La bière Laurentide, une gorgée de souvenirs
Par Charles Séguin
Bien qu’elle porte le nom de notre belle région, la bière Laurentide n’a rien de laurentienne. Cet ancien emblème des partys québécois a presque disparu des tablettes, mais reste tout de même gravé dans la mémoire d’une génération.
Molson a brassé pour la première fois la Laurentide en 1962, surfant sur l’effervescence du nationalisme québécois. « Les Laurentides ont toujours eu cette image de plein air et de sport et ça faisait rêver le peuple québécois », explique Mario D’Eer, biérologue. « Pour une fois, ce n’était pas une version “canadian”, dit-il, elle était brassée pour les Québécois ».
La limite du nationalisme
Les nostalgiques se rappelleront certainement des « commerciaux » télévisés exaltants et des slogans « Donnes-y la claque Laurentide » ou « De plus en plus, c’est Laurentide ». La publicité était le fer de lance cette marque de commerce. Dans les journaux de l’époque, on faisait la promotion de grands projets fictifs de transport structurant dans les villes de la province (un tunnel Québec-Lévis, par exemple).
Or, « la brasserie Molson a toujours été anti-indépendance », indique M. D’Eer. La Laurentide flirtait donc constamment avec la limite. Le biérologue précise que « c’était le plus nationaliste que Molson pouvait aller, sans être trop pro-Québécois ».
Ce n’était pas le cas du concurrent direct de Molson, Labatt, dont le militantisme indépendantiste était plus assumé. Les publicités de Labatt 50 scandaient « On est six millions, faut se parler », un slogan qui en a marqué plus d’un.
Nouvelle recette ?
Une pétition de près de 1 000 signatures, lancée par un nostalgique et remise à Molson Coors, a permis à la Laurentide de renaître le temps d’un instant en 2017. De nos jours, elle se fait rare. On ne la retrouve que dans les frigos de quelques succursales de la SAQ et de certains bars.
Mario D’Eer y a récemment goûté et ses conclusions l’ont étonné. « La Laurentide de mes souvenirs a très peu de saveur, mais a le goût de maïs, quasiment de blé d’Inde, qui était typique des bières commerciales de cette époque », se rappelle-t-il.
« La bière que j’ai goûtée récemment ne l’avait pas », poursuit-il. « Elle était bien structurée, très veloutée, avec un bon goût de malt et de céréales. » Selon lui, il est très commun que les grandes brasseries comme Molson Coors changent les recettes de leurs bières. « Si j’avais à miser, je parierais que la Laurentide d’aujourd’hui n’est pas celle de ma jeunesse », lance le biérologue.
Cette bière pique la curiosité des jeunes générations, qui trempent pour la première fois leurs lèvres dans ce vestige des années 1960 à 2000. Les moins jeunes la redécouvrent pour prendre quelques gorgées de souvenirs et de nostalgie.