Photo : Martin Lominy

Refaire l’histoire… de la poterie

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Martin Lominy, fondateur d’Abotec, donnera un atelier paléohistorique le 26 juillet à l’exposition 1001 pots de Val-David. Depuis trois ans, il participe à un projet expérimental sur la poterie et les pratiques culinaires préhistoriques autochtones au Québec, avec le Groupe de recherche en archéologie des Hautes-Laurentides.

« C’est une collaboration de cinq ans avec Karine Taché de l’Université Laval, qui est spécialisée dans l’analyse biomoléculaire. Depuis longtemps, elle étudie les fragments de céramique qu’on a retrouvés, et elle analyse les résidus alimentaires », explique Martin.

Les aliments mis dans les poteries préhistoriques ont laissé des traces, comme des graisses et des protéines. « Des milliers d’années plus tard, on peut retrouver ces traces : elles viennent de quels animaux et de quelles plantes. On n’a pas de recettes complètes, mais une idée de leur alimentation », illustre Martin.

Faire pour comprendre

Cuisiner dans des reproductions de poteries préhistoriques permet d’en apprendre plus sur des techniques oubliées. Photo : Martin Lominy

Avec son entreprise, Martin reproduit des artéfacts autochtones, à des fins de recherche et d’éducation. En reproduisant les objets retrouvés dans des fouilles archéologiques, il en apprend sur leur utilité, leur fonctionnement et leur fabrication. L’archéologie expérimentale permet ainsi de mieux comprendre l’Histoire en testant, dans le réel, les théories.

Depuis quelques années, Martin s’intéresse plus particulièrement à la poterie. Il s’est dit qu’il serait intéressant de combiner ses recherches avec celles de Karine Taché. En cuisinant des recettes dans ses reproductions de poteries, cela permet d’avoir des « signatures moléculaires fraîches » et de les comparer avec celles retrouvées grâce à l’archéologie, explique-t-il.

« On travaille en collaboration avec une cheffe cuisinière autochtone. » Cezin Nottaway est reconnue internationalement, souligne Martin. « Elle n’avait jamais cuisiné dans des poteries préhistoriques. Et la semaine dernière, c’était la première fois qu’elle utilisait un couteau en pierre. Ça lui permet à elle aussi d’en apprendre sur son propre sujet », illustre l’archéologue.

Cuisiner dans des poteries amène aussi de nouveaux problèmes. Comment éviter que le choc thermique ne brise la poterie ? Comment faire cuire les aliments sans les brûler ? « Quand tu le fais, tu réalises un tas de détails. […] Ça nous donne beaucoup plus de questions que de réponses. Mais ça nous permet de creuser dans la bonne direction », illustre l’archéologue.

Décorer

Le groupe de recherche a testé des outils de décoration pour les poteries. Photo : Martin Lominy

Chaque été, le groupe de recherche se rencontre à Nominingue pour une semaine. Des étudiants à la maîtrise en archéologie y testent leurs théories sur les méthodes de fabrication de la poterie. « Cet été, le thème était la décoration. On la voit sur les tessons qu’on retrouve, mais on n’a jamais trouvé d’outils de décoration, nulle part. Donc ils devaient être en bois et se sont biodégradés », croit Martin. Ils ont donc reconstitué des outils pour voir s’ils peuvent obtenir des résultats semblables.

Les années précédentes, ils ont aussi reproduit une série de poteries en utilisant des méthodes différentes. Ils les ont ensuite analysés par tomodensitométrie (un CT-scan) pour les comparer. Par contre, cela prend du temps, et Martin attend encore les résultats. « Ce sont des recherches faites sur des années. »

Fouiller les Laurentides

La région des Laurentides a été « négligée longtemps par l’archéologie », indique Martin. Les fouilles étaient surtout concentrées à Montréal, Québec et Trois-Rivières. « Ici, il y a eu des inventaires par-ci, par-là depuis une dizaine d’années. »

Mais les découvertes récentes permettent déjà de réfuter certaines croyances. « On est en territoire anichinabé, et ce sont nos principaux collaborateurs. […] On réalise que les nomades du nord, des groupes de chasseurs-cueilleurs, fabriquaient de la poterie. Mais on pensait que c’était une affaire de sédentaires », illustre Martin.

Dans les artéfacts retrouvés, il y a beaucoup de traces de poisson. L’archéologue pose donc l’hypothèse que les groupes utilisaient les poteries pour « transformer des ressources saisonnières ». Les nomades s’installaient près d’un lac pendant un ou deux mois, pendant que la pêche était abondante. Ils faisaient de l’huile de poisson dans des poteries, par exemple. « Et quand la saison est passée, ils prennent les ressources et s’en vont ailleurs. »

Techniques oubliées

Aux 1001 pots, Martin donnera une démonstration de ces techniques préhistoriques. « Aujourd’hui, on utilise des fours électriques, des glaçures, etc. La production est vraiment diversifiée. Mais la méthode par le feu n’est pas très connue. »

L’archéologue souhaite donc initier les céramistes à des méthodes anciennes et oubliées. « Il y a un historique qui vient avec ça. Et ce sera peut-être même une source d’inspiration. »


À mettre à l’agenda

Les 1001 pots

  • Quand : Tous les jours de 10 h à 18 h, jusqu’au 18 août
  • Où : 2435 rue de l’Église à Val-David
  • Combien : 4 $ par adulte; gratuit pour les moins de 12 ans

Atelier paléohistorique du Québec

  • Qui : Avec Martin Lominy d’Abotec
  • Quand : Le 26 juillet à 15 h
  • Combien : Gratuit !

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