Petits Oignons
Températures chaudes en début septembre
La première semaine de septembre a pour sa part été très ensoleillée et chaude, ce qui « fait du bien » indique Léandre. Toutefois, les températures de 40 degrés Celsius, anormales à ce temps-ci de l’année, font en sorte que les légumes d’automne vont murir plus vite. Cela devient difficile à gérer, notamment pour les abonnements de paniers.
« On a des légumes qui seront prêts plus tôt que ce qu’on pensait. On va en avoir beaucoup dans les prochaines semaines, mais moins dans un mois. Mais on ne peut pas juste faire un gros panier », explique le propriétaire.
Même situation du côté de Mont-Tremblant, où la ferme a récolté en grande quantité des poivrons et des tomates. « Nos abonnés à nos paniers nous aident et les achètent en caisses. Ça leur permet de faire du cannage par exemple et de les conserver jusqu’à l’hiver », explique-t-elle. C’est toute une culture culinaire et alimentaire à inculquer, dit la fermière de famille.
Solutions et solidarité
Plusieurs maraîchers partout au Québec vivent des difficultés cet été, a observé Léandre. Il a lui-même fournit certains en carottes pour qu’ils complètent leur offre. Selon Véronique Bouchard, il est essentiel de s’aider entre fermiers, en partageant des trucs et en achetant les surplus des autres.
Puis, dès l’automne, Léandre commencera à regarder pour un système de drainage, qui est devenu essentiel pour que les cultures résistent aux pluies intenses. « C’est quelque chose que je n’avais pas envisagé les dernières années, mais après cette saison, c’est inévitable. Sinon, c’est de l’énergie et du travail mis en amont qui sont perdus », dit-il.
La diversité des cultures permet aussi d’être plus résilient face au climat, par rapport à la monoculture. Mais il faudrait aussi un soutien de la part du gouvernement, croit Véronique. « Comme ce n’est pas soutenu, ça se reflète sur le prix de l’aliment. […] En ce moment, les pratiques de monocultures sont celles soutenues par l’État, qui fournissent des produits à bas prix aux consommateurs. Mais ces pratiques dégradent notre capacité à faire face aux changements climatiques à long terme », explique la cofondatrice de la Ferme Aux Petits Oignons.
Alors que les abonnements aux paniers de légumes ont grimpé durant la pandémie, ils sont maintenant en diminution. Selon Véronique, les gens choisissent de mettre leur budget ailleurs – dans les voyages et les restaurants – plutôt que dans l’alimentation. « Il faut transformer nos habitudes alimentaires, cuisiner avec les légumes de saison et se rapprocher des producteurs », ajoute-t-elle.