Gabriel Filippi sur Labuche Peak au Népal. Courtoisie

Gabriel Filippi vous emmène au sommet

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Gabriel Filippi est le seul Québécois et le deuxième Canadien à avoir gravi l’Everest par ses deux versants. En 2022, il l’a gravi une quatrième fois. Au printemps, il a guidé un groupe de Saint-Sauveur jusqu’au camp de base. Durant sa carrière d’alpiniste, il a aussi conquis les plus hauts sommets des sept continents.

Pour M. Filippi, « l’alpinisme est une philosophie vivante » qu’il transmet aux entrepreneurs et aux entreprises avec des conférences. Entrevue avec celui qui emmène les gens d’affaires au sommet.

Grimper pour se centrer

Gabriel Filippi à Manaslu, au Népal, à 8 163 m d’altitude. Courtoisie

« Ça fait 28 ans que je grimpe, et la montagne m’a tellement apporté. C’est une école de vie. Elle t’amène à prendre des directions dans la vie qui deviennent une philosophie. Chaque fois que je retourne en montagne, ça me permet de me recentrer sur ce que je fais », confie M. Filippi.

« Il y a toujours ce questionnement : est-ce que présentement la société m’attire vers quelque chose qui n’est pas moi, qui me sort de ma ligne de vie que j’ai tracée ? Ça devient une aiguille qui me dit si je suis un peu trop à droite ou à gauche. Et ça me laisse groundé », poursuit-il. Cela le ramène au pourquoi il se lève le matin. « Ce que je fais, est-ce que je le fais pour les bonnes raisons ? »

Ce qui le recentre le plus, c’est le contact avec les gens, en particulier les sherpas qui le guident et l’assistent durant ses expéditions. « Ils n’ont rien, mais tout en même temps », illustre-t-il. Sans avoir de richesse matérielle, ils ont le bonheur et le sourire. Ils sont accueillants et solidaires, explique l’alpiniste. « Ils sont là, à la vie à la mort, pour toi. J’apprends encore chaque année de ces gens-là. »

Enfin, il y a bien sûr la beauté des paysages, mais aussi les privations qu’amène un milieu hostile. Celles-ci nous rappellent d’apprécier « ces petites choses qu’on prend pour acquis ». Selon M. Filippi, c’est autant vrai pour la douche chaude au retour que pour la famille autour de nous et tout le reste.

Affronter ses peurs

Gabriel Filippi a affronté sa peur de l’eau en terminant un Ironman. Crédit : Gilles Gagnon

Un élément central de la philosophie de l’alpiniste, c’est d’affronter ses peurs. « C’est ce qui m’a apporté mes plus belles récompenses. La fameuse zone de confort, c’est un endroit où je ne veux pas être, sauf quand je prends un week-end off. »

Selon M. Filippi, on s’impose nous-mêmes nos peurs. « Si tu as peur d’une fourmi, elle ne va pas te manger. Ce n’est pas palpable, une peur. On la crée dans notre tête. On peut la vaincre. Et quand elle est vaincue, ça devient une force. Parce que maintenant, tu sais comment résoudre cette situation. Ça te permet d’avancer. »

Jeune, Gabriel est passé près de la noyade à deux reprises, raconte-t-il. Il en a gardé une profonde peur de l’eau. Mais à 50 ans, il a décidé d’affronter cette peur. Sans même savoir nager, il s’est inscrit au Ironman et a réussi à le terminer.

« Il y a beaucoup de gens qui sont dans cette situation-là où ils veulent faire quelque chose, mais ils sont bloqués. Combien de gens veulent agrandir leur entreprise, ouvrir le marché des États-Unis, ou innover avec un nouveau produit ? Mais ils hésitent, ils hésitent, et 10 ans plus tard, ils hésitent encore », illustre l’alpiniste.

Cette peur, de l’inconnu et de l’échec, doit être affrontée, soutient-il. « On n’a pas toutes réponses au départ, et on n’a pas de garantie. Mais si tu ne le fais pas, c’est garanti que ça n’arrivera pas. Il faut croire en soi et se lancer dans le vide. »

« Chaque nouveau défi apporte des nouvelles peurs que tu ne soupçonnais pas. C’est important de dire oui au prochain défi et de se lancer », soutient Gabriel Filippi.

Persévérer

Courtoisie

Durant une expédition en montagne, on s’expose bien sûr à des risques. Mais durant sa carrière, M. Filippi s’est parfois retrouvé véritablement en danger. « Durant ces situations un peu chaotiques, l’important est vraiment de trouver la façon de rester en contrôle. » Il faut prendre des décisions rapidement, oui, mais il faut surtout prendre les bonnes. « Quand on précipite les choses, on sait que ça peut dégénérer. Je pense à ce qui s’est passé avec certains amis ou des connaissances, qui ne sont pas revenus et qui sont décédés. Quand tu regardes la chronologie des événements, ils ont mal géré la situation. Il y a eu de la panique ou des mauvaises décisions. »

L’important, donc, est de rester calme. « Pour moi, il y a sûrement une solution. Et tu fais ce que tu as à faire. Tu ne peux pas baisser les bras. Abandonner n’est pas une option. » La première étape est de diminuer la pression et de stabiliser la situation.

Pour M. Filippi, il en va de même en affaires. « Quand tu as une mauvaise journée, ou tu n’as pas signé le contrat, tu ne peux pas dire : j’abandonne. Ton entreprise, c’est ta vie. C’est ton étincelle que tu as nourrie. Donc on s’assoit, on regarde ce qui s’est passé, on cherche une solution, et on repart le lendemain matin. »

« La panique ne mène nulle part, sauf à faire des erreurs », illustre Gabriel Filippi.

Se préparer

Pour s’entraîner, l’alpiniste pratique deux sports. L’été, il fait de la course en sentier de longue distance. « Ça représente ce qu’on vit en altitude. Il faut gérer des longues heures de montée. Il faut gérer la bouffe, les vêtements, la météo qui change. Il y a de la stratégie et de la logistique aussi. […] J’adore ce sport. On est bien en nature. »

L’hiver, M. Filippi a commencé à faire du ski de randonnée. « Mais je ne vais pas faire des parcours de longue distance. Je prends une piste, puis je monte et descends plusieurs fois. Je fais le plus de dénivelé dans un entraînement. Je descends puis je remonte, avec les peaux de phoque. Les gens me trouvent fou », lance-t-il en riant.

Il est aussi important de prendre du repos, rappelle-t-il, pour bien progresser.

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