Une pauvreté spécifique aux Pays-d’en-Haut

Par cynthia-cloutier-marenger

La pauvreté dans la MRC vue de l’intérieur

Nous en faisions mention la semaine dernière: bien que souvent passée sous silence, la pauvreté est une réalité présente dans la MRC des Pays-d’en-Haut.

Mais de quelle pauvreté s’agit-il? Existe-t-il une pauvreté propre à la campagne? Spécifique à notre région? Pour répondre à ces questions, Accès s’est penché sur trois aspects: le logement, le transport et l’alimentation.

Probablement influencée par l’image qu’en donnent les grands médias télévisuels montréalais, la représentation de la pauvreté vient avec son lot de clichés. Ainsi, qui pense pauvreté pense spontanément itinérant couché sur un banc de parc, quêteur planté à un coin de rue, squeegee posté aux feux de circulation…

Marquante, cette pauvreté bien visible serait pourtant plus représentative de la réalité vécue en ville que de celle

de la campagne, et particulièrement

de celle des Pays-d’en-Haut où, selon Émilie Rouleau, directrice de l’Écluse des Laurentides, organisme communautaire voué au travail de rue, l’itinérance est un phénomène marginal.

«Dans les Laurentides, on retrouve des itinérants à Saint-Jérôme parce qu’il y a plus de services qui leur sont destinés, précise Mme Rouleau. En général, ils ne viennent pas jusque dans la MRC des Pays-d’en-Haut parce que les déplacements y sont difficiles. Ça arrive quelques fois dans l’année seulement, et ce sont surtout des gens de passage.»

Coût exorbitant des

logements

Parlant d’«instabilité résidentielle» – le fait de constamment passer d’un logement temporaire à un autre – plutôt que d’itinérance chronique, la directrice de l’Écluse pointe l’un des plus grands facteurs de la pauvreté spécifique aux Pays-d’en-Haut: le coût élevé des logements.

Un portrait de l’habitation et du logement social dressé par la Conférence régionale des élus (CRÉ) des Laurentides le confirme: la pression du coût du logement est des plus grandes dans la MRC des Pays-d’en-Haut, qui compte la plus grande proportion d’habitants de plus de 65 ans et de personnes vivant seules.

Encore plus, toujours selon le rapport de la CRÉ, la MRC des Pays-d’en-Haut est celle de la région où il en coûte le plus cher pour se loger. Paradoxalement, c’est aussi celle où l’on retrouve le moins de logements abordables et sociaux qui, par ailleurs, sont essentiellement concentrés à Sainte-Adèle et Saint-Sauveur.

Résultat? Pour économiser sur le prix du logement, les personnes à faibles revenus s’établissent dans les municipalités en périphérie de la MRC, où les loyers sont moins élevés. Bien que semblant logique, ce choix entraîne pourtant son lot de conséquences qui ajoutent au casse-tête financier.

Par exemple, en raison du piètre état des logements, souvent mal entretenus et mal isolés, et donc difficiles à chauffer, les factures d’électricité sont élevées. Les déplacements sont également plus coûteux à cause des distances à parcourir pour aller travailler, et ce, malgré un transport collectif en constante amélioration. Enfin, la nourriture est aussi plus chère dans les épiceries éloignées que dans les supermarchés du centre, où les économies d’échelle permettent d’offrir des spéciaux aux clients.

Aucune marge

de manœuvre

Après avoir payé le loyer, les factures, l’essence et l’épicerie, que reste-t-il?

Carole Legault, directrice du Garde-Manger des Pays-d’en-Haut, a fait des calculs en se basant sur la réalité du marché du travail de la région, dominé par les emplois au salaire minimum, au taux horaire de 10,10$.

Pour une semaine typique – généralement de 32 heures –, un tel travailleur récoltera 286,25 $ après retenues, soit 1 145 $ par mois. Si ce travailleur est soutien de famille, il lui en coûtera 205,25 $ mensuellement pour une épicerie de produits de base (voir tableau).

Si l’on considère que ce travailleur paie un loyer mensuel de 625 $ – prix médian du logement loué dans la MRC –, avant même de s’être rendu au travail, il aura déboursé 830,25 $, alors qu’il n’a encore acheté aucune viande ni fruits ou légumes et qu’il n’a pas fait le plein de sa voiture. Il doit donc boucler le mois avec 314,75 $ en poche pour deux personnes…

Conséquences? Le recours aux paniers alimentaires et aux comptoirs de vêtements usagés s’impose, la sous-alimentation s’installe, les soins de santé préventifs, comme la visite chez le dentiste ou l’optométriste, sont laissés de côté et il n’est aucunement question de cotiser à une assurance-vie.

«Les gens doivent payer leurs comptes maintenant, explique Carole Legault, mais, s’il leur arrive quelque chose, les enfants n’ont rien pour payer les dettes des parents. La pauvreté, ça se transmet souvent de génération en génération.»

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