Mon initiation au ski nordique
Le ski nordique est peut-être le sport le plus emblématique des Laurentides et de leur histoire. J’ai écrit à plusieurs reprises sur les traceurs d’autrefois, nos sentiers patrimoniaux et leur protection. Pourtant, je n’avais jamais fait de ski nordique. Dominique Hamel, de Seulement pour jouer dehors, a donc proposé de m’y initier.
Dominique m’a donné rendez-vous au stationnement du lac Lucerne, où se trouvait autrefois le chalet Cochand, haut lieu du ski dans les Laurentides. Ce jour de février, il fait un ciel radieux et le mercure tourne autour de zéro. Heureusement, car je finirai plusieurs descentes enseveli dans la neige folle. Mais comme vous le savez, le plus important quand on tombe, c’est de se relever.
Apprendre à aimer l’hiver
Le sport n’a jamais été mon fort. Depuis que je travaille au Journal, toutefois, je me découvre une passion pour le plein air, la randonnée en forêt et la raquette. Sortir et faire du sport dans la neige change notre relation avec l’hiver, ai-je découvert. On se réjouit de la neige et du temps (pas trop) froid. Ils promettent que la forêt et les sentiers seront magnifiques lors de notre prochaine randonnée.
Je ne suis pas non plus entièrement débutant en ski. J’ai fait du ski de fond enfant et au cégep, et du ski alpin une demi-douzaine de fois. Malgré tout, le ski nordique (hors-piste ou cross-country, comme on l’appelle aussi) s’est révélé plus exigeant que je m’y attendais.
La préparation
Avant toute randonnée, il faut d’abord bien se préparer, surtout l’hiver. S’habiller convenablement est un défi en soi. Il faut trouver l’équilibre entre se protéger du froid et évacuer la chaleur et l’humidité causées par l’effort. Ainsi, avoir plusieurs couches permet au corps de respirer, mais aussi de contrôler sa propre température, en enlevant ou en ajoutant un morceau. Le coton (et les jeans!) est à proscrire, me soulignent mes collègues, puisqu’il absorbe l’humidité et devient lourd. L’humidité est aussi notre pire ennemi, et la meilleure façon d’attraper froid, lorsqu’on est dehors l’hiver.
Ensuite, il ne faut pas oublier de l’eau et une collation. Dominique m’explique aussi qu’il est toujours préférable d’avoir une trousse de premiers soins, ainsi qu’une couverture thermique et un matelas isolant, en cas d’accident.
Mon éditrice, Josée Pilotte, décide de m’accompagner. Ce n’est pas clair si c’est pour profiter d’une petite randonnée en milieu de journée… ou si elle s’inquiète pour ma sécurité. D’ailleurs, ne faites jamais de ski hors-piste seul. La meilleure sécurité, ce sont des co-randonneurs plus expérimentés.
En chemin, on arrête chez Espresso Sports, à la gare de Mont-Rolland, pour louer une paire de skis, de bâtons et de bottes. Je suis enfin prêt pour mon initiation.
Une adaptation constante
Sur le chemin Pierre-Péladeau, entre Sainte-Adèle et Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, on se stationne près de l’entrée de la Maple Leaf. Dominique veut me faire découvrir ce sentier mythique, tracé par Herman Smith-Johannsen, dit Jackrabbit, il y a 90 ans. Autrefois, la Maple Leaf reliait Shawbridge (Prévost) à Labelle. Mais pour mon initiation, nous n’en ferons au final que 5 km : jusqu’au lac Léon, aller-retour.
Dès le départ, je suis surpris par l’effort demandé. Il faut dire qu’on commence par une petite montée. Mais je réalise bientôt que chaque bout de sentier demande d’adapter sa technique. Sur le plat, il faut faire comme en ski de fond : se lancer vers l’avant, en alternant les jambes, pour glisser. Mais ici, en pleine forêt, le sentier est accidenté. Il faut s’ajuster aux bosses et aux virages.
Durant les montées, il faut marcher en canard, en mettant ses skis en V. On doit faire attention de ne pas glisser vers l’arrière. Monter, tout en coordonnant bien ses gestes, essouffle rapidement.
Durant les descentes, il faut faire le chasse-neige, pour contrôler sa vitesse et sa direction. Mais je n’arrive pas toujours à trouver comment bien placer les jambes, ni le bon angle pour forcer avec les pieds. Inévitablement, j’accélère. Alors soit je perds l’équilibre, soit je me lance dans la neige, avant de rencontrer un arbre. Dominique et Josée rient de mes chutes. Certaines, j’avoue, sont spectaculaires de maladresse. Mais il leur arrive, à elles aussi, de perdre pied. L’important, je disais, est de se relever.
À travers tout ça, il faut garder l’équilibre, pousser les pôles avec les bras, plier les genoux pour descendre son centre de gravité, être « flexible » pour absorber les bosses, tourner avec les pieds (pas avec le corps!), etc. Tout le corps est sollicité. Le cardio aussi! Une chance que je reprends mon souffle rapidement.
Une chose est certaine : on ne s’ennuie pas. Le ski nordique est tout sauf monotone, se réjouit Josée.
Connaître le bois
Durant notre trajet, on croise plusieurs intersections. La Maple Leaf est reliée à tout un réseau de sentiers qui connectent la région. On peut continuer sur la Munson, revenir sur la Grignon, rejoindre la Gillespie ou retrouver le P’tit Train du Nord (si on voulait sortir du bois). Je vois même les sentiers du traceur Jack Gauthier, en haut de la carte.
Il y a aussi des balises numérotées, auxquelles il faut porter attention, souligne Dominique. En cas d’accident, elles permettront aux secours de nous retrouver plus rapidement.
D’ailleurs, en plein bois, la neige n’est pas tapée. C’est ce qui rend l’expérience si agréable, surtout lorsqu’on est le premier à fendre la neige avec ses skis. Mais juste à côté du sentier, c’est pratiquement de la neige folle. Je m’en rends compte, lors de mes chutes. Je m’y enfonce complètement, et il peut être très difficile de se relever.
C’est aussi pourquoi il ne faut pas faire de la raquette dans ces sentiers, m’explique Dominique. Les raquettes aplatissent la neige, ce qui crée un corridor enfoncé dans la neige. Il devient alors très difficile de monter ou de descendre en ski. En crampons, c’est encore pire, puisqu’on défonce simplement la neige.
Enfin, il faut savoir qu’ici, tout coûte de l’effort : tant monter et descendre que se relever et garder l’équilibre. Même glisser demande une impulsion initiale. Bref, il faut plus d’endurance qu’en raquette, où il suffit de mettre un pied devant l’autre pour sortir du bois. Aussi, plus on est fatigué, plus on commet d’erreurs. Prévoyez donc assez d’énergie pour revenir en sécurité.
Lorsqu’on revient à la voiture, après seulement 5 km, je suis fatigué et bien trempé. Mais je suis content d’avoir relevé le défi. Je remercie Dominique et Josée pour leur patience. Et je me dis que, la prochaine fois, je serai mieux préparé pour profiter du ski nordique sans tomber autant. En tout cas, j’espère…