(Photo : Courtoisie )
La Maison Oxygène Laurentides est située sur la rue Martigny à Saint-Jérôme.

S’investir pour les pères et la paternité

Par Ève Ménard - Initiative de journalisme local

Depuis une dizaine d’années, Bernard Bisson s’implique dans des organismes et des ressources dédiées aux hommes et à la paternité. Au fil des ans, il a développé et animé différents ateliers ou groupes de discussion. En 2018, il a fondé la Maison Oxygène Laurentides, qui offre de l’hébergement et du soutien communautaire et psychosocial aux pères et à leurs enfants vivant une situation de vulnérabilité.

La paternité est une voie d’entrée efficace pour intervenir sur plein d’autres sphères de la vie des pères, que ce soit le travail, la santé ou les relations interpersonnelles. Mais pour rejoindre les hommes, il faut adopter une approche d’intervention adéquate, qui répond à leurs besoins.

D’une expérience personnelle à la création de l’organisme

Il y a quelques années, Bernard Bisson vit une séparation conjugale, alors qu’il est père de trois enfants. « J’ai eu la surprise d’avoir des difficultés à obtenir la garde », dit-il. « J’ai tenté tant bien que mal d’aller chercher du support dans ça, pour réaliser qu’il n’y en avait pas. »

Bernard Bisson en compagnie de la directrice générale de l’organisme, Patricia Rocheleau, lors de l’activité annuelle du Pique-nique de la fête des Pères.

Puis, il apprend que les ateliers Pères présents, enfants gagnants débutent à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), à Saint-Jérôme. Bernard Bisson décide d’y participer. « J’ai réalisé que j’avais le pouvoir d’être un bon père tous les jours, même si je ne vois pas mes enfants souvent, même si ce sont des situations qui ne me conviennent pas. Plutôt que de juste essayer de me battre pour gagner des accès, je consacrais mon temps à être un bon père. Mon énergie est allée ailleurs, et le fait de me concentrer sur être un bon père a justement calmé le jeu » raconte-t-il à propos de cette expérience.

Par la suite, Bernard Bisson anime pendant plusieurs années ces ateliers. En 2017, il crée également le groupe Père plus Laurentides, qui permet aux pères de se rassembler pour discuter, écouter, apprendre ou réfléchir sur la paternité. En 2018, il se retire de l’animation pour se consacrer à la mise sur pied de la Maison Oxygène Laurentides, qui a maintenant pignon sur rue à Saint-Jérôme. La maison ouvre officiellement en 2020 et accueille son premier père.

« Un encadrement complet »

L’organisme offre un service d’hébergement à des pères dans le besoin, et à leurs enfants. Le temps de séjour, qui peut durer jusqu’à quelques mois, permet aux pères de participer à des ateliers sur la paternité, de se fixer des objectifs, de trouver un appartement, de se stabiliser ou d’organiser la coparentalité avec la mère, énumère Bernard Bisson. « Ensuite, quand ils trouvent une autonomie, on poursuit en suivi externe selon les mêmes objectifs », complète le coordonnateur des services.

Les services externes de l’organisme ne sont pas seulement offerts aux pères qui sont passés par l’hébergement, mais à tous ceux qui veulent être accompagnés dans « n’importe quelle sphère reliée à la paternité », précise le président fondateur. Enfin, l’organisme propose une série d’ateliers, dont Pères présents, enfants gagnants et le groupe Père plus Laurentides, ainsi que des ateliers sur la coparentalité, le programme Coffre à outils pour pères séparés et le groupe de suivi psychological pour pères. La Maison Oxygène donne aussi des séances d’information juridique.

« C’est un encadrement complet, avec des ressources élargies, qu’elles soient financières, morales, émotionnelles ou légales », témoigne Stéphane Rodrigue, qui est demeuré pendant quelques mois à la Maison Oxygène Laurentides et qui est maintenant en suivi externe avec l’organisme.

