(Photo : Christinne Muschi)
David Laferrière

SLĀV, un spectacle controversé mais incontournable

Par Martine Laval

Au Théâtre Gilles-Vigneault

Six mois après la controverse entourant le spectacle SLĀV taxé d’appropriation culturelle, dû au manque de présence d’artistes noirs au sein d’un scénario mettant de l’avant les chants d’esclaves, voilà que le spectacle débarque au Théâtre Gilles-Vigneault de Saint-Jérôme pour deux représentations.

Il faut voir!

Désolé de la controverse qui a obligé le spectacle SLĀV à être interrompu, David Laferrière – directeur général et artistique du Théâtre Gilles-Vigneault et co-producteur du spectacle avec Ex-Machina et trois diffuseurs québécois – a tenu à se rallier à la cause artistique et au processus de création en maintenant le spectacle à la programmation (les 22 et 23 janvier). Il a même ajouté une représentation à l’horaire, tant les billets se sont vite envolés dès la mise en vente.

« Un spectacle créé qui n’est pas vu pour des enjeux économiques ou éthiques, c’est une catastrophe pour la création, clame-t-il. Bon pas bon, il faut que la rencontre se fasse et que le public assiste au controversé spectacle! »

SLĀV

Mariant théâtre et chant, le scénario fait revivre des chants d’esclaves emplis d’espoir. On y soulève le fait que l’esclavage s’est pratiqué à divers moments de l’histoire et en divers points du globe, le peuple afro-américain n’étant pas le seul à avoir été asservi.
Avec compassion et humanisme, Betty Bonifassi raconte entre autres la première colonisation des Balkans par les Ottomans au Xe siècle, lorsque les Turcs se sont servis des habitants de leur nouveau territoire comme esclaves. Elle dévoile également le sort de milliers d’enfants irlandais volés à leur famille pour servir d’enfants de compagnie aux bambins de riches familles et renvoyés à leur case, le soir venu.

Mise en scène par Robert Lepage, scénographe, auteur dramatique, acteur, cinéaste et directeur artistique de la compagnie Ex Machina qui signe la production, SLĀV est une création musico-théâtrale hautement imagée, de celles auxquelles nous a habitués l’artiste réputé aux multiples talents.

Controverse et réparation

Depuis la controverse suscitée par le spectacle en juin dernier, Robert Lepage reconnaît avoir fait preuve de « maladresse » et de « manque de jugement » dans son processus de création de SLĀV. Suite à sa rencontre avec des représentants de SLĀV Résistance qui avaient dénoncé le spectacle, il s’est avéré que les opposants et le metteur en scène ne ressemblaient en rien aux portraits que l’opinion publique et les médias avaient dépeints. Leur discussion était des plus constructives pour la suite des choses et l’art en général.

Déplorant le fait que l’hommage de Betty Bonifassi aux esclaves et à leurs chants ne mette en scène que deux artistes noires, le dramaturge a compris qu’il devait poser les gestes réparateurs menant à une réflexion nécessaire sur l’appropriation culturelle, la représentativité sur scène des minorités et la « décolonisation des arts », dans l’espoir de changer le climat artistique au Québec sur la question.

Le metteur en scène a depuis révisé l’œuvre et a invité des représentants de SLĀV Résistance aux répétitions du spectacle. Il leur offre également une tribune d’échange avec le public après certaines représentations, anticipant une réflexion bénéfique et salutaire pour la culture de chez nous…

Mais SLĀV demeure un spectacle plein d’amour et d’espoir qui démontre l’absurdité du racisme.

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