Zigzag métaphoriques, rouge asthénique
Par benoitsimard
Un jour il pleut, un jour il neige, un jour un redoux, un jour ça refroidit : les saisons sont à l’image de l’actualité. C’est bien pour dire : avec les enfants, nous avons écouté un documentaire à propos de quelques champions de Yoyo, endurcis par les derniers mois de conférences de presse, nous n’étions même pas étourdis!
Les règles changent rapidement, on s’adapte et on avance, ou on déprime. Le rouge et le confinement sont tous deux synonymes d’arrêt. Le message sous-entendu est que l’on doit maintenant remettre un pied à terre, s’arrêter. Habituellement on se réconforte à l’idée que si on n’avance pas vite, on avance quand même, mais là, on demande à nouveau de tout mettre au neutre. Est-ce que ralentir est suffisant?
J’ai le privilège de travailler avec une légende, Gilles Lapierre. En fait, je côtoie au quotidien un paquet de légendes, de monuments, de champions et de gens exceptionnels, mais celui-là a le privilège de l’expérience et des années. Gilles Lapierre est accessoirement le conjoint de Jacqueline Gareau, une autre légende Laurentienne dont vous avez sûrement entendu parler.
Pour moi, Gilles est un genre de coffre aux trésors rempli d’éponges gorgées d’expérience.
Quand il est question de ski de fond, de fartage, d’athlétisme et de course à pied, il torche Google n’importe quand. Quand il parle, t’écoutes et tu prends des notes! C’est notre sage. Ça fait près de quarante ans qu’il essaie de ralentir Mme Jacqueline « Dynamite » Gareau (et leur fils qui, semble-t-il, a pas mal de gaz lui aussi). Il ne peut pas faire autrement que d’être solidement ancré au sol.
La situation actuelle me rappelle une anecdote qu’il me raconte parfois. Dans les années 80, Jacqueline, qui avait un volume de course à pied équivalent à plusieurs allers-retours au dépanneur (comme quand vous oubliez votre masque dans l’auto), avait développé une fracture de stress qui s’est ensuite transformée en fracture du pied (à force de courir!). Je n’ose même pas imaginer la souffrance qui l’affligeait à chaque pas.
Encore plus grande devait être sa crainte d’être forcée à l’arrêt complet. Pour une athlète de sa trempe, l’arrêt est équivalent au pire des scénarios. Mon garçon dirait qu’avec un pied cassé, « …quand tu marches, ça fait mal plus longtemps que quand tu cours… ». Parfois, la seule solution est de permettre au corps de guérir en prenant une pose de l’activité qui cause la blessure, au risque de se retrouver à faire la crevette en boule sur le sol.
Tout ça pour dire que Gilles et son médecin lui ont dit qu’elle devrait arrêter la course pour une période de quatre à cinq semaines. Loin de s’écraser, elle s’est lancée dans une alternative permettant de rester active sans nuire à sa guérison: la course en piscine! À la fin de cette période de transition, elle s’est même permis de faire quelques-unes de ses meilleures performances en carrière.
Dans un plan d’entraînement, un repos forcé bien optimisé mène à la surcompensation. Est-ce que la pause forcée que nous vivons sera notre course en piscine à tous? Souhaitons-le.
Je me permettrai d’ajouter un autre grain de sel (pour la saveur). Si on donnait de bonnes et vraies raisons aux gens de rester chez eux, ou dans leur région respective, on n’aurait pas de raison de fermer les portes de la nôtre. Si on offre des alternatives plutôt qu’une fermeture unidirectionnelle, on permet aux athlètes de tous horizons de rester actifs plutôt que de tomber dans l’asthénie du rouge. C’est ce que fait un bon entraîneur. Quand on zigzag, c’est normal de frapper des murs et de changer de direction, l’important c’est de se rendre quelque part après tout. Une succession de virages est aussi appelée un « slalom », et j’en connais plusieurs qui ont bien hâte de le faire dans nos belles stations de ski!
Ça s’en vient les amis, vivement la neige!