Le gibier, c’est ça le terroir ! Chef Stéphane Modat

Par Martine Laval

Entrevue

Stéphane Modat est le chef des restaurants du Fairmont Le Château Frontenac à Québec. Il vient juste de publier le livre « Cuisine de chasse », un ouvrage rempli d’images, de recettes et de récits à propos de cette activité qui le passionne.

Noble viande que le gibier Inspiré par sa passion de la chasse, le chef Stéphane Modat souhaite par le biais de son livre redonner à cette activité souvent mal comprise ses lettres de noblesse, et ramener sa pratique dans le grand savoir québécois. Avec des recettes simples et accessibles, il dévoile tout le potentiel gastronomique que recèle notre terroir et nous propose de découvrir et d’apprendre à apprêter la viande de gibier tel que l’orignal, le cerf, l’ours, l’oie la gélinotte, entre autres.

Stéphane Modat prône l’achat local et biologique.

Le chef nous initie à une cuisine composée de produits d’une qualité exceptionnelle qui ne sont offerts dans aucun restaurant ni aucune épicerie et qui n’ont besoin d’aucune certification pour nous assurer qu’ils sont biologiques. Grâce au partenariat avec le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, les lecteurs y trouveront en plus des informations utiles sur la biologie des différentes espèces, leur alimentation, leur habitat et leurs aires de répartition sur le territoire québécois. « Au Québec, il n’est pas permis de cuisiner de gibier dans les restaurants. Mais si on veut offrir une cuisine distincte composée des produits de notre terroir, que peut-on proposer aux épicuriens et aux touristes qui désirent découvrir en quoi le Québec se singularise ? La viande chassée n’est pas produite en élevage de masse et elle est biologique. Quoi de mieux ? milite le chef. C’est mon combat : trouver une façon de pouvoir profiter du terroir par le prélèvement (lire la chasse) de quelques animaux mis à disposition des restaurateurs selon leur intérêt. C’est ça qui m’allume! »

À savoir s’il y a une ouverture possible, Stéphane Modat croit qu’il y en aura éventuellement, considérant que ça touche plusieurs points comme le tourisme, l’agro-tourisme, l’agriculture, l’agro-alimentaire. « Si nous sommes les seuls à pouvoir servir de l’orignal au menu, on ajoute une plus-value à notre proposition culinaire, à mon avis, alors que du bœuf, on peut en manger à peu près partout sur la planète. »

La philosophie d’achat et de création de Stéphane Modat pour offrir de la qualité à travers la diversité des différents restaurants qu’il dirige en est une d’intégrité et d’authenticité : « Moi, je suis un faiseur. Il faut que je mette les mains dedans, que je fasse des tests et surtout que je connaisse la provenance du produit, comment a vécu l’animal, comment il a été traité dans sa vie, comment il a été tué. Le produit pour moi est gage de tout et je choisis toujours ceux de chez nous. Et puis j’ai besoin de connaître la personne avec qui je fais affaire, lui parler avant même de goûter à ses produits, avoir un lien, une philosophie partagée, même que souvent, une amitié se crée. Après, on travaille ensemble. Ça c’est moi à 100 %! »

Et puis il y a les voyages qu’a faits Stéphane Modat dans le Grand Nord et les rencontres avec les Premières Nations à qui revient tout le crédit de la première cuisine du terroir. Ces peuples qui chassent et pêchent avec respect, accordent une mort digne à l’animal et ne gaspille rien, utilisant tout, des cornes aux sabots.

« Ce qu’on va chercher dans le Grand Nord, on ne le sait pas trop tant qu’on y est pas arrivé, raconte-t-il. Là-bas c’est 23 heures de clarté par jour, c’est la neige au mois d’août, ce sont des gens hyper accueillants, c’est une culture ancestrale, c’est le respect du produit, mais c’est aussi… pas de légumes! Il n’y a rien là-bas. C’est beau la neige et les aurores boréales, mais c’est aussi une dure réalité, tout autre que la nôtre. Les aliments sont démesurément chers, et en plus on a fermé la chasse au caribou dans la dernière année pour les cinq à dix prochaines années! Que deviennent alors ceux pour qui c’est la nourriture de base, chassée avec respect et utilisée du panache aux sabots? Ce n’est pas qu’un aliment que l’on perd, mais toute une culture, un savoir ancestral. »

Alors qu’on parle de réduire notre consommation de viande afin d’alléger notre empreinte écologique, la chasse et la pêche seraient-elles des solutions envisageables ? Y-a-t-il ouverture du côté des instances gouvernementales ?

Il y a une loi qui est passée comme quoi il ne peut pas y avoir d’abus au niveau de l’exploitation de la faune. La faune est un bien commun qu’on ne peut pas prélever sans encadrement, sans projet de loi voté par le gouvernement y donnant accès, sinon il n’y aurait plus de limites et ce serait l’abus.

Il y a pourtant beaucoup moins d’impact de chasser un animal que de l’acheter en épicerie où la chaîne pour y arriver est emplie de souffrance et se termine par une agonie pour l’animal. Ce qu’on tue à la carabine ou à l’arbalète est notre vrai terroir. Ce qu’on prélève est bio. Pour arriver à une identité culinaire qui nous est propre, il faut passer par la chasse et le faire dans les règles de l’art et le respect. Une fois que l’animal est au sol, on prend la responsabilité sociale, d’en maximiser la consommation, on se met les mains dedans pour préparer la viande, (à moins de l’envoyer en boucherie), et on partage ce qui peut équivaloir jusqu’à 700 livres de viande dans certains cas.

Quelles sont les règles d’éthique de l’épicurien responsable?

Bien manger et manger bon. Connaître la provenance des aliments que l’on consomme, acheter local et biologique autant que faire se peut, apprêter les aliments de la meilleure et la plus propre façon possible.

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