Mon assiette 2010

Par yves-guezou

On peut s’attendre à tout voir, tout humer et tout goûter dans notre assiette cette année. D’une part, la convergence des géantes agroalimentaires mondiales ne promet rien de fameux, d’autre part, les consommateurs, certains d’entre eux du moins, s’inquiètent de traçabilité, d’OGM ou d’appellations. On ne va pas s’ennuyer.

Fin des années 70, le film de fiction Soleil Vert (Soylent Green) annonçait qu’en 2022, la faune et la flore terrestres auront presque disparu. Les prévisions fictionnelles évoquent qu’une lumière jaune aura détruit les capacités naturelles des sols. Les habitants sont condamnés à consommer des aliments synthétiques, le Soleil Vert, produits à base de plancton. Nous sommes en 2010, la couche d’ozone se paye des ulcères, il faisait plus froid la semaine dernière en Floride qu’à Fermont, au nom du Saint Profit, on pollue, on défriche et l’on modifie les divers environnements de notre mère nourricière. Emportés dans cette fuite en avant, aura-t-on besoin d’attendre 2022 pour que nos sources alimentaires se dégradent drastiquement et envisager des solutions de remplacement? Les abeilles, oui les abeilles constituent pour l’homme les messagères de la catastrophe alimentaire selon l’astrophysicien et environnementaliste Hubert Reeves. Si les abeilles disparaissent, plus de pollinisation, plus de plantes, plus d’herbivores et donc plus de viande. Les abeilles se faisant de plus en plus rares, il nous avertit: «Si rien n’est fait, d’ici dix, vingt ou trente ans maximum, on pourra se demander Qu’est-ce-qu’on va manger ce soir?».

La composition de notre assiette de ce soir dépend de qui? De l’agriculteur et du scientifique; les deux se consultent régulièrement pour parler d’optimisation, de modifications mais aussi de protection. De l’enseignant et de l’activiste; ceux-là nous éduquent et nous avertissent, nous fournissent des «habitudes alimentaires». Enfin des chefs et des professionnels de la cuisine dans son sens plaisir, la gastronomie. Ajoutez à cet éventail deux ou trois multinationales agroalimentaires se partageant le marché mondial de la bouffe. Leur but avoué serait de nous faire manger santé, d’exercer un contrôle sur la qualité de notre nourriture. Pour ce qui est du contrôle, je n’ai pas de doute. Quant à la qualité de notre alimentation, elle ne pèse pas bien lourd dans la balance face au profit. Mais de toute manière, la compagnie qui me vend des chips fortes en gras et en sel et la compagnie qui m’offre de l’eau minérale et du yogourt avec les bactéries **L Casei defensis&& qui font du bien au body appartiennent à la même multinationale, pratique non?

Des solutions de rechange? On pense à la mer bien sûr, poissons, fruits de mer, krill ou plancton mais la vitesse à laquelle on vide ses ressources n’ajoute pas à l’optimisme. Les insectes constituent une excellente source de protéines, leur environnement de vie et de reproduction ne va cependant pas en augmentant. Même les OGM, animaux ou végétaux ont besoin d’un milieu idéal pour pousser. Des dérivés synthétiques, fournis par des réplicateurs ou synthétiseurs à la Star Trek exigeraient, eux aussi, matière et énergie.

Dans le film cité en début de texte, le héros, Charlton Heston vit dans un monde où les émeutes et les révoltes occasionnées par la situation sont nombreuses et réprimées à l’extrême, les morts se comptent par millions. À la fin du film, il se rend compte que l’aliment Soleil Vert ne provient pas du plancton mais de la transformation de tous ces cadavres humains en nourriture synthétisée par une multinationale. Si vous entendez que Nestlé décide d’acheter l’entreprise nécropolitaine Urgel Bourgie, c’est que 2022 est un peu en avance.

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