(Photo : Courtoisie de l’UQO)
Brigitte Alepin a réalisé le documentaire Rapide et dangereuse : une course fiscale vers l’abîme, sur la concurrence fiscale internationale.

Une fin à la concurrence fiscale internationale

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Début juin, le G7 est parvenu à un accord historique pour mettre en place un taux d’imposition mondial minimum de 15 % sur les entreprises. Brigitte Alepin, fiscaliste de renommée internationale et professeure au Campus de Saint-Jérôme de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), nous explique.

« C’est pour arrêter la concurrence fiscale entre les pays. C’est vraiment génial, parce que ça respecte l’autonomie des pays. Chaque pays reste en contrôle de ses finances et de son impôt », explique Mme Alepin.

En ce moment, une multinationale peut transférer ses revenus dans des paradis fiscaux où le taux d’imposition est nul ou presque, comme les Îles Caïmans ou la Barbade. Avec la nouvelle mesure, le Canada pourra quand même imposer ce revenu à 15 % (ou plus). « Une fois la mesure en place, et qu’un seuil critique de pays y adhèrent, les Îles Caïmans pourraient se dire : « On est perdants. On n’encaisse pas ce 15 %. » Donc c’est vraiment un frein à la concurrence fiscale », illustre la fiscaliste.

S’entendre sur le principe

Plusieurs personnes et pays se demandent si ce taux de 15 % est suffisant. « En ce moment, le taux d’imposition moyen des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est aux alentours de 21 %. De mettre le taux à 15 %, ça veut dire qu’on tolère un certain degré de concurrence fiscale. Et en soi, c’est correct. Tous nos systèmes économiques sont basés sur l’idée que la concurrence est positive. L’idéal, ce serait peut-être de l’augmenter éventuellement à 16, 17 ou 18 %. Mais c’est souvent la manière dont on procède. D’abord, on implante le principe. Après, on joue avec les taux », explique la professeure.

Elle ajoute que beaucoup de multinationales américaines déclarent leurs revenus en Irlande, où le taux d’imposition sur les entreprises est de 12,5 %. « Au niveau politique, c’est plus facile de proposer une mesure avec 15 % en ce moment. »

Un premier pas

Mme Alepin indique cependant que ce taux aura un impact limité sur les revenus des États. « On parle peut-être de 100 milliards de dollars par année dans le monde. Quand on pense que la pandémie a coûté 19 000 milliards de dollars, ce n’est pas beaucoup. » Elle précise toutefois que ces estimations ont leurs critiques et pourraient être erronées.

« Il ne faut pas prendre l’impôt minimum comme une fin en soi. Ce n’est qu’une mesure parmi un bouquet de mesures nécessaires pour moderniser notre régime fiscal », insiste-t-elle. Selon la fiscaliste, il faudrait aussi implanter une taxe carbone sur les multinationales et imposer davantage les milliardaires, qui échappent trop facilement à l’impôt.

D’ici là, elle se réjouit de cet important premier pas. « C’est une énorme avancée! C’est ce qui manquait pour conclure la mondialisation. […] Envers et contre tous, les ministres du G7 sont capables de s’entendre et bientôt, espérons-le, le G20 et l’OCDE. Personne n’aurait cru à ça il y a quelques années. »

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