Record de longévité en vue pour le Lieutenant-gouverneur du Québec
Par nathalie-deraspe
Dimanche dernier, l’honorable Lise Thibault célébrait ses dix années à titre de Lieutenant-gouverneur du Québec. Un mandat exceptionnel qui ne fut égalé qu’à trois reprises par le passé. Six premiers ministres plus tard, trois au fédéral et autant au provincial, cette battante demeure bien en selle et souhaite tout autant apporter un peu plus de sa vision bienveillante au peuple québécois.
Il fait un froid de canard à Saint-Hippolyte mais dès qu’on pénètre dans l’antre du Lieutenant-gouverneur, la chaleur du foyer ne peut en aucun cas rivaliser celle de nos hôtes. D’abord une dame affable, qui dès le seuil de l’entrée, vous offre quelque chose à boire. Puis, la voilà qui apparaît, impeccable dans la lumière du matin, s’excusant de ne pas être à vous à la minute même où vous pénétrez chez elle. Celle que tous souhaitent toucher, saluer, interpeller. Celle qu’ils approchent mais qu’ils n’osent embrasser, à cause du fameux «protocole», qu’elle préfère pourtant «modéré». Celle qui n’hésite pas toutefois à faire la bise à l’ostéopathe qui s’apprête à la quitter. Celle-là même qui multiplie sans fin les rencontres et les dîners et qui patronne une cinquantaine de causes qui, à ses yeux, sont tout aussi incontournables les unes que les autres.
C’est une évidence, Son Excellence Lise Thibault a bien plus d’honorabilité que son titre ne l’exige. Aux côtés d’une sculpture finement ciselée, une pile de livres sont soigneusement posés sur la table du solarium, avec Favreau et son Sol, pour nous mettre en appétit de mots. Après tout, au commencement, il y eut le Verbe.
Aussi confortable que lorsqu’elle apparaissait au petit écran, attaquant la conversation de manière insatiable, contente de pouvoir livrer une fois de plus ce qui l’anime, Lise Thibault ne peut s’empêcher de parler de sa foi comme d’une nourriture riche et incontournable, qui doit se communiquer de génération en génération comme les valeurs et les coutumes de notre pays. «C’est un beau risque à prendre.» Impossible alors de ne pas aborder la question des accommodements raisonnables. «Il n’y a personne qui quitte son pays de gaieté de cœur, dit-elle à ce sujet. Et il faut faire en sorte de ne pas blesser ceux qui nous accueille par nos manières et tâcher de s’adapter du mieux qu’on peut tout en conservant ses propres valeurs. Dans nos maisons par contre, on fait ce qu’on veut.»
La passion de la vie
Après avoir rapidement passé le chapitre qui l’a laissée accidentée, le Lieutenant-gouverneur parle avec passion des enfants, spécifiquement ceux qui souffrent d’un quelconque handicap. Confinée depuis 43 ans dans un fauteuil roulant, Lise Thibault connaît bien les obstacles à franchir et s’efforce d’égayer le quotidien d’un nombre grandissant de jeunes handicapés. N’a-t-elle pas fait faire des aménagements afin de faciliter l’accès aux personnes à mobilité réduite dans les bureaux du Lieutenant-gouverneur? Quand on l’a informée qu’elle serait sans doute questionnée au sujet des dépenses que cela occasionnerait, elle aurait répondu: «Je préfère me justifier plutôt que d’essayer d’expliquer pourquoi d’autres comme moi ont difficilement accès partout.»
Nommée Skieuse de l’année en 2003 par l’Association canadienne de ski pour handicapés, son Excellence multiplie les démarches pour que de plus en plus de personnes âgées, de malades et de personnes handicapées puissent pratiquer ce sport en toute confiance. «Quand Dieu ferme une porte, une fenêtre s’ouvre sur autre chose.»
Mais les aînés n’ont pas moins de place dans le cœur de cette grande humaniste. Au contraire. Le Lieutenant-gouverneur trouve inconcevable que notre société les mettent si peu à contribution. «J’ai constaté, dit-elle, les personnes âgées qui demeurent dans leur maison vivent plus longtemps et en meilleure santé mentale et physique. C’est inconcevable qu’elles soient confinées à attendre la visite et que leur seul plaisir soit de se lever, manger et dormir.»
Plus loin, son Excellence parle de la nécessité de l’engagement. «En 2000, raconte-t-elle, j’ai décidé de faire revivre une vieille tradition, le Prix du Lieutenant-gouverneur.» Une dame de 80 ans l’avait contactée en disant qu’elle avait égaré la médaille dont elle avait été décorée et cherchait désespérément à en obtenir une autre. «Si, à la veille de partir, cette médaille revêtait tant d’importance pour elle, c’est qu’elle avait compté pour beaucoup dans sa vie.»
Sur la question référendaire, une réponse sans équivoque. «La clarté sera plus que nécessaire. Les gens ont besoin de savoir ce qui est blanc ou noir.» Sur l’environnement, une vision. «C’est souvent dans les situations d’urgence qu’on réalise les plus grandes choses.» Sur l’avenir du Québec, une piste. «Je rêve de communautés entièrement autonomes qui pourraient dire: je fais naître un enfant, je suis capable de l’éduquer, de le soigner et de m’en occuper ici-même. D’apporter une assistance aux familles et de permettre aux vieux de vieillir vivant. Il faut retrouver nos racines, retrouver la fierté de nos ancêtres.»
Que ses détracteurs se le tienne pour dit, le Lieutenant-gouverneur entend bien continuer d’exercer pleinement son pouvoir moral sur la population. «C’est souvent bien plus fort et plus efficace qu’on ne le croit», assure Lise Thibault.