Tendances, défis et enjeux
Par andre-berard
Laurentides et tourisme
Le tourisme est sans nul doute le principal moteur économique de la région des Laurentides. Intimement liée aux différents facteurs du développement régional, l’industrie touristique devra, dans les prochaines années, relever de nouveaux défis et s’adapter aux nouvelles tendances afin de résister aux forces qui la menacent et assurer sa pérennité.
Tous les indicateurs le prédisent: les Laurentides sont à l’aube d’une explosion démographique. Traditionnellement axée sur le tourisme, la «région des collines» devra désormais concilier les besoins des populations locales, des nouveaux arrivants et ceux des touristes.
Dépayser le touriste
Nous apprenions récemment que les touristes américains désertent progressivement la destination canadienne alors qu’ils n’ont jamais autant voyagé. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Une des hypothèses avancées : les Américains ne se sentent plus dépaysés chez leurs voisins du nord. Ce scénario pourrait aussi s’appliquer à la région des Laurentides. Les menaces qui pèsent sur les attraits touristiques qui font le charme de cette région pourraient un jour inciter les touristes à lorgner vers d’autres destinations. Michel Archambault, titulaire de la chaire de tourisme de l’UQÀM, explique: «Lorsque l’on se rend dans les Laurentides, ce n’est pas pour visiter des boutiques, mais plutôt pour les paysages, la détente, le repos et les activités de plein air.» Il ajoute: «Il faut éviter le béton. Il faut éviter les centres commerciaux comme ceux que l’on retrouve en banlieue. Il ne faut pas suivre ce modèle.»
Pour «dépayser» le touriste, la protection du paysage, dans son sens le plus large, s’impose comme un élément déterminant dans la mise en valeur et la protection des attraits de cette région. François-Gibert Chevrier, agent de recherche à la chaire de tourisme Transat, souligne que «depuis l’instauration d’une charte des paysages en 2000 par le Conseil du paysage québécois, plusieurs régions du Québec ont amorcé des démarches afin que les paysages deviennent une préoccupation fondamentale lors de toute intervention sur le territoire, mais force est de constater qu’il reste beaucoup à faire!»
Les power center qui balisent l’autoroute 15 n’ont rien d’exotiques pour les touristes. Aucune saveur locale, aucun charme, aucun attrait. C’est pourtant ce que cherchent les visiteurs: la différence, l’authenticité, l’identité propre d’une région. Les villes-dortoirs endorment également l’intérêt des touristes: «Les décideurs politiques devraient être plus vigilants en terme de planification du développement, notamment à l’entrée des villes comme Saint-Sauveur, Sainte-Adèle et Sainte-Agathe, qui s’apparentent à celles de grandes villes. Il y a une amélioration à apporter en terme de signalisation, d’affichage publicitaire et de localisation des commerces. Nous devons éviter de donner l’impression d’être à Laval lorsque l’on visite les petites villes des Laurentides.»
Priorité à l’authenticité
François-G. Chevrier, dans un document écrit en collaboration avec Matthieu Clair Saillant souligne que: «chaque ville doit adopter une approche de développement culturel adaptée à sa réalité, à son histoire et à ses moyens. Pour sa part, le tourisme urbain et culturel n’est que le résultat qui découle des dynamiques qui existent et se forment au quotidien entre les individus qui occupent ou visitent les espaces urbains. L’urbanisme, la sociologie, le tourisme et, finalement, l’économie elle-même semblent les variables d’une seule et même problématique: celle du bien-vivre ensemble.»
La culture locale en tant qu’attrait touristique est un enjeu majeur pour l’industrie touristique, comme le soulignent les deux auteurs: «la recherche du plaisir, de l’émotion partagée et de la spontanéité, au détriment de constructions trop intellectualisées; une attirance pour l’éphémère allant à l’encontre de l’approche traditionnelle de la culture à l’effet que celle-ci soit synonyme de durée, de permanence et d’intangibilité au travers des âges.»
Le développement immobilier mal encadré peut également représenter une menace à l’intégrité patrimoniale d’une région et à la santé du secteur touristique. Selon Michel Archambault: «Il faut maintenir un équilibre entre les deux.» Il ajoute: «Tous les projets doivent être acceptés par le milieu. Ils doivent s’harmoniser au milieu, à la nature. Les décideurs politiques devraient être plus vigilants en terme de planification du développement.»
Grands espaces, plein air, santé et tranquillité, sont autant de charmes qui séduisent les touristes qui visitent les Laurentides, comme le confirme M. Archambault: «Lorsque l’on se rend dans les Laurentides, c’est pour les paysages, la détente, le repos et les activités de plein air.» Très prisées par les amateurs de cyclotourisme, les routes de l’«arrière-pays» sont cependant en si piteux état, qu’il devient parfois périlleux de s’y aventurer: «Il y a une faiblesse dans les infrastructures routières. Il est de plus en plus ardu de pratiquer des sports tels que le vélo, le patin, etc., tellement les routes sont en mauvais état. Certaines sont dans un tel état, qu’il devient pratiquement impossible d’y circuler agréablement à vélo», observe le titulaire de la chaire de tourisme.
L’avenir du tourisme
dans les Laurentides
«C’est une région qui offre beaucoup de potentiel. Il faut toutefois prévenir l’invasion d’un tourisme de masse qui nivellerait le produit par le bas. La concurrence n’est plus seulement entre les régions, mais aussi entre les provinces et même les pays. À mon avis, il faut maintenir les petits centres qui représentent des pôles forts et typés. Les vingt prochaines années seront déterminantes afin de concilier les besoins des populations de souches à ceux des nouveaux arrivants et des touristes. Il s’agit d’un jeu d’équilibre important», affirme M. Archambault. Il pousse la réflexion plus loin en ce qui concerne la vitalité des régions: «Qui passe par la présence d’industries qui œuvrent dans le domaine des hautes technologies, des industries hi-tec, non polluantes, telles que la recherche pharmaceutique, les technologies de l’information, etc. Les gens qui travaillent dans ce milieu ne demandent pas mieux que de quitter la grande ville pour venir s’établir dans un cadre plus agréable. Les régions doivent se doter de bonnes stratégies favorisant l’accueil de telles entreprises.»
Conseil aux développeurs
Michel Archambault affirme que l’on doit accorder une grande attention à l’harmonie et à la cohérence visuelle dans les petites villes des Laurentides. Les centres-villes de Saint-Jovite et de Sainte-Agathe-des-Monts sont à son avis des exemples de réussites en terme d’ambiance, de respect des saveurs locales et d’équilibre architectural. Il insiste également sur l’importance des
zones piétonnières: ça créer une ambiance. Beaucoup de petits villages rendent les rues aux piétons durant certaines heures de la journée.» Finalement, le choix des commerces est également prioritaire: «Des commerces authentiques, du terroir ou l’artiste prédomine. C’est ce que les touristes recherchent: les saveurs locales, ce qu’ils ne peuvent retrouver chez eux.
Au cours des prochaines semaines, Accès présentera d’autres points de vue d’acteurs régionaux sur la question.