Un paradis dévasté
Par nathalie-deraspe
Le seul lac de Piedmont asphyxié
Pendant que tout le monde se lance la balle à chercher un coupable, le petit lac Drury, un joyau selon le maire Clément Cardin, est voué à l’agonie. Catastrophe en deux phases.
Gilles Robitaille a acheté un petit chalet au abords du lac Drury il y a 14 ans dans l’espoir d’y couler une retraite tranquille. Depuis 2005, l’ex-employé de GM se bat contre la municipalité et des promoteurs pour tenter de protéger ce minuscule bijou. Chevreuils, canards, hérons, fréquentaient le lac ensemencé de truites. Depuis trois ans, la pinède est pratiquement disparue. Seuls quelques pins échalotes se dressent chétivement au pied de ce qui est devenue une vaste mare de boue peu à peu envahie par les algues et les quenouilles. La petite cabane qui servait au réservoir municipal est complètement ensevelie sous la terre. Le reste d’un mat électrique demeure le seul vestige d’un temps révolu.
Trois ans d’inertie
L’historie débute en décembre 2005. Les cousins Daniel et Pierre Filion, excavateurs de métier, obtiennent un certificat d’autorisation du Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) pour la construction d’un chemin, d’égouts et d’un réseau d’aqueduc en vue d’un développement domicilaire. En juillet suivant, la municipalité constate plusieurs anomalies. Une plainte verbale est adressée au MDDEP. En septembre, la Ville apprend que les excavateurs sont effectivement en infraction. Ceux-ci se rendent à la Ville pour se plaindre. En août 2007, aucune correction n’est apportée. «Comme il n’y avait pas de collaboration, c’était difficile de faire avancer les choses», explique la responsable de l’urbaniste à Piedmont, Nathalie Legault. En août dernier, la Ville et le MDDEP convoquent une rencontre avec le nouveau promoteur, les Constructions Moreau, qui ne se sont jamais présentés.
«Ceux qui ont fait le chemin ont tellement coupé d’arbres que je vois passer les chars sur l’autoroute de ma cour, lance Gilles Robitaille furieux. Moi, je ne suis même pas capable de couper une branche sans demander la permission!» Un inspecteur du ministère de l’Environnement chargé au dossier est venu constater l’état du lac à la demande de la Ville. «On ne pourra pas se battre en cour puisqu’on va demander de prouver hors de tout doute que c’est le promoteur qui est coupable», aurait-il laissé tomber.
Le problème, c’est qu’à quelques mètres au-dessus de là passe l’autoroute. Le constructeur Normand Moreau soutient que le sable qui en découle a engorgé le lac au fil du temps. Si tel était le cas, la responsabilité reviendrait au ministère des Transports. «Absolument faux!, rétorque Gilles Robitaille. Il n’y a jamais eu de problème auparavant et la cabane a été enterrée quand on a fait le chemin.»
Appelé à commenter le dossier, le MDDEP a soutenu qu’aucune information ne peut être dévoilée à ce jour. Accès a appris qu’une rencontre entre le ministère, le promoteur et la Ville doit avoir lieu mercredi prochain.
«La responsabilité était au ministère, affirme le maire Clément Cardin. Moi je n’aurais jamais laissé passer ça. Ce lac était une beauté cachée, maintenant c’est une mare. Mais attention, quand on agit comme des cowboys, je me fâche!» La Ville a décidé de ne plus émettre aucun permis dans le dossier tant et aussi longtemps que des correctifs n’auront pas été apportés. Une résolution en ce sens devrait être adoptée au plus tard à la mi-octobre.