Nil Lapointe: simple poisson ou requin de la finance?

Par nathalie-deraspe

En février dernier, la presse québécoise a fait ses choux gras du suicide de Nil Lapointe, un présumé fraudeur de Saint-Sauveur vraisemblablement enquêté par l’Autorité des marchés depuis des mois. Dans un testament incriminant obtenu en exclusivité par Accès, Nil Lapointe avoue avoir tout perdu. La question est de savoir comment?
«Le blocage n’a jamais existé, je n’ai que cherché à gagner du temps pour trouver une façon de recréer l’argent que j’avais perdu», a écrit Nil Lapointe avant de mettre fin à ses jours. L’homme d’affaires insiste pour dire que les membres de son équipe étaient «d’une grande loyauté, des personnes d’exception» qui n’ont jamais su qu’il avait perdu leur argent et celui de ses clients. En 2009, il confiait qu’il souffrait de dépression majeure et qu’il était suivi par un psychiatre.

Son exécuteur testamentaire, l’ex-avocat Sarto Landry, affirme ne trouver que des dettes à gérer. «Ce n’était pas lui la tête dirigeante. On ne se suicide pas quand on en a de collé quelque part.»

Entre août 2004 et mars 2005, une institution financière de la région a autorisé des transferts de fonds électroniques de l’ordre de 550 000$ US «en parfaite légalité», souligne l’établissement. Le bénéficiaire de ces sommes est catégorique. «Nil Lapointe est l’homme le plus honnête que j’ai rencontré dans ce domaine-là et ils ne font pas légion. Ça m’a fait beaucoup de peine quand il est mort. La pression devait être trop forte sur lui.»

Actuaire et comptable agréé, notre source s’explique mal comment le Sauverois a abouti sur la paille. Notre homme affirme qu’il ne sont qu’une poignée d’individus sur la planète à connaître un secret financier qui multiplie les zéros à la seconde. «Pour le connaître, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup d’argent. En haut de l’échelle, il y a 25 unités qui contrôlent le monde.» Et c’est précisément pour ces connaissances que Nil Lapointe l’avait abordé.

Un punch line : changer le monde
«J’ai été introduite auprès de Nil Lapointe par une dame qui disait que des gens recevaient des ristournes depuis 5 ans, dit Hélène (non fictif). Il me séduisait par son idée de vouloir changer le monde. Ça me fascinait. Il se croyait investi d’une mission par en-haut. Je ne voulais pas mettre mon argent à la banque à 4% d’intérêts. Mais à la première rencontre, ça m’a frappée. J’avais entendu le même discours par un autre. Quand je lui ai demandé qui lui avait dit ça, qui était en haut, il esquivait toujours la réponse.»

Des réunions avaient lieu tous les mois, parfois à Montréal, parfois à Saint-Jérôme. Entre 300 et 350 investisseurs auraient sauté dans le projet. On dénonçait les agissements des banques et le système en place. On promettait 5% de rendement par mois; 70% par année. D’autres pouvaient choisir d’être réglés en liquide au bout de 30 jours. Et Nil Lapointe insistait toujours auprès de ses clients sur l’importance de déclarer ses revenus. «Je pense qu’il ne pensait pas se faire avoir», renchérit Marie (non fictif).

Les deux femmes non plus. Elles ont perdu près de 250 000$. Pourtant, on les avait bien averti, affirment-elles en chœur. «Nil disait: vous pouvez tout perdre du jour au lendemain!» Un jour, une dame aurait demandé : Peut-on savoir où est notre argent? Ce à quoi Nil aurait répondu: «Je travaille avec 20% de votre argent. Le reste est dans une banque en Angleterre.» Aujourd’hui, le fisc court après Hélène et Marie et les accuse de fraude. «Ils me mettront en prison, m’offriront de la soupe et c’est tant mieux, ironise Hélène. J’ai du mal à payer mon loyer!»

La route de l’argent

On aura beau dire que «l’argent a disparu», il n’en demeure pas moins qu’il est retraçable. Le fric est passé d’une main à une autre, d’une banque à une autre. Un banquier luxembourgeois serait d’ailleurs en cause dans l’affaire Lapointe. Mais pour en avoir dénoncé les preuves dans un livre explosif intitulé **Révélation$**, l’écrivain français ****Denis Robert**** a écopé. Et pas de peu. Il a reçu 200 visites de huissiers et a dû se défendre dans une trentaine de procès. Certains sont toujours en cours.

Cedel, rebaptisé Clearstream, agit comme chambre de compensation financière pour les banques depuis 1971. Fondé juste à temps pour le boom pétrolier. C’est là et chez son concurrent Euroclear, que tout l’argent du monde transite. Sale ou non. Cela permet de faciliter les transferts d’argent, que ce soit d’une banque à une autre, d’une multinationale à une autre ou encore d’un pays à un autre, sans que l’origine de cet argent ne soit garantie. Mais il y a pire. Tout est inscrit sur un disque optique sauf… près de la moitié des comptes, qui sont non-publiés! Aujourd’hui, non seulement des banques y figureraient, mais aussi des multinationales comme Shell, Siemens et Unilever.

Prêts, emprunts, investissements, spéculation virtuelle, tout se joue en mode haute vitesse. On vend des promesses… De vente ou d’achat. Tout n’est qu’écritures électroniques. «On peut miser mille en n’ayant que dix en poche», peut-on lire dans Révélation$. Mais qu’on le veuille ou non, «on est face à un inévitable effet domino, confie Denis Robert à **Accès**. Les États jouent pour les banques contre les peuples.»

Entre les deux, il existe un nombre incalculable de Nil Lapointe, qui tentent de se frayer un chemin parmi les financiers de la planète pour participer à leur tour à des programmes à haut rendement, accéder à des comptes offshore et placer tranquillement leurs avoirs dans des paradis fiscaux en sirotant un martini, tout en finançant une école en République Dominicaine.

L’AMF poursuit son enquête «de façon intensive, nous dit son porte-parole

Sylvain Théberge.

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