Rencontre avec l’« historien » du snowboard, Hugues Beauchamp
Hugues Beauchamp est une véritable encyclopédie du snowboard. Depuis sa jeunesse, il collectionne des planches, des objets et des magazines de snowboard. Il fournit parfois ses plus grandes trouvailles pour des expositions et des musées. Avec lui, on retrace l’histoire du snowboard dans les Laurentides et dans l’Est américain.
Le passionné a commencé sans trop le savoir à collectionner des objets liés au snowboard. « J’ai toujours été un ramasseux. Le monde riait de moi à l’époque. J’ai des catalogues, des listes de prix des années 90. Aujourd’hui, j’ai encore ça et je l’envoie au monde ! », raconte-t-il. Au début, il s’intéressait davantage à la documentation comme les revues, les catalogues, les collants, etc. « Puis, j’ai commencé à collectionner les snowboards. Il y avait moyen d’avoir des bonnes aubaines sur des vieux boards. » Maintenant, il fait partie d’un groupe de collectionneurs de planches de partout dans le monde.
« Oui, on est des collectionneurs, mais à la base, on est passionnés de l’histoire du snowboard. Il y a toujours le produit, mais c’est l’histoire qui est derrière le produit qui nous intéresse », soutient Hugues Beauchamp.
La rivalité est-ouest
L’histoire du snowboard a commencé bien après le ski, avec le « snurfer » : une petite planche avec une corde, qui ressemblait à un ski, mais plus petite et plus large. « C’est là où les compétitions ont commencé, où ç’a viré plus en sport », rapporte Hugues. La planche a ensuite évolué au fil des années, notamment grâce à deux figures importantes du snowboard : Jake Burton et Tom Sims.
Alors que Jake Burton développait ses planches dans l’est des États-Unis, au Vermont, Tom Sims était sur la côte ouest – davantage influencé par la culture du surf et du skateboard. « Jake Burton a révolutionné le monde du snowboard sur la côte est. […] Dans l’Est, on n’avait pas les mêmes conditions que dans l’Ouest : plus de glace et moins de neige. Burton a donc, par essais erreurs, adapté les planches pour nos conditions », explique Hugues.
« Burton a vraiment apporté le côté business et entrepreneur, alors que Sims a apporté l’héritage du skate et du surf. Il a développé le « snowboarder ». Burton était plutôt un homme d’affaires », souligne Hugues.
L’importante du Québec et des Laurentides
Au fil des années, le snowboard a évolué. On y a ajouté des fixations et des carres, et on a adapté sa forme. C’est d’ailleurs un Québécois, Louis Fournier, qui a inventé un élément essentiel de la planche de snowboard, à partir des bottes de ski. Il a développé une fixation qui permet de faire incliner la planche lorsqu’on est sur les talons.
À l’époque, il y avait beaucoup d’usines de snowboards au Québec, notamment dans les Laurentides. « Entre autres, dans le secteur de Saint-Antoine, Louis Fournier pressait des boards ici même », rapporte Hugues.
Il faut se rappeler qu’au départ, les snowboarders n’avaient pas le droit d’aller dans les pistes des skieurs, entre autres parce qu’on considérait le sport comme dangereux. La première station dans les Laurentides à permettre le snowboard a été Belle-Neige. « Ils ont été précurseurs à l’époque. Ç’a été l’une des premières stations au Québec à accepter les planchistes sur leurs pentes », dit-il. Puis, voyant la popularité du sport, les autres stations ont suivi, mais en dédiant des pistes aux snowboarders.
D’ailleurs, Hugues croit que le Québec ne se met pas assez en valeur dans le développement des sports d’hiver. Alors que les Laurentides et le reste de la province ont eu une grande importance dans les sports de glisse, il n’y a pas assez d’investissement pour promouvoir cet héritage.
« On est des pionniers en Amérique du Nord en termes de sports d’hiver. On produit certains des meilleurs athlètes au monde, mais on dirait qu’il n’y a pas de reconnaissance pour l’origine du sport, la base. Ces jeunes ont été inspirés par quelque chose, ils ont été sur la neige pour une raison, et c’est dommage qu’on n’en parle pas plus et qu’il n’y ait pas beaucoup d’endroits pour présenter cela », déplore Hugues Beauchamp.
Photo : Jeff Patterson
Quelle est la place du snowboard aujourd’hui ?
« Comme n’importe quoi qui est nouveau, il y a un « hype ». Mais ça reste aussi une question de région. Par exemple, en Chine ou encore au Japon, il y a une explosion de la popularité du snowboard. Alors qu’en Amérique du Nord, ç’a beaucoup baissé. Ça s’est balancé avec le ski », indique Hugues.
Il souligne que l’industrie du ski a repris « la business du snowboard des années 90 ». Le développement des skis « freestyle » a attiré les jeunes et les nouveaux adeptes. « Il y a eu un moment où les jeunes plus en marge choisissaient le snowboard. Mais aujourd’hui, tu peux être en marge et faire du ski », raconte Hugues.
Et pourquoi choisir le snowboard aujourd’hui ? « Je crois que c’est une question d’influence. Qu’est-ce que tu regardes ? Qu’est-ce que tes amis font ? De quoi tu te nourris comme information ? C’est ce qui fait en sorte que tu te diriges vers ça », dit-il. Dans les années 90, « les snowboarders avaient des personnalités : des dreads, la musique, c’était punk. Alors qu’aujourd’hui, les snowaboarders, comme Maxence Parrot ou Sébastien Toutant, sont des athlètes », ajoute Hugues.