Rapport de diagnostic stratégique du parc d’affaires La Rolland

Par andre-berard

C’est quoi le rapport ?

Jeudi dernier, la Corporation du parc d’affaire La Rolland (CPAR) tenait une conférence de presse visant à faire le point sur cet épineux dossier. Lors de l’événement, on a remis aux médias qui étaient présents un exemplaire du rapport de diagnostic stratégique réalisé par la firme de stratégie et marketing Stramar.

Faire le bilan d’un projet, c’est aussi faire le bilan de ses administrateurs. L’intérêt du rapport Stramar réside dans l’information qui se cache entre les lignes, dans les ellipses et les euphémismes. En substance, le document dévoile un secret de Polichinelle: ça ne va pas bien à La Rolland. Un bilan peu reluisant — un autre — que l’on tente cette fois d’expliquer à l’aide de graphiques, de chiffres et de statistiques. L’intention était noble. Des documents consultés par Accès révèlent que déjà en 2002 certains intervenants tiraient la sonnette d’alarme, lançant par là même un avertissement concernant des dépassements de coûts importants anticipés. En 2006, alors que nous menions la première véritable enquête journalistique sur La Rolland, un informateur nous communiquait un extrait du Plan local d’action concertée pour l’économie et l’emploi (PLACÉE) 2006-2008, alors en préparation. Le document présentait les conclusions d’un consultant concernant le secteur des technologies de l’information et La Rolland. L’informateur souhaitait porter le document à notre attention, car il était persuadé qu’il ne serait jamais publié. La suite des événements lui aura donné raison. Le simple fait de détenir le document a suffi à créer une véritable commotion chez les intervenants dans ce dossier et a donné lieux à des tractations visant à empêcher sa publication. À la relecture, nous constatons combien les conclusions de 2006 ressemblent à celles de 2008 :« Les entreprises du parc industriel de La Rolland jouissant d’avantages fiscaux qui prendront fin en 2110 remettent en question leur présence sur le territoire […] en raison des coûts élevés (chauffage, salaire bonifié du à la localisation, de l’instabilité du courant électrique générant des retards dans le traitement des données, etc.), du peu de communication et de compréhension avec les propriétaires et gestionnaires des locaux, de la gêne à inviter des clients étrangers dans des lieux où les aménagements extérieurs sont à l’abandon et dans des locaux qui ne répondent pas aux standards de l’industrie».

Le rapport 2008 de Stramar en arrive au même constat : fin des avantages fiscaux, services offerts de moindre qualité comparativement aux autres parcs similaires, locaux mal adaptés aux besoins de la clientèle, prix des logements dans la région, manque d’activités culturelles, état de délabrement du parc, etc.

Les similitudes entre les deux rapports ne s’arrêtent pas là. En 2006, le consultant pointait la «capacité des développeurs économiques d’identifier et d’intéresser des entreprises à venir s’y implanter». Le rapport Stramar appuie plus lourdement sur ce point et souligne que la direction par intérim de la corporation est assurée par un retraité bénévole alors que la gestion du bâtiment est confiée à deux contractuels «qui ont peu d’expérience par rapport à leur responsabilité» et qui «pourraient bénéficier d’un coaching et d’un encadrement plus rigoureux».

Nous commençons ici à débusquer ce qui se cache entre ces fameuses lignes. Il faut être attentif et tirer les bonnes conclusions. Alors que les gestionnaires et les acteurs économiques de la région égrènent le chapelet des excuses pour expliquer le marasme financier et économique et les errances qui ont poussé l’ancienne usine dans un cul-de-sac financier et économique, le rapport Starmar se fait quant à lui plus lucide : gestion trop réactive, analyse stratégique défaillante, sous-évaluation importante des coûts de rénovations des bâtiments — en dépit du fait que la sonnette d’alarme avait été tirée en 2002 —, désenchantement des locataires actuels, offres inadaptées et mauvaise compréhension des besoins des locataires, échec du plan initial, déresponsabilisation du personnel, etc.

Au chapitre de la situation financière du parc, le rapport Stramar est encore une fois cruellement réaliste: Pertes annuelles d’opération récurrente d’environ 500 000 $, manque de liquidité de la CPAR la privant de la possibilité d’adapter son offre aux besoins réels des locataires, d’aménager l’extérieur selon le projet initial et d’augmenter la superficie de l’espace de location.

Un avenir peu reluisant

Selon le rapport Starmar: «Sans un plan stratégique de développement viable pour la CPAR, le demi-million de subventions annuel est politiquement et économiquement insoutenable». Nous apprenons également que les administrateurs «considèrent la possibilité de mettre le terrain en vente pour un développement immobilier, après négociation avec Cascades, privant ainsi la MRC de son seul parc industriel majeur».

Rappelons que la Ville de Sainte-Adèle cautionne pour environs 5 millions $ de prêts. De plus, elle injecte environ un demi-million de dollars par année en subvention dans le parc déficitaire, portant ainsi la dette totale à plus de 7 millions $. Une somme à laquelle il faut ajouter les frais juridiques associés au litige opposant la CPAR à l’ancien gestionnaire Citec/Sciparc qui, selon le rapport, Stramar a en sa possession «l’information et les pièces justificatives nécessaires à la préparation du rapport financier 2007».

Certains observateurs estiment qu’il est inacceptable que l’on maintienne en place une équipe de gestionnaires dont la performance se résume à la création d’un déficit de plus de 7 millions $ en seulement quelques années. Une situation impensable dans le secteur privé où des mesures musclées auraient rapidement été adoptées. Virtuellement inutile, la CPAR devrait être dissoute sur le champ, car elle a démontré son inaptitude à gérer de façon responsable l’argent des Adélois : «Est-ce qu’à ce jour on a vraiment essayé de sauver le projet en lui donnant une nouvelle orientation économique rentable ou avons-nous simplement au cours des dernières années supplée financièrement à une organisation non viable dans sa forme actuelle?», se questionnent les auteurs du rapport.

Quand va-t-on cesser d’observer et de décortiquer les symptômes alors que l’on doit d’urgence investir dans une cure? Faire le bilan d’un projet, c’est aussi faire le bilan de ses administrateurs.

Au chapitre des pistes à envisager pour l’avenir du parc, l’exploitation d’une centrale hydroélectrique ou de production d’hydrogène apparaît davantage comme un vœu pieux, basé sur une «analyse préliminaire et non scientifique». Le rapport de diagnostic stratégique de la firme Stramar ressemble à un cours plan d’affaires 101 destiné à des novices qui font leurs classes aux frais des contribuables adélois et qui seront une fois de plus recalés.

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