Manoir des Pays-d’en-Haut : 300 citoyens s’opposent à sa démolition
Lundi 12 février, le comité de démolition de la Ville de Sainte-Adèle se réunissait pour statuer sur l’avenir du Manoir des Pays-d’en-Haut, sis au 220 rue Lesage. À la fin de la séance publique, le comité a plutôt décidé de reporter sa décision, en attendant d’avoir plus d’informations et de considérer les commentaires des citoyens. Plus d’une soixantaine d’entre eux s’étaient déplacés pour manifester leur opposition à la démolition du bâtiment centenaire et à la construction d’un projet immobilier de 129 logements.
Le comité a indiqué que la demande de démolition avait des éléments manquants, dont des photos de l’intérieur du bâtiment. Le comité demandera également une estimation des coûts pour rénover le bâtiment, ainsi qu’une évaluation du bâtiment produite par un expert indépendant. Une autre séance publique est prévue ultérieurement durant laquelle le comité rendra sa décision.
« Témoin de l’histoire »
Steve Melanson, de la rue Richer, a remis une pétition de 300 noms s’opposant à la démolition. Celle-ci souligne en premier lieu la valeur patrimoniale du site. Inauguré en 1917 par la Communauté des Soeurs de la Providence, il s’agit d’un ancien couvent occupé par les religieuses jusqu’en 1988. Celles-ci ont enseigné aux enfants de Sainte-Adèle.
« Les méthodes de construction de l’époque en font une structure très solide et stable, de même que patrimoniale par sa rareté. […] Au lieu de la démolir, on pourrait lui donner d’autres fonctions », a plaidé M. Melanson. Un autre citoyen a donné l’exemple de l’ancien Théâtre Sainte-Adèle, où les éléments architecturaux et patrimoniaux sont intégrés au nouveau projet résidentiel.
Un résident du Manoir, qui dit avoir consacré de nombreuses heures de bénévolat à l’entretien du bâtiment, reconnaît que celui-ci a été victime de « deux ans de négligence » et que certains de ses aspects ne sont pas conformes. Mais il a insisté que l’immeuble et sa structure étaient « impeccables » : un constat partagé par d’autres témoins présents.
« Sa démolition entraînerait la perte d’un élément important de notre histoire locale et nuirait grandement à l’esthétique du quartier. Ce bâtiment a été le premier construit dans le quartier, autour duquel l’harmonie du reste de l’environnement s’est développé », a poursuivi M. Melanson. La densité du projet proposé inquiète d’ailleurs les résidents. Celle-ci pourrait changer le caractère du quartier et briser son harmonie, son esthétisme et sa quiétude, en plus d’y augmenter la circulation routière, ont-ils fait valoir.
« Il est de notre devoir de préserver pour les générations futures cette histoire, cette culture et cet esprit propres à Sainte-Adèle », a insisté M. Melanson. Les Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ), appuyés par la Fédération Histoire Québec (FHQ), ont aussi envoyé une lettre à la Ville de Sainte-Adèle. « Il est vrai qu’il s’agit d’une construction humble. mais qui n’en est pas moins d’un intérêt patrimonial pour ses valeurs architecturales, historiques et communautaires. […] Démolir cet immeuble d’intérêt serait priver la municipalité d’un témoin important de son histoire », plaide l’APMAQ.
Impacts environnementaux
Les citoyens ont aussi fait valoir la pertinence de réhabiliter le bâtiment plutôt que de construire à neuf. Cela permettrait de réduire les déchets et le gaspillage dans une perspective de développement durable. De plus, les citoyens se sont inquiétés des impacts environnementaux d’une nouvelle construction. Le dynamitage, par exemple, aurait des impacts sonores et aussi polluants pour les sources d’eau, entre autres. La santé du lac Rond et de son bassin versant était aussi au coeur des préoccupations de nombreux citoyens. Le plan d’eau pourrait être affecté non seulement par la construction, mais aussi par la densité accrue dans le quartier.
Où iront les résidents ?
« Ma plus grande préoccupation, ce sont les locataires, qui ont reçu un avis à l’effet que le 20 mars, ils vont être dans la rue, ici à Sainte-Adèle. Le 20 mars, il fait frette ! On est en hiver », a dénoncé Élise Gauthier, membre du comité Un toit pour tous. « Est-ce qu’on a un plan B ? Est-ce qu’on a un plan de mesures d’urgence pour ces gens-là, qu’on ne veut pas voir dans la rue ? Je me pose la question : est-ce qu’on va toujours balayer les plus pauvres à l’extérieur ? »
Selon le comité Un toit pour tous, le Manoir des Pays-d’en-Haut compte entre 30 et 40 locataires, et plusieurs d’entre eux sont en situation de « précarité économique et sociale ». Ainsi, le comité recommande la création d’un comité de relocalisation, « afin de travailler en partenariat et en collaboration avec tous les acteurs et intervenants susceptibles de contribuer à la recherche de solutions pour la relocalisation des locataires ».
La directrice générale de la Ville, Sophie Charpentier, a précisé que la Ville a fait parvenir au propriétaire du Manoir une lettre d’évacuation des occupants puisque le bâtiment n’est pas sécuritaire, dû à diverses infractions au code du bâtiment. « Donc la demande d’évacuation n’est pas liée à la demande de démolition. S’il n’y avait pas de démolition, on serait quand même préoccupés par la sécurité des gens qui demeurent là », a souligné Mme Charpentier.
Jusqu’à maintenant, le propriétaire n’a pas démontré l’intention de se conformer aux demandes de la Ville pour rendre le bâtiment sécuritaire.
Un citoyen voisin du Manoir a aussi soulevé les enjeux de sécurité liés à la vocation du bâtiment, soit celle de maison de chambres. « Pas plus tard qu’hier [dimanche 11 février], il y avait dix voitures de police de la Sûreté du Québec qui étaient sur place. Et j’ai vu pour la première fois à Sainte-Adèle des policiers sortir avec une mitraillette pour intervenir dans ce bâtiment-là. J’ai deux enfants en bas âge, et depuis deux ans, je dois superviser lorsqu’ils sont à l’extérieur, parce qu’il y a des gens qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie assez importants. »
Par ailleurs, des citoyens ont demandé qu’il y a une part de logements sociaux ou à loyer modique s’il y a un nouveau projet résidentiel.