Sablière Bouchard: Claude Cousineauinvite la ministre Beauchamp à réagir
Par nathalie-deraspe
La sablière Bouchard ressemble de moins
en moins à un carré de sable, même si
de plus en plus de joueurs ont envie de
sauter dans l’arène.
La semaine dernière, la municipalité de Val-
David répliquait aux détracteurs de la sablière
et émettait un communiqué à l’effet que
les boues versées sur le site de la sablière
étaient sans danger pour la santé. Le document,
datant de 2004, provient des Com –
posts du Québec, une filiale de GSI Environ –
nement, la compagnie en charge de revitaliser
le couvert végétal de la sablière.
Déjà en 2001, l’Institut national de la santé
du Québec (INSQ) émettait de fortes
réserves quant à l’utilisation de boues de
papetières pour redynamiser les sols et
reconnaissait que cette matière surpasse
en toxicité les autres éléments servant à
fabriquer du compost, y compris les fumiers
et les lisiers de porc. Dans son estimation
de risques toxiques du cadmium, des
dioxines et des furannes chlorés des
matières résiduelles fertilisantes (MRF)
publiée l’année suivante à la demande des
Composts du Québec et du Réseau Environ –
nement, dont la clientèle est constituée à
70% de municipalités et de MRC, l’expert
en toxicologie Raymond Van Coillie a vertement
critiqué les conclusions de ses collègues.
Cette année-là, 220 071 tonnes de
biosolides de papetières allaient aider l’industrie
à obtenir un chiffre d’affaires de 20
à 30 M$.
Terreau fertile pour débattre
Pour le responsable de la Chaire de
recherche et d’intervention en Éco-conseil
de l’Université du Québec à Chicoutimi, le
rapport de l’INSQ a mis bout à bout les pires
scénarios qui soient. Le biologiste, dont les
recherches sont en partie financées par
quelques partenaires privés, considère que
nos poêles à bois sont nettement plus nocifs
pour l’environnement. Seules les odeurs
émanant des boues peuvent être considérées
comme des nuisances, affirme-t-il.
«On ne peut pas mêler des pommes et des
oranges, nuance Jacques Normandeau,
toxicologue à l’Agence de santé et des services
sociaux des Laurentides. La santé
publique n’a pas le choix de regarder les
effets à très long terme.» Cela dit, le spécialiste
estime que les boues de papetières
sont généralement préconditionnées et de
ce fait, n’ont pas d’incidence sur la santé
de la population, même si elles contiennent
des métaux lourds, des dioxines et des
furannes, comme l’avait indiqué l’ingénieur
chimiste Michel E. Fortin. «L’important, c’est
la dose. Il y a des expositions qui ne sont
pas dangereuses mais surtout pas nécessaires
», ajoute-t-ilCe dialogue d’experts a trouvé écho à l’Assemblée nationale cette semaine, alors que le député de Bertrand, Claude Cousineau, a exigé à la ministre de l’Environnement, Line Beauchamp, d’indiquer une fois pour toutes si ces déversements représentent ou non un danger pour la santé de la population et a demandé l’arrêt immédiat des déversements jusqu’à ce que des analyses plus approfondies soient effectuées par des experts chimistes indépendants.
Le maire impuissant
De son côté, le maire Pierre Lapointeaffirme être incapable de stopper les aller et venues des camions la nuit et la fin de semaine, malgré la signature d’un protocole d’entente dûment signée en 2003. Selon l’élu, même le jugement établissant que la sablière ne peut être réaménagée qu’à partir de matériaux sur place n’aurait pas force de loi.
Interpellée depuis près d’un mois, la Direction régionale du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) est jusuq’à présent demeurée muette dans le dossier. «On prend au sérieux les inquiétudes de la population, a indiqué le président de Nature-Québec, Christian Simard. Il faut voir si le ministère a un souci réel dans l’affaire. Le transport de nuit soulève des questions et ça vaut la peine d’investiguer. Y aurait-il lieu d’instaurer un comité de surveillance, c’est possible.»
Le propriétaire de la sablière, Paul Bouchard, demeure injoignable. L’homme d’affaires a quitté le pays pour le Brésil, où il tente depuis plusieurs mois de régler d’épineux problèmes pour son employeur, la cimenterie danoise F L Smidth.
Une rencontre d’information aura lieu le 7 mai prochain en compagnie de Me Michel Yergeau, l’avocat signataire d’un avis juridique dans ce dossier. Celui-ci retracera l’historique de la sablière pour en restituer les faits dans un cadre légal. D’ici la fin du printemps la municipalité tranchera à savoir si elle entame ou non des procédures contre Paul Bouchard.