Président de Biothermica et maire de Val-Morin
Par Valérie Maynard
Guy Drouin précurseur dans le marché du carbone
Déjà en 1974, sa maîtrise portait sur l’avenir de l’énergie verte. Tout un chapitre de sa thèse, dit-il, traitait des changements climatiques. En 1987, Guy Drouin fonde Biothermica, une entreprise productrice d’énergie propre qui aujourd’hui fait figure de proue dans le marché du carbone. Rencontre avec un homme aux grandes idées, qui travaille minutieusement à la construction d’un monde plus propre.
Marché du carbone
En mars dernier, Biothermica est devenue la première entreprise québécoise à vendre des crédits de carbone sur le marché californien, une transaction évaluée à 806 000$ canadiens.
Évoqué pour la première fois en 1992, dans le cadre de la Convention de Rio, le marché du carbone donnait lieu, cinq ans plus tard, au Protocole de Kyoto, un accord international visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. «En gros, cette entente demandait aux plus importants émetteurs de CO2 de réduire leurs émissions», explique M. Drouin.
C’est à ce moment qu’on a compris qu’on pouvait mettre un prix sur le carbone, selon trois options, détaille M. Drouin. Soit les émetteurs de CO2 améliorent leur procédé pour réduire leurs émissions; soit ils achètent un permis d’émission auprès du gouvernement; soit ils achètent des crédits de carbone. C’est là que Biothermica entre en action. «En donnant un prix à l’air, calculé en mètres cubes, on vient donner un signal que l’air est une ressource épuisable et qu’il faut y faire attention», pointe M. Drouin.
Pour l’heure, la première transaction de Biothermica dans le marché du carbone se chiffre à 80 766 tonnes de crédits de carbone vendues à un groupe pétrolier de la Californie. Ces crédits de carbone proviennent de la destruction de méthane émis par le système de ventilation d’une mine de charbon, située en Alabama. Ce projet, réalisé entre 2009 et 2013, à partir de la technologie Vamox développée par Biothermica, est le premier du genre autorisé aux États-Unis sur une mine de charbon.
Importantes retombées
Grâce à cette première percée, M. Drouin anticipe d’importantes retombées qui permettront à son entreprise de réinvestir davantage dans la technologie conçue pour générer ces crédits. «On crée de l’emploi et on continue de développer une technologie propre», fait-il valoir.
À court terme, Biothermica souhaite quintupler ses ventes et ainsi passer à 400 000 tonnes de crédits annuellement, soit l’équivalent de 100 000 voitures par année sur les routes nord-américaines. Pour ce faire, elle s’apprête à multiplier par cinq ses installations de captation de méthane, en Alabama, un investissement de 10 millions de dollars.
Éventuellement, outre les États-Unis et le Québec, ce sont la Chine, l’Australie, l’Ukraine, l’Inde, le Kazakhstan et la Russie qui se trouveront dans la mire de Guy Drouin.
Front commun du Québec et de l’Ontario
Grâce entre autres à la percée américaine de Biothermica, le Québec se hisse aujourd’hui au rang des premiers territoires canadiens, avec l’Ontario, dans le marché du carbone. «Le Québec et l’Ontario font front commun. On n’attend pas après Ottawa pour faire notre marque», insiste M. Drouin.
Les 28, 29 et 30 avril derniers, Guy Drouin était d’ailleurs à Los Angeles, en Californie, en compagnie des ministres de l’environnement du Québec et de l’Ontario, pour assister à l’une des plus importantes conférences nord-américaines sur les marchés du carbone, Navigating the American Carbon World.
Les deux provinces seront aussi présentes lors de l’adoption du nouvel accord sur le climat à Paris, en décembre prochain.
L’ancien étudiant, devenu ingénieur, devenu entrepreneur et depuis 2013, devenu maire, se permet même de rêver de faire de Val-Morin, une municipalité «carbon neutral», ou neutralité carbone, c’est-à-dire un endroit où toutes les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère seraient compensées.