Shrek III
Éloge de la beauté cybernétique
Shrek n’est pas un film pour enfants mais pour préados. Le langage, les attitudes, l’humour et la caricature sociale confirment cette affirmation. Bien sûr, les tout- petits adoreront cette fable douce-amère absente de ketchup virtuel. Mais Shrek abonde de ces phrases punch et de ces références à la culture populaire (y compris musicale) qui stimulent les sens des adultes. Question de ne pas uniquement plaire à leurs rejetons.
Commençons par ce qui frappe le plus dans ce troisième volet d’une franchise qui a fait la fortune des studios Dreamworks : la qualité du dessin. Dans ma propre jeunesse, seule Disney offrait sur grand écran une maîtrise quasi-parfaite de l’art du dessin animé. Le studio américain en a fait un château fort et une véritable industrie.
Puis vint Dreamworks, il y a 12 ans, avec Toy Story. Une révolution numérique qui a balayé le domaine du dessin animé. Le style «dessin animé réalisé par ordinateur» s’est rapidement imposé avec des images de synthèse d’un réalisme renversant, un style narratif nerveux et moderne, un propos qui caricature les classiques plus qu’il ne les reprend.
La série des Shrek s’est imposée dans cette veine avec brio. Et le dernier opus de la série repousse encore plus loin la qualité d’image, avec des cheveux qui ressemblent à de vrais cheveux (le brushing du méchant prince charmant est hallucinant). Et des vêtements qui plissent et se froissent. On est loin du spandex numérique des débuts.
Évidemment, si le ton est encore juste, le propos, lui, est bien ordinaire. On joue allègrement sur la «personnalité» des personnages pour contourner l’absence d’effet de surprise. Bref, on se sent en famille et on se bidonne. Car l’histoire est bien mince: le roi grenouille adoré cherche à transmettre son pouvoir à Shrek car… il se meurt. Une scène d’ailleurs saisissante avec ce cœur de grenouilles interprétant Live and let die, de Paul McCartney.
Mais l’ogre ne cherche qu’à retrouver une petite vie tranquille dans son marais en putréfaction, avec sa douce. Il part donc à la recherche d’un improbable prétendant au trône et le trouve en la personne d’un ado au cœur noble mais au statut de loser, qui fréquente un pensionnat de la classe aisée.
Alors que le Prince Charmant recrute tous les personnages mauvais des contes de fées, comme le Capitaine Crochet, pour conquérir le royaume de Far Away, Shrek a bien du mal à convaincre le jeune ado de revenir au royaume avec lui. Pendant ce temps, le trio de jeunes princesses (qui comprend la Belle au Bois dormant et Cendrillon) défend le royaume avec la jeune Fiona, en se mutant en véritable Charie’s Angels.
Si l’humour et l’irrévérence sont encore présents, le film de Chris Miller et Raman Hui offre moins de clins d’œil à la culture populaire (adulte) que les deux précédents. Et l’ogre se permet même quelques discours moralisateurs bien sentis. Une sorte de surprenant retour aux sources de la culture disneyenne, compte tenu du discours habituellement baveux de la série.
Shrek demeure un divertissement familial très réussi, hilarant et d’une stupéfiante beauté. Assez pour oublier tous vos soucis, ce qui est le propre du divertissement, n’est-ce pas?