Nuit des sans-abri : Parce que personne n’est à l’abri d’être à la rue
Par benerice-jette
La Nuit des sans-abri se vit tous les ans à l’échelle provinciale depuis 1989. Cette année, c’est plus de 30 villes participantes qui ont organisé une nuit de solidarité envers ceux qui sont sans logis, et aussi envers les intervenants de différents organismes visant à accompagner les sans-abri dans leur cheminement. Vendredi dernier se tenait, à Sainte-Agathe-des-Monts, la troisième édition de cette Nuit, organisée par une poignée de gens au cœur immense.
Le 16 octobre au soir, je me suis dirigée à pied au parc Lagny vers 18 h, en pensant aller y faire des entrevues conventionnelles et rentrer chez moi ensuite. Une fois sur place, les organisateurs et intervenants extraordinaires que j’y ai rencontrés m’ont donné envie de rester. Il faisait froid, un froid qui mordait les mains. Un petit groupe d’environ 40 personnes rassemblées attendait avec impatience que soit allumé le grand feu. En balayant la mince foule des yeux, je distinguais les intervenants et les bénévoles, les animateurs de foule aussi, et les échanges chaleureux des gens. Simon-Pierre Landry, candidat se présentant pour le NPD aux élections imminentes, était aussi présent, démontrant son soutien à la cause. Je me suis tout de même posé à moi-même la question suivante : pourquoi un tel événement ne touche-t-il pas plus de gens? Pourquoi sommes-nous si peu nombreux ce soir? Le concept entourant la Nuit des sans-abri, et la prise de conscience qu’elle tente de susciter… n’est-ce pas là assez pour qu’on s’intéresse à la problématique? De mon habit de journaliste, je suis passée à celui de femme, de maman, d’amie, qui ne souhaite l’itinérance à personne.
À travers le vent qui nous fouettait le visage, Johanna Fontaine du Carrefour jeunesse-emploi, et Brigitte Mathieu, responsable de l’organisme PAIX, ont pris le temps de me parler des piliers de l’événement. « Nous sommes plusieurs organismes réunis autour de cet événement, car il touche directement la clientèle que nous visons. L’Écluse, l’Envolée, l’organisme PAIX, Carrefour jeunesse-emploi, le Centre Jeunesse des Laurentides, ainsi que certaines Maisons des jeunes de la région font partie de l’organisation de cette année. Il faut souligner cette formidable collaboration », ont-elles lancé, avant de me présenter Mathieu Côté, travailleur de rue relié à l’Écluse, qui avait d’intéressantes données à me transmettre quant à l’itinérance vécue chez nous. « Il existe trois types d’itinérance : celle que l’on voit dans les grandes villes, où les personnes sans domicile fixe mendient et dorment dehors sur une longue période donnée, voire toute une vie, et qui se nomme itinérance chronique, est plus rare dans notre région. Les deux autres types, qui se retrouvent aussi partout, soit l’itinérance situationnelle ou cyclique, sont ceux que l’on relève plus ici, peut-être parce que nous vivons surtout de tourisme et d’emplois saisonniers, et que la vie financière connaît ici des hauts et des bas. L’itinérance situationnelle se décrit par un moment donné où une personne n’a plus de domicile pour une raison X (perte d’emploi, mise à la rue, etc.) et qu’elle doit vivre au moins une fois dans la rue avant de se remettre sur pied. L’itinérance cyclique, pour sa part, se traduit par une série d’événements qui semblent se reproduire selon un cycle habituel dans la vie de la personne, qui finissent malheureusement par la ramener constamment vers la rue (pour cause de jeu, toxicomanie, trouble de santé mentale, isolement, etc.) ». L’itinérance a-t-elle un âge dans notre région? Et où est-elle? « Elle n’a pas d’âge. Elle peut être adolescente ou adulte. On ne la voit que très peu, car les gens se déplacent beaucoup. L’itinérance ici se vit souvent dans son véhicule, où une personne y élit domicile, le temps de se refaire. Sinon, le phénomène du CouchSurfing (un service d’hébergement temporaire et gratuit, de personne à personne, mises en communication via un service en ligne) est très populaire auprès des personnes itinérantes, car cela peut dépanner momentanément », a ajouté Mathieu.
Dès la noirceur, un feu symbolique, le brasero, a été allumé pour officialiser le début de cette nuit de sensibilisation.
Un délicieux chili, une soupe et des boissons chaudes ainsi que des desserts ont été servis à tous, dans le but de partager un repas, en signe d’entraide et d’espoir collectif. « La soupe populaire, la cuisine collective et la Maison des jeunes de Tremblant sont, en collaboration avec l’Envolée, à l’origine de ce repas servi avec beaucoup de générosité », a souligné Mathieu. Pour réchauffer les cœurs dans la froideur de la soirée, Johanna a invité les gens à sa table de diseuse de bonne aventure et Bison, conteur bien connu dans la région, est monté sur scène pour relater l’histoire de ceux qui aident ceux qui veulent être aidés, dans un boniment digne de son talent, avant de céder la place à ses comparses ainsi qu’à la chorale de l’Envolée, et de proposer un micro ouvert pour clore la soirée. Une collecte de sacs de couchage et de tentes usagés se faisait aussi sur place.
Vers 21 h, alors rejointe au parc par mes enfants, je m’apprêtais à prendre une photo des dons (sacs et tentes) entassés dans un coin du pavillon intérieur. Mathieu était là aussi, à fouiller dans la pile. Fébrile, il a expliqué qu’une personne présente tout au long de la soirée lui avait avoué devoir dormir dehors ce soir-là, et qu’une tente et deux sacs de couchage donnés seraient son abri de fortune pour la nuit. Une lueur de bonheur, le sentiment de pouvoir faire la différence ne serait-ce que pour une personne au moment présent, fut alors partagé par tous ceux présents dans la pièce.
Et si c’était pour ça que nous nous étions réunis ce soir-là? Et si c’était pour venir en aide à cette seule personne que la Nuit des sans-abri de Sainte-Agathe avait eu lieu, grâce aux intervenants, bénévoles, commanditaire, animateurs, et j’en passe? Certains diront que ce n’est qu’une goutte d’eau dans un océan, mais pour la personne qui a dormi au chaud vendredi passé, comme pour toutes celles que l’événement aura soutenues à travers le Québec, ç’aura été le jour et la nuit : grâce à la Nuit des sans-abri.