Coiffeur des Sportifs : L’humour et le talent d’Yvon Racette ont transcendé les époques
Par Luc Robert
« Si tu me demandes une coupe spéciale… et bien, si elle a de l’allure, je vais te la faire ! »
C’est en ces termes, l’œil coquin, que le Maître barbier Yvon Racette, fondateur du salon Coiffeur des Sportifs de Sainte-Adèle, observe la réaction d’un client à sa dernière taquinerie.
L’homme qui a eu 77 ans le 29 avril pratique son métier depuis 60 ans. Il a reçu un prix hommage lors du Gala de la Nuit Adéloise, le 20 avril dernier.
« J’ai commencé à 17 ans, en prenant un cours qui se donnait à Montréal. J’étais manuel et c’était la mode de devenir coiffeur. J’ai démarré mon salon généraliste seul, puis mon fils Éric s’est joint à moi, après avoir été vendeur de publicité au journal des Pays-d’en-Haut pendant huit ans. Et ça fait maintenant 22 ans que notre association dure. »
Des personnalités connues
Adélois d’origine, M. Racette a modifié la thématique de son salon dans les années 1990, plus axée vers les sports. On y retrouve le banc des punitions qui sert pendant l’attente de son tour aux grandes chaises, en plus de trois bancs du Vieux Forum, évidemment aux couleurs du bleu, blanc et rouge, soit chacune des sections du vénérable amphithéâtre.
« Des visiteurs venus se faire coiffer, on a reçu des connus. De Jean Béliveau à Réjean Houle, en passant par Éric Desjardins et Alain Côté (l’ex-défenseur et non l’attaquant des Nordiques), ainsi que Karl Dykhuis (recyclé dans le vin), tous des hockeyeurs. Dans le temps des Expos, j’ai connu à mes débuts Chris Speier et son fils Justin, qui résidaient à Sainte-Adèle l’hiver. J’aime jaser de nature et ce métier m’a permis d’apprendre mille et une confidences des gens et athlètes », a confié le Père Yvon.
Un autre illustre client aura été Pierre Péladeau, fondateur de Québécor, et dont la rue sur laquelle le Coiffeur des Sportifs a pignon sur rue porte le nom.
« M. Péladeau a longtemps été le barbier de mon père. Il venait les dimanches sur place. M. Péladeau avait une personnalité spéciale. Il aidait, via mon père, dix familles démunies, auxquelles il livrait des paniers de Noël. Il est arrivé une fois avec la réflexion suivante : « Yvon, trouve-moi des gens plus pauvres : ceux-là ne le sont pas assez ! » », s’est souvenu fiston Éric Racette en riant.
Un travail père-fils
Ce dernier, qui a aussi rédigé des chroniques à potins dans l’hebdomadaire local, a été formé par le paternel dans le milieu du ciseau.
« Mon père finissait régulièrement ses journées de travail à 22 h. À la fermeture, j’apprenais sur le tas en coupant les cheveux de mes amis avec le clipper (rasoir). Malgré sa fatigue, Yvon revenait réparer les deux ou trois coches que je venais de faire sur mes cobayes. De fil en aiguille, j’ai embrassé le métier grâce à ses enseignements », a poursuivi Éric.
Le contact avec les gens
Celui qui est aussi surnommé le « Ménick » des Laurentides, en l’honneur du légendaire barbier de la rue Masson (Doménico Perrazino) à Montréal, possède une longévité similaire dans le milieu. Ménick a célébré ses 60 ans d’ouverture en 2019.
« Il a aux alentours de 84 ans, soit 7 ans de plus que moi. Les gens apprécient notre dévouement. Vous savez, rencontrez des gens demeure mon social, ma raison d’être, avec mon fils. Le mot retraite ne fait pas partie de mon vocabulaire. Je vais continuer à travailler, tant que demeurerai en santé. Après tout, je n’ai que 67 ans US ! »
Et l’achalandage ne semble pas dérougir.
« On a rarement des semaines tranquilles. C’est un feu roulant de clients qui se succèdent, comme vous le constatez. Et c’est ainsi depuis mon enfance. Je me souviens de l’époque où la cigarette côtoyait les permanentes au salon. Imaginez le mélange de senteurs ! Mon père a traversé toutes ces époques », a renchéri Éric.
Rires et anedoctes
Il se souvient des rares moments libres du paternel, dans les années 70, qui consistaient à la fondation de la chorale de l’église, qui regroupait près de 100 chanteurs et chanteuses.
« J’agissais comme servant de messe. Mon père a même réussi le tour de force de convaincre la SRC de venir tourner la messe de minuit ici, en 1972. Yvon a du caractère et demeure convainquant. »
C’est sans compter son humour particulier, qui lui permettait aussi une autodérision sans égal.
« Yvon ne parlait pas trop anglais, dans mon enfance. Un client avait le choix d’une coupe à sec (dry) ou mouillée (wet). Plus un client donné répétait dry, plus mon père l’aspergeait d’eau avec sa bouteille. On a bien rit, car le client anglophone a constaté que mon père n’avait aucune idée de ce qu’il lui demandait. Yvon a trouvé ça très comique également », a achevé Éric.
2 commentaires
Bravo Yvon pour ton prix hommage lors du gala Adéloise. Après 60 ans c’est amplement mérité.
À bientôt!
Ça fait 18 ans que je suis client au salon sportif et je peux vous confirmer que cet endroit est très amical. Tellement qu’il y a des amis qui viennent jaser avec eux sans se faire couper les cheveux. Tant qu’à Yvon je lui tire mon chapeau, 60 ans de service faut le faire.
À bientôt mes amis