Les élèves de l'école L'Expédition seront « déracinés » de leur quartier, dénonce la mère Marianne Provost. Photo : Nordy - Davy Lopez

Qui ira dans quelle école ? : Des parents s’opposent aux scénarios proposés

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Avec l’ouverture de la nouvelle école primaire de Saint-Sauveur prévue pour la rentrée 2025, le Centre de services scolaire des Laurentides (CSSL) doit revoir quels élèves iront dans quelles écoles de Saint-Sauveur et de Sainte-Adèle. Mais de nombreux parents et des élus s’opposent aux deux scénarios proposés.

« On dénonce cette situation »

Dans les deux scénarios proposés, « plus de 300 enfants adélois devront déménager dans des écoles à Saint-Sauveur, c’est-à-dire hors de leur municipalité », dénoncent les élus de Sainte-Adèle dans une résolution adoptée en séance extraordinaire de leur conseil, lundi 25 novembre.

Des élèves de Sainte-Adèle, qui vont à l’école Saint-Joseph, iront plutôt à l’école à Saint-Sauveur, dénonce la mairesse Michèle Lalonde. Photo : Nordy – Davy Lopez

« […] Le conseil demande au [CSSL] de garder les élèves citoyens de Sainte-Adèle dans leur milieu de vie, et d’assurer la pérennité et la viabilité des trois écoles primaires francophones de la ville de Sainte-Adèle, tout en considérant la croissance démographique actuelle et projetée », peut-on lire dans la résolution.

En entrevue, la mairesse Michèle Lalonde ne mâche pas ses mots. « On dénonce cette situation-là. Ça n’a pas de bon sens, diviser du monde comme ça. Il y a des gens qui habitent à 5 minutes de l’école Saint-Joseph qui vont aller à Saint-Sauveur. Et il y a plein de gens de Val-Morin qui vont à Saint-Joseph. »

Dans leur résolution, les élus craignent aussi que cela compromette la vitalité du centre-ville et la mixité sociale de l’école Saint-Joseph, en plus de créer un sentiment de déracinement. Ils soulignent d’ailleurs la « forte opposition des citoyens de Sainte-Adèle » aux scénarios proposés.

« L’accessibilité à une école primaire de quartier est un critère important dans le processus de sélection des familles pour s’installer dans une ville ou une municipalité », rappellent-ils également. Avec le vieillissement de la population, attirer des jeunes familles est « un enjeu prioritaire » pour Sainte-Adèle.

« Déraciner nos enfants »

La famille de Marianne Provost s’est installée à Sainte-Adèle pour que leurs deux garçons aillent à l’école L’Expédition. Courtoisie

L’école alternative L’Expédition, à Sainte-Adèle, déménagera dans le pavillon Marie-Rose, à Saint-Sauveur, selon les deux scénarios proposés par le CSSL. « C’est près de 125 enfants […], dont plus de 65 % proviennent de Sainte-Adèle, qui devront quitter leur école vers une école de Saint-Sauveur », dénonce Marianne Provost, mère de deux garçons.

Elle a déménagé à Sainte-Adèle avec sa famille en 2020, à un coin de rue de L’Expédition. « Plusieurs familles, comme nous, ont choisi cette ville afin d’y voir grandir et évoluer nos enfants dans cette école. […] Aujourd’hui, on nous demande de déraciner nos enfants de leur milieu et de déménager l’entièreté de l’école dans une autre ville », insiste Mme Provost. C’est même la Ville de Sainte-Adèle qui, en 2019, a acquis le bâtiment où se trouve aujourd’hui l’école, rappelle-t-elle. Et en 2021, face à son succès, des modulaires ont dû être ajoutés.

