Sainte-Adolphe, la battante

Par Valérie Maynard

Projet de ligne à 120 kV du Grand-Brûlé

Le 22 mars 2013, une équipe de huit spécialistes de la société d’État Hydro-Québec débarquait à Saint-Adolphe-d’Howard pour présenter le projet de ligne à 120 kV du Grand Brûlé — Dérivation Saint-Sauveur. Présentée comme une activité « portes ouvertes », cette rencontre visait deux objectifs : présenter la justification du projet, les variantes de tracé et les caractéristiques techniques de la ligne, en plus de recueillir les avis, commentaires et préoccupations du public.

Or, ce qui avait toutes les allures d’une simple formalité s’est rapidement transformée en amorce de bataille, celle d’une population pour la sauvegarde de ses paysages. « Comprenez-nous bien : nous ne sommes pas contre Hydro-Québec et nous n’avons jamais contesté l’efficacité de cette ligne. Tout ce que nous tentons de faire, c’est protéger nos ressources, nos paysages », ont tenu à souligner à l’unisson la dizaine de membres du comité aviseur rencontrés pour l’occasion.
Ce comité, c’est Sarah, Denise, Monique, Nicole, Jean, Nicolas et bien d’autres. Ils sont des pères, des mères, des retraités, des travailleurs : ingénieur, avocat, scientifique, gens de la construction, des communications et de la politique, qui ont tous en commun un profond attachement à leur village.
Pendant près de deux heures, ils ont accepté de revenir sur ces quatre années écoulées depuis les fameuses portes ouvertes d’Hydro-Québec. Quatre années marquées par leurs efforts pour tenter de modifier le tracé proposé dans le but de limiter les dégâts environnementaux et de sauvegarder les paysages. En vain, si ce n’est quelques modifications mineures, selon eux, consenties ici et là et la hauteur des pylônes, réduite de 60 à 47 mètres.
Quatre années qui laisseront aussi des traces dans le cœur de ces gens. « Au départ, je ne voulais pas m’impliquer. Mais j’ai été happée là-dedans », explique l’une d’eux. « Depuis quatre ans, je vis avec cette impression d’être constamment méprisée », ajoute une autre.
Au fil du temps, le comité aviseur s’est construit, allant jusqu’à recruter des experts indépendants pour l’assister dans le montage et la présentation de ses arguments. « Peu importe nos arguments, nos présentations, les gens d’Hydro-Québec ont systématiquement démoli tout ce qu’on a proposé. Pour eux, la seule solution, le seul tracé possible, c’est le leur. C’est quand même incroyable! »
Quatre ans plus tard, la colère et la frustration côtoient toujours ce sentiment de ne pas avoir été écoutés. Malgré les marches, les pétitions et les manifestations. « Ce n’est pas politiquement payant. Il n’y a aucun gain à faire ici. »

Ne lâchez pas!

Si le travail du comité aviseur n’a pas donné les résultats escomptés, cette mobilisation sans précédent aura tout de même fait place à de belles démonstrations de solidarité, entre les gens du comité, mais aussi avec d’autres citoyens également aux prises avec un projet de tracé dont ils redoutent les impacts : Lanaudière, Dollard-des-Ormeaux, Hertel-des-Cantons. « On se parle souvent et on s’inspire les uns des autres. Je reçois aussi des courriels de gens qui me disent de continuer, de ne pas lâcher », raconte Sarah, somme toute fière de la rigueur dont ont fait preuve les membres du comité. Pour Denise, une citation de James Baldwin est venue donner tout son sens à sa démarche : « On ne peut changer tout ce qu’on affronte, mais nous ne pouvons rien changer si nous ne l’affrontons pas ».
Activement impliquée dans le dossier depuis le début, la Municipalité de Saint-Adolphe-d’Howard refuse elle aussi, malgré les revers, de baisser les bras. Une rencontre récente avec le président-directeur général d’Hydro-Québec, Éric Martel, laisse croire à la mairesse Lisette Lapointe qu’une éventuelle collaboration avec la société d’État pourrait voir le jour, à tout le moins pour tenter de minimiser les impacts du tracé privilégié sur les collines du lac St-Joseph, notamment. « Je garde espoir qu’on travaillera ensemble », a-t-elle confié.
Quant aux membres du comité aviseur, au-delà du sentiment d’impuissance qui les habite, tous tentent aujourd’hui de retrouver une vie plus normale en « sortant le dossier Hydro-Québec de la maison », et en réduisant leur implication parce que « ça prenait toute la place dans ma vie ».
Mais tous refusent de s’avouer vaincus. « On ne pourra jamais dire que tout ce qu’on a fait a été vain. Tant que les bulldozers ne seront pas sortis, on garde espoir. »

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