Une mère d’enfants handicapés réclame justice

Par nathalie-deraspe

Pamela Feres a choisi d’adopter quatre enfants abandonnés. Au lieu d’être encouragée pour cet incommensurable geste d’amour et de compassion, cette mère de famille se bat pour maintenir un minimum d’aide et de soutien de la part des services de santé de la région.

Pourtant, cette femme n’a rien de quelqu’un qui réclame tout sans s’investir soi-même. Bien au contraire. Pamela Feres siège depuis 5 et 7 ans sur les comités des usagers du CLSC et du Florès et cherche frénétiquement des solutions sur Internet pour soigner et améliorer le sort de sa famille. Elle sonde les parents d’enfants handicapés, compare les résultats, questionne les médecins. Sa dernière trouvaille? Le syndrome de Fanconi, une maladie génétique rare qui pourrait potentiellement expliquer plusieurs faiblesses chez certains enfants handicapés. «Si on pouvait juste sauver 50% ou même 5% des enfants malades, ce serait extraordinaire», dit-elle les yeux remplis d’espoir.

Jonathan, 20 ans, est trisomique, autistique et souffre de microcéphalie. Grâce aux efforts acharnés de sa mère, cet enfant a fait des progrès remarquables. Il interagit avec le milieu, il sait lire, nager, il fait même du patin à roulettes! Son passe-temps préféré demeure le dessin et la peinture. Ses œuvres ornent pratiquement tous les murs de la maison. On songe même à préparer une exposition. Le drame, c’est qu’au-delà de ces petites victoires quotidiennes, Jonathan risque de perdre ses reins.

Une mère indigne?

Pamela Feres n’est pas du genre à s’en laisser imposer. Munie d’une maîtrise en éducation, cette battante a fondé jadis à Montréal le Centre d’apprentissage alternatif Feres, un établissement inclusif qui acceptait tous les types d’enfants. Les médias de l’époque ont estimé qu’il s’agissait du meilleur centre du genre en Amérique du Nord. Rien de moins. Mais Pamela Feres trouvait insupportable l’idée que la majorité des enfants handicapés ne puissent bénéficier de l’amour d’une mère. Elle a voulu faire sa part et a choisi l’adoption.
«À Montréal, au lieu de vous juger, on vous écoute et on vous donne de l’aide, affirme la mère de famille. Ici, j’ai eu droit à 42 heures de coupure de services, sans explication. J’ai fait une plainte auprès du Protecteur du citoyen en octobre 2008. Le mois suivant, la DPJ débarquait chez nous. Au bout de 15 mois, on fermait le dossier. Le CLSC est tenu de faire un Plan de services individualisé pour chacun des enfants, mais on l’attend depuis deux ans. Le 17 mars, on leur a indiqué qu’ils avaient deux semaines pour agir. Un mois et demi plus tard, rien n’est toujours fait.»

Pamela Feres se fait constamment demander pourquoi elle a adopté ses enfants. «T’aurais beaucoup plus d’argent si t’étais une famille d’accueil!», se fait-elle dire. Des gens du CLSC lui suggère même de déménager à Montréal, pour obtenir des services. «Pourquoi je déménagerais? J’habite en pleine campagne, sur le bord de la rivière, n’est-ce pas ce qu’il y a de mieux pour mes enfants?»

Une place à eux

Dès qu’il a atteint deux mois, Jezeriah, trisomique et autistique, était inscrit sur une liste d’attente de la garderie du coin. Sa mère n’a reçu qu’un seul appel en près de cinq ans. On lui a finalement refusé sa place, prétextant que son cas serait trop lourd à gérer. Heureusement, sa fille Chanysse évolue beaucoup mieux depuis qu’elle fréquente l’école La Vallée. Malgré tout, il faut qu’elle soit attachée en autobus à cause de sa petite taille. Ses jambes sont trop courtes pour atteindre le sol. À 9 ans, elle mesure à peine un mètre. Atteinte de spina bifida, d’achondroplasie et de la maladie d’Arnold-Chiari, Chanysse devra sans doute être opérée à la moelle osseuse.

Charissa, 13 ans, était une autre enfant abandonnée de ses parents. Elle avait un bec de lièvre. Aujourd’hui, rien ne laisse entrevoir que la charmante jeune fille a subi une petite intervention chirurgicale durant son enfance.

Menus spécialisés, aliments bios, activités physiques, Pamela Feres semble se démener comme pas une pour «ses anges». Et la première chose que l’on constate quand on met le pied dans sa résidence de Morin-Heights, c’est que c’est drôlement calme pour un endroit qui héberge trois personnes handicapées. Jamais un cri, jamais de crise, jamais de larmes.
«Dans les Laurentides, on dirait qu’on veut cacher ces enfants-là et faire semblant qu’ils n’existent pas. Moi au contraire, j’aimerais qu’ils puissent être intégrés partout. Mais aussitôt qu’on sort en famille, tout le monde nous regarde d’une drôle de manière, jusqu’à ce qu’ils réalisent que mes enfants s’amusent comme n’importe quel enfant. Heureusement, la ville de Morin-Heights croit à l‘inclusion.»

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