Une Mère Noël à Entrelacs

Par nathalie-deraspe

Malgré ses 73 ans, Sœur Thérèse Rainville continue de travailler à temps plein au Groupe d’éducation populaire d’Entrelacs. Hier comme à tous les mardis, la religieuse a distribué ses paniers hebdomadaires de nourriture. Cette fois-ci, ils étaient agrémentés de dinde, histoire de célébrer Noël.

Vous la verrez à brasser la soupe, à s’occuper des enfants ou du comptoir d’entraide. Il se peut même que vous la croisiez à tenter de réparer un téléviseur ou à envoyer des courriels. Depuis 30 ans, Sœur Rainville multiplie les projets et travaille telle une abeille à faire de sa communauté un endroit où il fait bon vivre.

«J’avais 7 ans que je voulais déjà être soeur. À 16 ans, j’ai voulu rentrer dans les ordres, mais mon père était contre, raconte Thérèse Blainville. Quand j’ai vu ça, j’ai fait les folies que j’avais à faire. Je me suis même rendue jusqu’aux fiançailles avec un garçon. Mais c’était plus fort que moi. On aurait dit que je ne pouvais pas résister à l’appel de la vocation.» 

À 21 ans, Thérèse Blainville tourne le dos au mariage et rejoint la congrégation des Sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie (SSCCJM). Inconsolable, le jeune homme espère à chaque été reconquérir le cœur de sa belle, mais en vain. Il la reverra lors de ses 25 ans d’engagement en tant que religieuse, à la Maison provinciale de Joliette (la Maison-Mère étant située à St-Malo).

À Entrelacs, Sœur Rainville s’échine à mettre sur pied le magasin partage, un comptoir alimentaire hebdomadaire, le projet école, qui consiste à distribuer une fois par semaine un dîner aux écoliers, ainsi que différents cours de formation offerts à la population. Son agenda est plutôt garni. Des activités sont offertes pratiquement chaque jour que le Bon Dieu amène.

Une grande famille

Le travail de la religieuse est bien connue des paroissiens. Dernièrement durant la messe, des gens lui ont versé plus de 400$ pour la poursuite de son œuvre. Un homme est allé jusqu’à tendre un billet de 100$. «J’étais gênée, tout le monde venait me voir pour me porter de l’argent!» dit la sœur en riant.

Thérèse Rainville connaît bien les problèmes auxquels sont confrontés les gens de la région. La plupart de ceux et celles qui profitent des paniers alimentaires sont de petits travailleurs à la semaine, qui tentent de leur mieux de nourrir leur famille et de joindre les deux bouts. Parmi ceux-là, beaucoup de familles reconstituées. En versant 22$ par semaine, ils ont droit à leur portion hebdomadaire de nourriture. Ce petit montant est symbolique, mais permet à ceux et celles qui bénéficient du service de conserver pleinement leur dignité. Dans le concret, l’argent sert à payer les frais d’essence et à rehausser les paniers si nécessaire. Chaque semaine, un bénévole doit se rendre chez Moisson Lanaudière, situé à 60 kilomètres d’Entrelacs, afin de récolter les denrées à distribuer. 

«Les assistés sociaux, on ne les voit pas. Ils se dénichent du travail au noir et s’organisent entre eux, lance la sœur. C’est les jeunes qu’on rejoint le plus.»

Ici comme partout ailleurs, I’alcool et les drogues font des ravages. Une mère a perdu la garde de ses enfants à cause de problèmes du genre. «On ne doit pas donner rien de compliqué dans les paniers. Souvent, c’est les petits qui se font la cuisine.»

Un nouveau projet

Sœur Rainville fait de son mieux pour gérer le budget de l’organisme de façon serrée. L’État verse de l’aide pour le volet éducation populaire, mais tout le reste est à la charge de l’organisme. «Moi ce qui me choque, c’est les carottes à chevreuil! On appelle ça comme ça mais c’est les mêmes carottes qu’on mange, sauf qu’elles se vendent moins cher parce qu’elles sont un peu défraîchies. On en prendrait nous autres! C’est parfait pour faire de la soupe!»

Au début du projet, la religieuse avait monté un poulailler. Avec le temps, la municipalité a demandé son démantèlement. On a ensuite essayé de faire un jardin. C’est peine perdue. Le sol est de roc et il peut geler même en juillet. Il y a bien eu quelques guignolées, mais avec le départ des bénévoles, l’activité est tombée à l’eau.

Sœur Rainville ne désespère pas. Elle rêve d’un carrefour familial géré par le Groupe populaire. Ainsi, on n’aura pas besoin de fermer le bazar pour l’hiver. Actuellement logé dans un entrepôt, il est impossible de l’opérer 12 mois par année. Le Centre local de développement serait à préparer un plan d’affaires.

En attendant, la chatte Sybel continue de veiller au bon déroulement des opérations. C’est elle qui chaque jour accueille les bénévoles et les bénéficiaires avec un miaulement en guise de salutation. Sans même s’en rendre compte, elle nourrit de sa présence tous ceux et celles qui ne rêvent que d’une vie meilleure.

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