Sainte-Adèle dans un bassin d’eau chaude

Par nathalie-deraspe

» Même si ce risque n’est pas nécessairement élevé, est-ce socialement acceptable comme situation? La réponse est non.

La semaine dernière, Accès s’intéressait au bassin du Sommet bleu, un réservoir d’eau potable qui dessert 200 résidences de Sainte-Adèle. Le jour même de la parution du journal, le service des Travaux publics de la ville se rendait sur les lieux pour inspection. Lundi, le bassin a été vidé et nettoyé de fond en comble. Deux ratons laveurs ont été repêchés des eaux, sans compter les nombreux débris qui y ont été recensés. Le propriétaire des lieux y a même vu un oiseau mort.

La ville a convoqué lundi les journaux concurrents de la région et a refusé de nous fournir toute information liée à l’événement. Le greffier Michel Rousseau a affirmé qu’aucun écrit n’était ressorti de la rencontre. Pourtant, il y a bel et bien eu un communiqué de presse émis, dans lequel on peut lire qu’une «mise au point a été rendue nécessaire suite à la propagation d’informations erronées».

En effet, le bassin ne fournit non pas 100 résidences, mais 200. En outre, il n’est pas nécessaire de couper l’approvisionnement en eau pour le nettoyer, même si cette opération n’avait pas été entreprise depuis
«7 ou 8 ans», a confié le contremaître des Travaux publics, François Latour. Celui-ci a confirmé le fait que des jeunes ont souvent rôdé autour du bassin. Cette affirmation a été validée par une résidente du secteur, qui a renchéri en disant qu’à l’époque, des motards se rendaient régulièrement sur les lieux pour y faire la fête.

Danger pour la santé

Contrairement à la ville, le Dr Michel Savard, de la Direction de la santé publique des Laurentides, a affirmé sans détour qu’il y avait «un risque à la santé. Même si ce risque n’est pas nécessairement élevé, est-ce socialement acceptable comme situation? La réponse est non.» La rage ou le virus du nil n’auraient pu contaminer le réseau, mais les risques de gastro-entérites et autres maladies du genre ont été soulevés par le spécialiste.

Le communiqué de lundi dernier fait état d’un rapport reçu le 7 septem­bre, qui mentionne qu’au­cun coliforme fécal n’a été retrouvé, ce qui laisse dire à la ville que «l’eau est bonne à boire au sommet bleu». Le hic, c’est qu’il faut «au minimum» 48 heures au laboratoire Bio-Services pour fournir les résultats des tests. Le rapport en question fait donc état de prélèvements qui datent d’avant la découverte des ratons laveurs. Tard hier, on apprenait que les tests effectués vendredi dernier se sont avérés conformes. Selon M. Rousseau, jamais pareil incident ne se serait produit auparavant. «On va sécuriser davantage nos installations», a confié le greffier. Les ouvertures du réservoir seront vraisemblablement bétonnées et des tuyaux coudés et grillagés seront installés à plusieurs endroits afin de permettre une aération adéquate.

Pas d’excuses

Même si personne, du ministère du Développement durable, de l’environnement des parcs (MDDEP) n’est en mesure de dater la construction du bassin (il a été mis en fonction avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’Environnement en 1972) et que le directeur régional au Centre de contrôle environnemental du ministère, Pierre Robert, affirme ne pas avoir eu connaissance d’une quelconque évaluation de ce bassin par le passé, force est de constater que celui-ci est loin d’être conforme. «Les équipements doivent être en bon état, précise M. Robert. La situation ne respecte certainement pas les codes de bonnes pratiques et peut mettre en péril jusqu’à un certain point, la santé de la population. C’est un minimum de protéger sa source. Il faut que la municipalité fasse les gestes nécessaires pour sécuriser son réseau.»
«Même si l’ouvrage a été conçu il y a longtemps, le MDDEP devrait y voir, affirme pour sa part Hubert Demard, un ingénieur de 30 ans d’expérience dans le domaine de l’eau potable souvent appelé à travailler avec l’American Water Works Association (AWWA). Si c’était aux États-Unis, avec leur crainte effrénée d’introduction de substances, c’aurait bougé déjà depuis longtemps.»

Pourtant, même si la ville affirme ne «pas avoir physiquement accès au bassin», une information que réfute totalement le propriétaire des lieux, le Dr Manon Paul, de la Santé publique assure que cette anomalie ne lui a jamais été déclarée. Le bassin du sommet bleu a bel et bien été la proie des vandales et des animaux durant près d’un demi-siècle et ce, malgré des directives claires incluses dans le Règlement sur la qualité de l’eau potable de la Loi sur la qualité de l’environnement. Jeudi après-midi, le bassin était vidé pour une seconde fois. Un avis préventif d’ébullition distribué la semaine dernière n’a toujours pas été levé. La ville aurait acquis ce bassin en 1969 d’un tiers et ne possède aucune information quant à l’année de sa construction.

L’argent manque

Dans une recherche de janvier 2004 effectuée pour le compte d’Infrastructture Canada, on apprend qu’au cours d’une enquête réalisée en 1995-1996 auprès de 167 municipalités canadiennes, 59 p. cent des répondants ont indiqué que leur infrastructure de distribution de l’eau avait besoin de réparations et 43 p. cent ont dit que l’état de leur approvisionnement en eau était inacceptable. En ce qui concerne l’infrastructure d’évacuation des eaux usées, 68 p. cent ont décrit leurs égouts sanitaires et unitaires comme ayant besoin de réparations, 58 p. cent ont dit que le traitement de leurs eaux usées était inacceptable et 53 p. cent ont signalé que leurs égouts pluviaux avaient besoin d’être améliorés. Enfin, en raison d’un âge moyen évalué à 42 ans en 1995, les égouts sanitaires et unitaires sont le plus ancien type d’infrastructure de l’enquête, qui portait aussi sur l’infrastructure des transports, la gestion des déchets, les édifices gouvernementaux et les installations récréatives. La Politique fédérale relative aux eaux de 1987 a reconnu que l’eau est un bien rare : «l’eau constitue actuellement la ressource naturelle la plus sous-estimée et négligée au Canada.» En 1985, d’après les estimations, 12 milliards de dollars étaient nécessaires pour amener toutes les installations d’infrastructure en eau à un niveau acceptable. En 1992, ce coût avait atteint 20 milliards de dollars. Parmi les causes du déclin, il y a l’insuffisance de fonds, les priorités gouvernementales et un manque d’information et de participation du public.

Les recours

Selon le président du Centre québécois en environnement (CQDE), Jean-François Girard, «s’il y a un tiers qui en subit un préjudice lorsqu’il y a défaut d’agir, omission d’agir ou négligence, les autorités publiques peuvent voir leur responsabilité civile engagée.» L’avocat et biologiste de formation réfère à l’affaire Girard contre Saguenay, alors que des citoyens remportaient un recours collectif contre trois compagnies, leurs administrateurs, la ville et le MDDEP, par l’intermédiaire de la Procureure générale du Québec, un dossier sans précédent. Le juge Babin chargé de l’affaire avait conclu alors que le ministère n’a pas exercé de vigilance raisonnable.

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