Soigner notre connexion avec la nature
Depuis plus de 20 ans, Isabelle Kun-Nipiu Falardeau s’intéresse à l’herboristerie. Elle a écrit une collection de cinq livres sur les usages médicinaux, alimentaires, pratiques et spirituels de plus de 70 arbres et plantes du Québec. Celle qui vit aujourd’hui en pleine forêt nous invite à repenser notre rapport à la santé, et à se reconnecter au vivant.
Parcours autodidacte
Dans la vingtaine, à une époque où elle en apprend davantage sur ses origines autochtones, l’auteure commence à s’intéresser aux remèdes naturels et elle développe son savoir sur la forêt et sur l’herboristerie. Elle voyage alors dans les communautés autochtones et métisses du Québec, mais aussi en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud. Elle emmagasine de l’information et de l’expérience, au gré de ses rencontres avec les gens et avec la nature.
« La transmission des savoirs s’est passée par l’expérience, par la présence. Je n’ai pas eu une enseignante de qui j’ai été l’apprentie. Toutes les personnes que j’ai rencontrées ont été mes enseignants, même les enfants et les animaux, tout le monde », explique-t-elle au sujet de son parcours d’autodidacte. Durant ses voyages, elle note ses apprentissages sur tout ce qui lui tombe sous la main. « Je prenais des notes sur des bouts de papier, des bouts d’écorce, de carton, de napkin, n’importe quoi pour ne pas oublier », raconte-t-elle.
Après avoir vécu une vie plutôt « nomade » et « instable », Isabelle s’installe dans les Laurentides, où elle habitera pendant huit ans. C’est aussi à cet endroit qu’elle écrira ses livres. Au moment où elle s’installe dans la région, Isabelle a déjà accumulé des boîtes et des boîtes de notes. Elle décide alors de rassembler ses apprentissages et ses expériences avec les plantes pour en faire des livres. Elle lit aussi beaucoup. Pour appuyer son vécu, elle étudie la littérature autochtone, qui sert de ressource à son écriture.
Soigner par les plantes
Mais quel genre d’usage peut-on faire de plantes ou d’arbres que l’on retrouve ici, au Québec ? La conférencière nous donne un exemple relié à l’hiver et aux temps des Fêtes, une période durant laquelle les microbes circulent et les gens tombent malades, fait remarquer Isabelle. Voici ce qu’elle propose pour faire du bien : faire bouillir du sapin dans sa maison.
« Tu prends un grand chaudron et tu coupes en petits morceaux un demi-bras de long d’une branche de sapin », détaille l’auteure. « La vapeur va transporter la médecine du sapin et les huiles essentielles du sapin et ça désinfecte l’air. Les gens qui respirent ça, ça protège les poumons », explique-t-elle. « Si tu fais ça tous les jours, ça sent bon dans ta maison, c’est désinfecté. Pas besoin de mettre du Febreze ou des produits chimiques. Ça fait du bien à l’air et à la santé. »
Se reconnecter au vivant
Isabelle croit que tout le monde devrait entretenir son lien au vivant. Selon elle, cette connexion a des impacts positifs sur plusieurs facettes de la santé. Selon la vision autochtone, la santé comprend quatre aspects qui se reflètent dans la Roue de la médecine : la santé physique, mentale, émotive et spirituelle.
La connexion au vivant permet, entre autres, de mieux dormir, de calmer l’anxiété et de prendre soin de son âme ou de ses émotions, énumère Isabelle. « Quand tu comprends qu’en tant qu’être humain, ton travail est d’honorer la vie que tu as reçue, de protéger la vie autour de toi et de rendre la vie des gens meilleure, ça fait du bien et ça fait en sorte que toutes tes décisions iront dans le sens de prendre soin de toi, prendre soin des autres et prendre soin de la terre », affirme l’auteure.
Malheureusement, la relation de proximité avec la nature se perd de plus en plus, constate Isabelle. « Quand j’étais jeune, des enfants couraient dans les rues et jouaient partout. Maintenant, tout le monde est connecté à ses écrans. Il y a une perte de lien et de connexion avec le territoire. Et quand tu n’es plus dans le bois, ta mémoire humaine dans ton lieu naturel, tu ne la nourris pas. Quand tu es devant un écran, tu n’es pas en train de sentir les arbres, d’écouter les oiseaux, d’apprendre les saisons sur ton territoire. » Non seulement les gens sont moins en contact avec l’environnement et la forêt, mais la nature se détériore également. Isabelle nomme les coupes à blanc, l’industrie minière ou les feux de forêt en exemples.
De janvier à avril prochain, l’auteure donnera la formation « médecine du territoire » en collaboration avec Gourmet Sauvage, qui invite notamment les participants à se familiariser avec l’herboristerie et à retrouver leur lien avec le vivant. La conférencière invitera les participants à mettre en pratique leurs apprentissages et à aller cueillir certaines plantes.
Ils auront aussi un devoir, nous dit Isabelle : marcher pendant trente minutes dehors, tous les jours. « À chaque fois que tu marches dehors sans ton écran, juste naturellement, c’est trente minutes de marche dans le sens de la vie que tu fais. »