Métier: travailleur de rue

Par Valérie Maynard

Stéphane Cardi

Depuis deux ans, Stéphane Cardi marche son territoire, s’assoit sur les bancs de parc, s’arrête dans les bars, capte le regard de l’un, tend une main à l’autre, distribue sa carte d’affaires et attend patiemment que le temps fasse son oeuvre. «S’il faut donner un objectif à mon travail, il est là, dans le lien de confiance que je dois établir», estime-t-il. Et dans les nombreuses visites à domicile qu’il effectue au quotidien, tel qu’en témoigne son agenda: prendre des

nouvelles de l’un, accompagner un autre pour le renouvellement de sa carte d’assurance-maladie ou à son rendez-vous au CLSC, faire un suivi; toutes les raisons sont bonnes et tous les détours se valent. «Chacun possède sa propre

histoire et son rythme. Moi, mon rôle, c’est d’être là», dit-il.

Il y a deux ans, Stéphane Cardi se fondait dans le décor. «Tous les regards ne me voyaient pas». Aujourd’hui, «à force de traîner un peu partout», dit-il, sa présence constante commence à laisser des traces. «L’autre soir, j’étais assis dans un bar quand quelqu’un m’a mis une main sur l’épaule. Il ne m’a pas parlé, ne m’a même pas regardé. Pour moi, ça voulait dire qu’il savait que j’étais là. Ça goûtait bon», décrit-il.

Instabilité résidentielle

Basé à Saint-Sauveur, Stéphane Cardi répond aussi aux appels provenant des autres municipalités: Sainte-Adèle, par exemple, où 215 familles bénéficient actuellement de l’aide alimentaire, Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, ou ailleurs. Fréquemment aussi, il va à la rencontre des jeunes de l’école secondaire Augustin-Norbert-Morin. Parce que l’isolement social existe partout.

À ceci s’ajoute, l’été venu, ses visites dans les boisés de la région où s’érigent, bon an mal an, des campements de fortune. «À une heure au nord de Saint-Jérôme, l’itinérance s’appelle du camping. Les gens installent leur tente pour l’été. C’est comme une sorte d’apaisement pour eux de sortir de la ville et de vivre dans le bois», constate-t-il.

Des hommes âgés entre 40 et 60 ans pour la plupart, parfois des couples, parfois des femmes, tous des gens qui vivent une instabilité résidentielle, temporaire ou pas. «Mon rôle, c’est d’accompagner les gens dans leur souffrance, des gens qui ne sont pas sur le train. Est-ce que mon job c’est de les remettre sur le train? Pas nécessairement. Je dois juste être là et les écouter sans porter de jugement», définit-il.

Son travail consiste aussi parfois à servir de bougie d’allumage. À Saint-Sauveur, par exemple, il a réussi à mobiliser une soixantaine de jeunes, la municipalité et la communauté autour d’un même projet: le réaménagement du skatepark au parc Molson. Le projet devrait connaître un heureux dénouement au cours de l’été.

Écluse des Laurentides

Stéphane Cardi compte parmi les 11 travailleurs de rue qui sillonnent le vaste territoire des Laurentides, sous la gouverne de l’Écluse des Laurentides, un organisme qui tente présentement d’assurer sa pérennité. «Aujourd’hui, personne ne perd sa job. Mais à plus long terme, on entre en zone de turbulence», image en terminant M. Cardi.

Un court documentaire vient d’ailleurs d’être lancé par l’organisme afin de sensibiliser les bailleurs de fonds et les gens en général à la cause du travail de rue.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur [www.ecluse.org]. Lire autre article sur Fleur de Macadam.

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