Justine Dufour-Lapointe, défricheuse dans l’âme
Quelques mois après avoir annoncé son retrait du circuit de la Coupe du monde de ski acrobatique, Justine Dufour-Lapointe marque à nouveau l’histoire : elle devient la première Québécoise à participer au Freeride World Tour.
En 2014 aux Jeux olympiques de Sotchi, Justine Dufour-Lapointe décroche l’or à seulement 19 ans. Elle devient la plus jeune championne canadienne de ski acrobatique. Après 12 ans sur le circuit de la Coupe du monde, trois Jeux et deux médailles olympiques, la benjamine des sœurs Dufour-Lapointe continue de défricher les sentiers : à 28 ans, elle se lance dans une nouvelle discipline, le ski libre.
Des Laurentides aux plus grands sommets
« Chaque fois que je rencontre des gens et qu’on me demande d’où je viens, ça me fait chaud au cœur de leur dire que je viens de Montréal et que je skiais les petites montagnes des Laurentides. Maintenant, je me vois dans le freeride sur les plus grandes chaînes de montagne, et je me dis qu’il n’y a rien d’impossible », lance une Justine Dufour-Lapointe enthousiaste, de son hôtel à Whistler, à une semaine de son départ en Europe. Le 28 janvier en Espagne, la skieuse prendra part à la première compétition du Freeride World Tour, pour lequel elle a obtenu un laisser-passer de l’organisation.
Ce circuit rassemble les meilleurs skieurs et planchistes de freeride depuis 2008. Les athlètes s’élancent des plus hauts sommets, sans tracé préétabli. L’objectif? Se rendre du haut au bas du parcours dans un environnement tout à fait naturel. Poudreuse, obstacles, pierres, arbres : les athlètes doivent composer avec ce qui se présente à eux. Ils sont évalués selon 5 critères : la difficulté de la ligne choisie, le contrôle, la fluidité, les sauts et la technique. Au terme de la saison, l’athlète ayant récolté le plus de points, dans sa catégorie, est sacré champion du monde.
Comme son nom l’indique, le ski libre prône la liberté et impose aux athlètes un certain lâcher-prise. Le freeride est un sport particulièrement dépendant de la météo, de la montagne et de la neige, indique Justine Dufour-Lapointe. Il est donc impossible de planifier une journée d’entrainement. Il faut s’adapter aux conditions de glisse, la journée même. « L’environnement est moins contrôlable qu’en ski de bosses, mais c’est aussi ce qui fait sa beauté », confie la double médaillée olympique.
Embrasser l’imperfection
Avec l’équipe canadienne de ski acrobatique, les dépenses étaient minces. Justine avait une équipe autour d’elle, du financement pour les traitements et un accès gratuit à des professionnels. Les voyages étaient également couverts. Maintenant, elle doit se financer de A à Z et bâtir sa propre équipe. La skieuse recherche actuellement des commanditaires et des partenaires pour l’appuyer dans cette nouvelle aventure. Ces nouvelles responsabilités amènent leur lot de stress, admet l’athlète, mais aussi une nouvelle liberté qui « fait du bien ».
« Rendue où je suis, à 28 ans, ça me donne ce contrôle et cette indépendance sur ma vie et sur ma carrière », affirme Justine Dufour-Lapointe. Cette zone d’inconfort, c’est ce qui rend l’expérience particulièrement enrichissante. C’est ce qui lui permet de repousser ses limites et surtout, d’apprendre et de s’exprimer plus librement sur la montagne. « Le ski libre, c’est un sport où il n’y a pas de mauvaises ou de bonnes lignes, de bons ou de mauvais virages. Tout le monde peut mettre sa personnalité de l’avant sur la piste. »
Un potentiel à exploiter
À la fin du mois de mars 2022, Justine Dufour-Lapointe s’est rendue à un camp d’entrainement au Colorado afin de se familiariser avec sa nouvelle discipline. À l’été, elle a passé un mois en Nouvelle-Zélande où elle a participé à deux évènements de ski libre. La skieuse est arrivée au pied du podium à une compétition presque aussi rehaussée qu’au Freeride World Tour. « Dans cette épreuve, je ne me suis pas mise à risque. Je voulais faire une run solide et sécuritaire . À la fin de la descente, je sentais que j’avais encore beaucoup de jus, que j’avais encore plus à donner sur la piste. Ça m’a donné la confiance nécessaire pour me dire que je peux vraiment apprendre et me développer », raconte-t-elle.
Le freeride demeure un sport plutôt méconnu du public, surtout au Québec. Justine Dufour-Lapointe espère devenir le « véhicule » pour en parler davantage et pour partager cette nouvelle passion. « J’espère aussi inspirer les jeunes filles à continuer de bouger et de skier », ajoute l’athlète. Pour sa première saison, la skieuse essaie de ne pas trop s’en faire avec la pression. « J’ai envie de me faire surprendre par tout ce que je vais vivre. Je veux reconnecter avec le ski d’une autre manière et honnêtement, d’avoir du fun. C’est simple comme ça : avoir du fun sur mes skis et skier les plus belles montagnes du monde. »