(Photo : Société d'histoire et de généalogie des Pays-d'en-Haut)
Le bureau de poste de Saint-Sauveur en 1980.

Postière de 1961 à 1991

Par Luc Robert

Trente années à faire le bonheur des citoyens de Saint-Sauveur

Si le curé Jean Adam avait son perron d’église et son confessionnal pour recevoir les confidences des paroissiens, Gisèle Grandmaison avait son comptoir pour égayer la vie des Sauverois.

À quelques pas de l’édifice religieux, l’ancienne directrice adjointe du bureau de poste de Saint-Sauveur a traversé la Révolution tranquille, à prendre le pouls de la population pendant trois décennies.

« De 1961 à 1990-91, j’ai suivi l’évolution des gens. Ça a toujours été une belle classe de monde, des travaillants. Ce n’était jamais ennuyant de jaser avec le boulanger du coin, ou l’architecte Roger Taillibert, le journaliste Charles Tyssère, la sénatrice Solange Chaput-Roland, ou encore des immigrants. Quand j’ai commencé à 18 ans, nous étions une quinzaine d’années après la deuxième Grande Guerre et plusieurs familles européennes ont aussi élu domicile ici : ça leur rappelait les Alpes suisses et italiennes », a soulevé la dame de 78 ans.

Volubile de nature, Mme Grandmaison a toujours eu le verbe facile. Ses envolées oratoires, jumelées à sa gestuelle éloquente, n’avaient d’égales que sa grande écoute des autres.

« J’ai toujours apprécié les histoires des gens. Je suis expressive: on me disait avoir les baguettes en l’air, comme les Italiens et ça me faisaient rire. Il arrivait que les gens se confiaient à moi. Il y a cette personne, pour qui j’étais la confidente le lundi matin. Elle me disait souvent qu’elle n’avait parlé à personne depuis le vendre-di précédent. J’avais de l’empathie pour tous », s’est-elle remémorée.

Devenue en quelque sorte la « psy » du village, Gisèle Grandmaison devait aussi suivre la cadence du bureau.

« Mes tâches de bureau semi-urbain comprenaient plus que la répartition du courrier. Les mandats postes et les colis occupaient aussi mon horaire. Mes deux anciens patrons maître-postier, Paul-Émile Prévost et Marcel Levert, me ramenaient à l’ordre à l’occasion : je devais placer une distance entre les clients et moi, mais certaines personnes revenaient deux ou trois fois par jour. J’étais fait pour ce travail et leur remonter le moral. »

L’excellente mémoire de Mme Grand-maison lui a bien servi. « À mes débuts, c’était un peu comme à l’époque de Séraphin : il fallait mémoriser les noms de famille et les adresses. Les gens me complimentaient, car je me souvenais de tous leurs détails, sans informatique. Et ce n’était pas évident, car Saint-Sauveur est passé de village à une ville, dans les années 1990. »

Mme Grandmaison a connu les nombreux déplacements de Postes Canada à Saint-Sauveur.

« On a aussi souvent déménagé, de l’ancien local occupé aujourd’hui par le resto le Vieux four Manago, sur la rue Principale, à celui tenu de nos jours par l’âge d’or sur de la Gare, pour enfin terminer le périple au local de la rue Filion, dans les années 1970. »

Colis insolites

Gisèle Grandmaison se souvient avoir manipulé des colis hors de l’ordinaire, qui auraient pu faire intervenir la SPCA de nos jours.

« Je me souviens de ces boîtes de carton, avec des trous, qui nous sont parvenus. Ça piaillait à l’intérieur et du duvet jaune dépassait. Moi qui aime les animaux, j’ai été comblée par ses poussins vivants. Plus tard, j’ai reçu des boîtes entourées de moustiquaires : il y avait des abeilles à l’intérieur. Ça devait être bien scellé, car nous n’en avons jamais perdu une seule ! Ni les poussins ni les abeilles ne souffraient. Ils étaient acheminés le jour même, vers les plus petits bureaux de destinations. »

Commandes postales

À l’instar des travailleurs des postes depuis le début de la pandémie, les clients des années 60 et 70 adoraient commander des biens à distance.

« De la fin d’octobre au jour de l’an, c’était la folie furieuse des achats par catalogues de Simpson-Sears. Il n’y avait pas de Carrefour du Nord à l’époque et ça nous tenait très occupés. »

« Les gens effectuaient aussi beaucoup de correspondances écrites : en 1961, un timbre pour un envoi extérieur (à Saint-Jérôme !) coûtait 5 sous; pour une lettre locale (Saint-Sauveur), elle te coûtait 4 sous. Et pour les cartes de Noël, ça valait 3 sous. C’était une autre époque. »

Le contact avec le public a été perdu avec le temps, déplore-t-elle.

« Il y avait quelques cases postales au bureau de poste, mais les boîtes (communautaires) de groupes n’étaient pas encore apparues. De nos jours, on ne se reconnaît plus entre nous au village. Les fins de semaine, je préfère laisser les trottoirs à la visite… même les facteurs sont en voie de disparition. »

Mme Grandmaison a grandi au coin des rues Principale et Saint-Jacques, où une galerie d’art occupe aujourd’hui l’ancienne demeure familiale.

« Ma mère, Azelfride Desjardins, venait d’un petit village de l’Outaouais. Mon père, Émile Grandmaison, oeuvrait comme peintre et comme pâtissier. Il m’a gâté avec ses desserts (rires). Étant fille unique, mon entrain m’a aidé à tisser des liens avec des amis (ies). Et je suppose que le côté journaliste de mon grand-père Grandmaison, typographe à La Presse, a aussi aidé à m’intéresser à l’actualité », a terminé celle qui mène une douce retraite, au Manoir de la Falaise.

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