(Photo : Brigitte Beaulne)
Sur le territoire d'Abrinord, on retrouve 16 167 milieux humides.

Milieux humides: Essentiels, mais détruits

Par Ève Ménard - Initiative de journalisme local

Des milieux humides sont détruits illégalement partout au Québec, et de manière encore plus sévère dans les Laurentides. C’est ce qu’a révélé La Presse dans un article paru le 28 septembre : près de 3,3 millions de mètres carrés de milieux humides ont été détruits sans autorisation ministérielle dans la province entre 2018 et 2022. C’est dans les Laurentides qu’on retrouve la plus importante superficie détruite, avec 632 598 m2.

Au-delà du choc devant « l’énormité de ces chiffres », Mélanie Lauzon, directrice générale d’Abrinord, est surtout préoccupée par la méconnaissance entourant les milieux humides. « Il y a un manque d’appréciation de la valeur des milieux humides. Encore aujourd’hui, c’est souvent considéré comme un milieu bouetteux, où il y a des moustiques », dit-elle. Pourtant, les milieux humides sont essentiels au maintien de la biodiversité et participent à la lutte aux changements climatiques.

C’est quoi un milieu humide ?

« Un milieu humide, c’est un endroit où on retrouve de l’eau, de manière temporaire ou permanente, qui affecte les conditions de ce milieu », explique Mme Lauzon. Il existe différentes catégories de milieux humides : les marais, les étangs, les prairies humides, les marécages et les tourbières, entre autres.

Des puits de carbone 

Les milieux humides rendent d’importants services écologiques, dont l’impact économique est énorme. D’abord, ces milieux filtrent les polluants et contribuent ainsi à améliorer la qualité d’eau des lacs et des rivières, explique Mme Lauzon. « La végétation permet à l’eau de s’infiltrer dans le sol. Les plantes absorbent aussi les éléments nutritifs et retiennent les sédiments », précise-t-elle. Les milieux humides sont également un important réservoir de carbone : ils le stockent pendant des décennies ou des siècles. Lorsqu’un milieu humide est détruit, l’impact environnemental est donc significatif, puisqu’une grande quantité de carbone est alors relâché dans l’atmosphère.

Si tous les milieux humides sur le territoire d’Abrinord étaient détruits, cela représenterait 1,8 milliards de dollars en dommage à la société, a évalué l’organisme. D’une superficie d’environ 2 300 km2, le territoire d’Abrinord couvre la majorité des MRC des Pays-d’en-Haut, de La Rivière-du-Nord et d’Argenteuil, ainsi que la moitié environ des municipalités de la MRC des Laurentides.

Des habitats pour les espèces 

Les milieux humides supportent aussi la biodiversité. Il est même possible de chiffrer leur importance : selon Abrinord, la valeur des milieux humides associée au maintien de la biodiversité s’élève à 11,9 millions de dollars par année. « Les milieux humides, ce sont des habitats pour différentes espèces. On y retrouve souvent une riche biodiversité », souligne Marilou Deschênes, coordonnatrice des programmes et du financement chez Éco-corridors laurentiens.

Pour cet organisme qui se consacre à la conservation des milieux naturels et à la protection des corridors écologiques, il est primordial de favoriser la proximité des milieux humides. En effet, ceux-ci permettent également aux espèces de se déplacer. La biologiste donne l’exemple de la grenouille des bois, qui se déplace sur de petites distances. « Cette espèce a non seulement besoin que les milieux humides soient présents dans le paysage, mais qu’ils soient aussi situés à une distance raisonnable les uns des autres. » Détruire un milieu humide implique donc la destruction d’un habitat naturel pour les espèces, ainsi que d’un moyen de répondre à leurs besoins et de se déplacer.

Les milieux humides filtrent les polluants, régulent les niveaux d’eau, stockent du carbone et supportent la biodiversité.

Comment favoriser la conservation ? 

Pour Marilou Deschênes, les données publiées par La Presse reflètent plusieurs enjeux vécus dans les Laurentides par rapport à la conservation du territoire. Elle rappelle que dans la région, seulement 9 % du territoire est protégé. Il reste beaucoup de travail à faire pour atteindre l’objectif du gouvernement fédéral de protéger 30 % du territoire, d’ici 2030, constate-t-elle. En parallèle, avec un taux d’accroissement démographique important, la planification et l’aménagement du territoire deviennent une priorité.

Selon la biologiste, plusieurs solutions sont possibles : créer des zonages de conservation, inclure des règlements pour protéger les milieux humides, créer des bandes de protection autour de ceux-ci, développer et acquérir des connaissances sur ce genre de milieux pour bien les comprendre et les identifier, donner plus de moyens aux municipalités et aux MRC pour mettre en place les mesures nécessaires, etc.

Il y a aussi un énorme besoin de sensibilisation auprès de la population et des promoteurs. « Les gens qui détruisent les milieux humides ne sont pas conscients de tout ce que ces milieux apportent à la société », résume Mélanie Lauzon, directrice générale chez Abrinord.


Les milieux humides, en chiffres

  • 16 167 milieux humides (2019)
  • 24 740 hectares (2021)
  • 10,77 % du territoire (2021)

Ces données concernent le territoire couvert par Abrinord.


Pour aller plus loin 

Depuis 2016, Abrinord cartographie les milieux humides. 

En janvier 2022, Abrinord a diffusé les résultats d’une étude menée par Habitat pour évaluer les services ésosystémiques rendus par les milieux naturels sur son territoire. C’est grâce à cette étude que l’organisme est en mesure de chiffrer la valeur économique des services écologiques rendus par les milieux humides.

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