Un couple et leur bébé laissés à eux-mêmes
Par nathalie-deraspe
Insalubrité à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson
Une jeune famille se démène depuis début novembre pour faire valoir leurs droits en tant que locataires. À première vue, leur logement semblait parfait. L’endroit est infesté par les moisissures.
Martin et Fany croyaient bien avoir trouvé le nid idéal pour élever ne serait-ce que quelque temps bébé Maxime, qui vient de célébrer ses quatre mois.
Situé en plein cœur du village de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, le petit trois pièces n’est pas immense, mais l’endroit est chaleureux. Qui plus est, tout est à proximité. Un atout de taille pour ce couple qui vit actuellement de l’aide sociale.
Mais à peine logé, Martin constate que l’intérieur du comptoir de la salle de bain est entièrement noirci par la pourriture. Le premier coup d’œil de l’appartement était si enthousiasmant que le jeune couple avait omis de scruter à fond la salle de bain avant de signer le bail. Il joint le propriétaire, qui accourt aussitôt. D’autres investigations permettent de voir à quel point la moisissure a envahi les murs. Le propriétaire, qui vient d’acquérir la bâtisse, donne son accord pour refaire la pièce en entier.
Martin et sa femme ne sont pas au bout de leur peine. La toilette est hors de fonction. Tout le système d’égout est bouché. Pour faire leurs besoins, le petit couple obtient la permission d’utiliser le logement du haut qui, jusqu’alors, demeure inhabité.
En se rendant à la cave, le plombier découvre que deux tuyaux ont été sectionnés pour laisser s’échapper les excréments. Comme il s’agit d’un sous-sol de service, l’humidité aura tôt fait d’envahir les planchers.
La salle de bain est finalement refaite à la va-vite, avec les conséquences qui s’y rattachent: moins d’un mois après les rénovations, des champignons de trois centimètres apparaissaient au pied du lavabo et le pourtour de l’évier était encore empreint d’humidité.
Les recours sont rares
Pour faire pression sur le propriétaire, Martin décide de retenir une partie du paiement du loyer. Sans paiement, clame le propriétaire, pas de travaux. Pas de travaux, pas de paiement, réplique Martin. Le jeune homme sait bien qu’il aura du mal à se reloger au même prix, mais craint au plus haut point pour la santé de son poupon. En plus des problèmes d’allergies respiratoires, les champignons et leurs toxines peuvent avoir des effets sur le système immunitaire et causer notamment de la fièvre, des maux de tête, des vomissements, de la diarrhée et des allergies cutanées. Lui et sa femme ont d’ailleurs subi quelques-uns des symptômes précités.
Alerté par la situation, le service d’urbanisme de la Ville réfère le couple à la Régie du logement, tout en refusant d’inspecter l’endroit. «On n’a rien au niveau réglementaire», s’est défendu le directeur du département, Martin Léger, qui, après un coup de fil d’Accès, a promis de tenter de joindre les propriétaires.
Mais sans rapport externe, la Régie du logement ne peut pas traiter ce type de dossier. Et il faut compter de 18 à 24 mois pour obtenir une audience auprès de l’organisme.
Martin tend une perche du côté du CLSC, qui balaie le problème à l’Entraide bénévole de Saint-Sauveur qui, à son tour, suggère l’aide de l’Entraide de Sainte-Adèle qui propose de faire intervenir… la Régie du logement.
N’eût été de l’intervention d’une avocate à l’aide juridique, le jeune Maxime vivrait toujours parmi les moisissures en compagnie de son père et de sa mère. La situation est d’autant plus criante quand on sait que les spores de champignons se multiplient à toutes les 7 heures…
Les propriétaires ont les coudées franches
«Ça devient difficile de pratiquer dans ces conditions-là, confie Me Marie-Ève Berardino. Pas d’inspecteurs, pas d’inspection. Ça crée un grand monopole pour les propriétaires, qui savent qu’il n’y a pas de réglementation dans les municipalités. J’ai téléphoné partout pour obtenir de l’aide. À la Maison de la Famille, à la police, aux pompiers. Personne ne pouvait rien faire.»
L’appel de Me Berardino à la municipalité a toutefois permis d’obtenir les fameuses photos nécessaires à l’ouverture d’un dossier. La Croix-Rouge a dès lors accepté de reloger la jeune famille à l’hôtel.
Le Code civil du Québec indique clairement que le propriétaire ne peut louer un logement impropre à l’habitation. Si tel est le cas, le locataire peut quitter les lieux sans être pénalisé. Celui-ci peut même faire effectuer des travaux au nom du propriétaire. Encore faut-il avoir les ressources pour le faire.
Et si la Loi sur les compétences municipales permet aux municipalités d’adopter des règlements envers la salubrité et les nuisances, rien ne les oblige à le faire.
«Il faudrait un code du logement provincial, soutient la coordonnatrice du Carrefour d’action populaires, ****Myriam Raymond****. Les inspecteurs en service d’incendie des villes pourraient être formés et envoyer directement leurs rapports à la Régie du logement.»
«Il faut réfléchir à la question, convient le député de Bertrand, ****Claude Cousineau****. Il va falloir prévoir des mesures pour s’assurer de bien loger notre monde.» Le préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut, ****Charles Garnier****, n’hésite pas à faire le parallèle avec les problèmes qui se sont multipliés au cours des années dans la gestion des fosses septiques: «Avant, il fallait poursuivre le propriétaire qui ne voulait pas se conformer devant les tribunaux. Maintenant, on est en mesure d’exécuter les travaux nous-mêmes et d’envoyer la facture au contrevenant. S’il ne paie pas, on l’inclut sur le compte de taxes. Si on peut l’appliquer pour l’environnement, pourquoi ne pas l’appliquer à la salubrité?»
Ces principes sont valables, mais l’heure n’est pas au débat de société. Si rien n’est fait d’ici 5 jours, Maxime et ses parents se retrouveront à la rue.