L’Expédition est une école alternative de plein air, explique Mme Provost. « Les jeunes apprennent à l’extérieur tous les jours. À Sainte-Adèle, c’est ça la force. Il y a un milieu de vie qui le permet, avec le P’tit Train du Nord, le mont Durocher, etc. »

Des parents impliqués

Les parents s’impliquent aussi quotidiennement dans l’école L’Expédition, ajoute Mme Provost. « On se doit de se déplacer et d’aller faire de la coéducation. Il y a toujours des parents dans les classes qui accompagnent les enseignants. » Cela crée donc un fort sentiment d’appartenance et un sens de la communauté, plaide la mère. « La plupart des parents, on se connaît. On est rendu des amis et on fait des activités. Les enfants évoluent ensemble : les plus vieux aident les plus jeunes et sont amis. Tout le monde se côtoie et s’entraide. »

Mme Provost déplore que les parents n’aient pas été consultés et qu’ils aient été placés devant un « faux choix », lors du conseil d’établissement de l’école en octobre dernier. « Les gens du CSSL nous ont annoncé qu’à partir de l’année prochaine, soit on déménage dans le pavillon Marie-Rose à Saint-Sauveur, soit on garde l’école actuelle sans les modulaires, donc en coupant la moitié de nos élèves et du corps professoral. Ça manquait de tact. »

Au lieu de se rendre à leur école à pied, tant les enfants que les parents devront prendre leur voiture pour se rendre à Saint-Sauveur. « Ça vient nous chatouiller dans nos valeurs. »

Cette décision est d’autant plus incompréhensible que l’école Chante-au-Vent, voisine de L’Expédition, doit être reconstruite pour 2028, souligne Mme Provost. Les deux écoles partagent aussi la même directrice, ajoute-t-elle. « Nous, on a toujours pensé qu’on était considérés dans cette nouvelle école-là. Les modulaires, c’était en attendant. Mais la future école est déjà pleine, malgré que la population va continuer d’augmenter. C’est là qu’on voit une grosse problématique. »

« Chacun cloîtré de son côté »

Vickie Morin, citoyenne de Morin-Heights et mère d’une élève de 2e année, croit aussi que le CSSL n’offre pas vraiment de choix aux parents. « Pour plus de 800 élèves, il n’y a aucune distinction entre les deux scénarios proposés par le CSSL. En effet, c’est comme si les dés étaient joués pour les élèves de Saint-Sauveur, Morin-Heights et Sainte-Anne-des-Lacs […]. »

Elle a démarré une pétition en ligne qui propose un troisième scénario. Mardi matin, 3 décembre, celle-ci avait récolté 397 signatures. Au lieu que les élèves de telle ville aillent dans telle école, on propose qu’ils fassent de la maternelle à la 2e année au pavillon La Vallée, puis de la 3e à la 6e année à la nouvelle école; ou vice-versa.

« Ce scénario donne à tous les élèves l’accès aux avantages des deux écoles. […] Cette organisation scolaire renforce l’unité de nos communautés en garantissant une répartition équitable et harmonieuse des ressources éducatives pour tous les élèves, peu importe leur lieu de résidence, tout en optimisant l’utilisation des infrastructures actuelles », soutient Mme Morin.

C’est déjà de cette façon que les élèves de la région sont répartis entre les pavillons Marie-Rose et La Vallée, rappelle la mère. « Actuellement, on a une formule qui fonctionne bien depuis longtemps. C’est une grande école composée de deux pavillons. »

En séparant les élèves par ville, elle craint que des liens importants se perdent. « Ce n’est pas juste les amitiés qui changent : ce sont tous les repères humains et l’équipe-école. Tout ça est à reconstruire. […] On est trois écoles sur une rue et là, on se met tous à part. On se retrouve un peu chacun cloîtré de son côté », déplore-t-elle.

Mme Morin ajoute même que ce troisième scénario n’est pas le seul à considérer. « Il y en aurait bien d’autres possibles. Le but de tout ça, c’est d’ouvrir un dialogue qui est transparent avec le CSSL, pour qu’on reste dans l’idée de ce qui est le mieux pour nos enfants. »

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