Quand la pauvreté rime avec courage
Par benerice-jette
L’histoire de Karine
Il est fréquent aujourd’hui de voir des familles reconstituées. Pour certains, cette formule fonctionne à merveille et chacun y trouve son compte, tant sur le plan affectif que financier. Cependant, pour d’autres, cette alternative peut s’avérer un véritable casse-tête à gérer.
Résidente des Laurentides, Karine (nom fictif) a 29 ans. Elle est mère de deux enfants d’âge rapproché lorsque son conjoint la quitte du jour au lendemain. «On se chicanait. Il n’était pas assez présent et c’était difficile de tout faire toute seule. On était jeunes et il sortait beaucoup. Un matin il est parti avec son sac à dos. J’ai contacté ses parents, ses amis, et personne n’a pu me dire où il était. Je ne l’ai jamais revu. J’ai élevé seule mes enfants, tout en travaillant à faire des ménages, en échangeant des demi-journées de gardiennage avec une amie, pour me libérer», raconte Karine.
L’appartement qu’elle louait nécessitant des réparations, le propriétaire avait trouvé un homme à tout faire dans les annonces classées. Entre lui et Karine, ce fut le coup de foudre. «Il était plus âgé que moi, avait déjà deux enfants, et semblait sérieux.»
Cependant, quatre ans plus tard, la vie en rose avait pâli: «Je l’aimais, mais j’ai découvert qu’il était joueur compulsif. Il jouait tout notre argent, en loterie, en paris, aux cartes avec des amis. C’est triste mais je l’ai quitté. Au début, il venait voir les enfants, mais il ne vient plus. Il n’arrive pas à garder d’emploi, et je sais aussi qu’il boit», explique Karine.
Relevant ses manches, Karine a tout mis en œuvre pour que ses enfants ne manquent de rien: «Il faut que je reste forte pour ma p’tite gang.» La p’tite gang de Karine, c’est aujourd’hui son poupon de 22 mois de sa relation avec son ex-conjoint, ses enfants de 6 et 7 ans et demi de sa relation passée, ainsi que les enfants de son ex-conjoint âgés de 9 et 13 ans, dont elle a eu la garde temporaire, revue annuellement: «Malgré mon petit revenu, j’ai été jugée la plus apte à m’occuper des enfants. Leur père est joueur et leur mère est bipolaire. Ils ont demandé eux-mêmes à
rester avec moi et mes enfants. On est la seule vraie famille qu’ils ont connue, et on est bien ensemble», mentionne Karine.
Malgré son lot de bonheur, la famille vient avec des coûts. «Le premier papa a disparu dans la brume, le deuxième n’a pas souscrit à l’aide-sociale et n’a pas d’emploi, et j’ai réussi à obtenir une saisie de salaire chez la mère des grands, qui se résume à 315$ par mois, déclare Karine. Mes revenus sont de 1656 $ de l’aide-sociale et de 315 $ de la saisie, par mois. Mes dépenses sont de 425 $ pour mon loyer, chauffage et électricité inclus, car j’habite le bas de la maison d’une dame bien gentille, avec qui j’ai conclu l’entente de payer un petit loyer en échange de ménages chez-elle. Mensuellement, au minimum, mon essence coûte 160 $, le téléphone 50 $, mes assurances 59 $, les couches 22 $, et le plus gros passe dans la nourriture pour six: environ 1000 $ par mois», énumère Karine.
Les revenus de cette dernière, s’élevant à 1927 $, auxquels on soustrait ses dépenses de 1716 $, le calcul donne 255 $, soit environ 64 $ par semaine, pour tout le reste. Et ce reste n’est pas négligeable. «Il y a les frais et le matériel scolaire, l’entretien de la voiture, les plaques, le permis, les vêtements. Et là, c’est l’hiver, il faut changer les pneus, et acheter aux enfants des habits de neige, des bottes. Ils se passent les vêtements, et j’achète usagé, mais les bottes c’est un incontournable. Usées, elles prennent l’eau. Alors je pige dans mon budget pour en acheter des neuves», note la maman.
«Avec cinq enfants, la vie est parfois un cirque, mais je l’aime mon cirque. Il faut juste continuer d’avancer. Dans deux ans le petit va aller à la pré-
maternelle, et je veux retourner travailler à temps-plein. J’ai espoir que les choses vont se placer», conclut Karine.