Se rebâtir

Stéphane Rodrigue est arrivé chez l’organisme le 9 août 2023, après une thérapie à Portage, pour des enjeux de toxicomanie. « Après ma thérapie, je ne me sentais pas encore assez fort et je n’avais pas les moyens de partir en appartement, donc je cherchais un hébergement où je pouvais avoir des contacts avec mes enfants », explique Stéphane Rodrigue. « Au début, j’avais un dodo par fin de semaine, après j’avais deux dodos une fin de semaine sur deux », précise-t-il au sujet de ses enfants, qui sont placés par la DPJ.

Son expérience à la Maison Oxygène lui a permis « d’apaiser plusieurs doutes » reliés à son rôle de père et d’améliorer sa communication avec ses deux garçons de 8 et 11 ans. « J’avais besoin d’une place pour continuer à me rebâtir, à mieux organiser mes affaires et ça m’a permis de faire ça », souligne Stéphane Rodrigue. Aujourd’hui, il vit à Terrebonne. Il voit ses enfants une fin de semaine sur deux et est en attente d’un jugement pour obtenir la garde complète.

« À la base, il faut accepter la situation dans laquelle on est et vouloir changer », affirme Stéphane Rodrigue à propos des leçons qu’il tire de son cheminement. « C’est bien beau de prendre le téléphone, appeler quelqu’un et dire : “j’ai besoin d’aide”. Mais l’aide vient avec les problèmes que tu as, donc il faut que tu acceptes les problèmes. Moi, organiser les budgets, je n’ai jamais été fort là-dessus. Et maintenant, je mets de l’argent de côté, toutes mes factures sont payées […] On m’a donné des trucs et je les ai mis en pratique. »

Des services développés par et pour les hommes

Bernard Bisson est soucieux que l’approche des organismes réponde véritablement aux besoins des hommes. Il remarque que la plupart des outils en intervention sont développés par des femmes, et souvent à l’intention des femmes. L’approche d’intervention est surtout axée sur la demande d’aide : « tu as besoin d’aide, viens je vais t’écouter », illustre le président fondateur de la Maison Oxygène Laurentides. « Les hommes ne répondent pas bien à ce genre d’appel-là », dit-il.

Encore aujourd’hui, les hommes ne veulent pas recevoir d’aide, constate Bernard Bisson. « Les papas ne viennent pas nécessairement à nous. Il faut vraiment aller les chercher. Sinon, c’est un peu comme si on leur demandait de se montrer vulnérable. Aujourd’hui dans la culture, c’est encore les hommes qui sont censés être forts et qui ne pleurent pas. Superman et Spiderman, ils n’ont pas besoin d’aide. La socialisation masculine évolue très lentement », ajoute M. Bisson.

La manière d’organiser et de présenter les ressources doit donc tenir compte des « particularités masculines ». Ainsi, les services et les ateliers offerts par l’organisme ne sont pas présentés comme de l’aide. « C’est plutôt : “est-ce que t’aimerais avoir des outils pour avoir une meilleure relation avec ton fils ou pour être encore plus heureux dans ta vie, parce que tu es déjà un bon papa. On sait que tu aimes tes enfants et que tu veux t’en occuper » », illustre le coordonnateur des services.

L’accent est donc mis sur l’action et les forces du père. Le président fondateur donne un autre exemple:« Plutôt que de mettre deux chaises dans un bureau et dire : “viens t’asseoir, on va jaser”, on va juste aller prendre un marche ». Ça semble d’ailleurs fonctionner, puisque la demande augmente. « Ça fait 10 ans qu’on utilise cette approche-là et la demande ne fait que grandir », indique Bernard Bisson. En 2023-2024, 268 pères ont fait une demande à la Maison Oxygène Laurentides, soit pour l’hébergement ou des services externes, contrairement à 142 en 2022-2023.

Bernard Bisson forme même des organismes qui œuvrent auprès des familles, pour qu’ils favorisent davantage l’intégration et l’implication des pères. « Avez-vous deux chaises pour accueillir les deux parents ? Avez-vous un dossier papa et un dossier maman ? Connaissez-vous le nom du père, l’avez-vous déjà appelé ? » Il encourage aussi les organismes à développer des outils et des activités qui répondent aussi aux besoins des pères.

Pour plus de détails sur les services de la Maison Oxygène Laurentides, rendez-vous sur leur site web : maisonoxygenelaurentides.org.

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