Mieux comprendre le fonctionnement du cerveau pour de meilleurs comportements

Par Martine Laval

Dr Joël Monzée

Dr Monzée, qu’est-ce qui a provoqué chez-vous cette curiosité d’explorer le fonctionnement du cerveau?

JM: Je viens moi-même d’une famille dysfonctionnelle. Enfant, j’avais un comportement «dérangeant». Je m’ennuyais en classe. Ça n’allait pas assez vite, j’étais donc turbulent… de là mon envie plus tard, d’expliquer aux adultes comment fonctionne un enfant.

Que pensez-vous de la société actuelle avec des diagnostics de dépression pour les adultes et d’hyperactivité ou comportement dérangeant entraînant la prise du Ritalin pour les enfants?

JM: Mes études et mon travail sur le terrain me permettent de constater la détresse chez l’enfant actuel. C’est parce que les adultes qui l’entourent le sont eux-mêmes que l’enfant le devient. La désorganisation de son milieu familial (absence et séparation des parents entre autres) et scolaire (les enseignants travaillant dans des conditions complexes et très demandantes de nos jours) n’offre pas d’assise stable pour l’enfant, d’où sa propre désorganisation. Non pas d’aller chercher la source de ses comportements, on le diagnostique et on lui fait prendre des médicaments – pour ne pas dire qu’on le drogue –  au lieu de l’outiller pour fonctionner sainement. On ne tient malheureusement pas compte de l’environnement dans lequel il grandit. On lui demande de performer, mais on ne lui donne pas les conditions nécessaires pour le faire. Environ 24% des enfants sont médicamentés! C’est en fait le reflet de la société actuelle dans laquelle les adultes sont eux-mêmes médicamentés sans prendre en compte la provenance de leurs maux. Dans la seule année 2011, 400 millions d’antidépresseurs et 120 millions de psychostimulants ont été prescrits! Ça démontre assez bien la difficulté d’adaptation à cette société elle-même dysfonctionnelle.

Lorsque Joël Monzée me confie qu’à peine 8 minutes de télévision le matin sont suffisantes pour perturber la journée d’apprentissage de l’enfant à l’école (!), on peut tirer nos conclusions sur les effets dérangeants de «l’écran» dans leur vie!

Où s’en va-t-on Dr Monzée?

JM: En fait il faudrait revenir à un environnement plus «humain», dans une ambiance d’entraide dans lequel il est alors plus facile d’identifier les gens dans le besoin et de leur venir en aide en diverses situations aussi banales soient-elles. Il faut absolument retourner aux vraies valeurs, en commençant à l’intérieur de la famille.

La pédagogie scolaire, doit aussi bouger et s’adapter. Trente élèves dans une classe, c’est énorme! Comment peut-on prendre en compte les différences. Il faut également apprendre à moduler les interventions à l’école comme à la maison. (Un objet non remis à sa place ne demande pas la même intensité d’intervention que de découvrir un enfant qui joue avec des couteaux, par exemple! Le niveau de danger n’est pas le même). Il faut savoir faire la différence entre diverses situations et agir adéquatement.

Si l’on est conscient que certains phénomènes naturels comme les changements de climat ou de pression atmosphérique provoquent un changement dans le comportement de l’enfant, là aussi on peut s’adapter. Essayons d’aller avec la normalité des choses non pas d’aller à l’encontre. Il est temps de se réajuster, pour le bien de tous.

Il serait bien de faire confiance à l’enfant et en sa capacité de comprendre au lieu de ne pas l’impliquer et de lui imposer des solutions toutes faites. Expliquer à l’enfant son propre fonctionnement, la cause à effet de ces agissements, permettrait qu’il participe lui-même à son propre changement, sa propre évolution. C’est une bonne façon de le conscientiser et de lui permettre de prendre action lui-même. Lorsqu’on comprend qu’un cerveau se reconfigure lorsqu’on se prend en main, pourquoi ne pas responsabiliser la personne concernée et l’aider à se transformer pour le meilleur?

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